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Xavier Dolan, déclaration d’amour à un prodige du cinéma

 

Putain de Xavier Dolan. Tu es tranquille chez toi, le dimanche, à regarder pousser les fraises, un café dans une main et un chat qui urine sur tes étagères Ikea comme si sa vie en dépendait, et BAM. Tu te rappelles qu’il existe. Vraiment, il y a des gens sur cette terre qui sont juste là pour te prouver ta vocation de fille un peu minable. Mais est-on vraiment là pour parler de mes complexes d’infériorité ? Moi je préfèrerais, mais selon les garçons du Cri « C’est pas vendeur ». Génial, vraiment, ce dimanche se passe à merveille.

Xavier au moins, les gens s’intéressent à lui. Tout ça parce qu’il a du talent, c’est ridicule. Moi j’ai fait des bonnes blagues, des traits d’esprit spirituels, alors OK c’est pas devenu des objets de culture primés à Cannes mais mince à la fin, j’ai pas rien fait de ma vie non plus. Oui je sais, tu n’es pas venu là pour lire ça. Tu as cliqué, avide d’une analyse drôle et pertinente sur la carrière et les films de ce cher petit fils génie du pays des caribous et de la poutine. C’est bon, j’ai bien compris. Merci de ton intérêt.

En plus, je l’aime, ce foutu québécois. Comme un fou, comme un soldat. Comme une star de cinéma. Pardon d’avoir vomi ma jalousie rance plus tôt Xavier, mais j’ai la kiffance lâche et l’admiration amère. Xavier est un réalisateur unique. Unique par son talent, sa vision, son don pour saisir les gens. Les instants. Un poète de la pellicule, le cheum. Le genre de type qui te donne envie d’aimer les films de façon absolue, qui te donne envie d’en réaliser, d’en voir, de se bouffer de la caméra en pleine gueule.

Allez monte dans ma DoLorean, on retourne un peu en arrière, à l’époque où tu avais tous tes cheveux et j’avais encore des projets.

In Xavier we trust

Il y a 10 ans de ça, un petiot débarque à Cannes avec un premier film. Le gamin a 19 ans, le film s’appelle J’ai tué ma mère et il met un gros crochet du droit à ceux qui le voit.

Comme tu t’en doutes, le film ne parle pas du Kursk, mais des relations mère/fils. Dans le cas présent, celle d’Hubert et de Chantal. La mise en scène est léchée, les dialogues sont percutants. Dolan signe sa première histoire d’amour, et elle te prend à la gueule. En criant qu’il la hait, Hubert montre pendant tout le film à sa mère qu’il l’aime. Il l’aime malgré ses fringues ringardes, ses réflexions pourries, les miettes qu’elle laisse au coin de sa bouche. Il l’aime même quand elle le culpabilise, quand elle le manipule. Il l’aime de façon irréversible. Parce que c’est sa mère. C’est comme ça.

J’ai tué ma mère marque le début de la carrière de Dolan, ainsi que celui d’un questionnement qui depuis 10 ans ne le lâche pas, teintant tous ses films de cette ombre, ravivant en nous des interrogations que l’on aimerait des fois ne pas avoir : le rapport à la mère. Comment ne pas penser à Romain Gary, autre artiste dont la mère hanta les récits ? Dolan y fait d’ailleurs une jolie référence dans un de ses films, où La vie devant soi, de Gary, est montré comme le seul livre que son héros a terminé.

Génitrice monstrueuse comme Folcoche ou mère courage, les mamans, quand bien même qu’on y touche pas, sont depuis longtemps un sombre objet de fantasmes et désirs cinéphiles. Quoi de plus universel qu’une mère ? Tout le monde n’as pas une Clio intérieur cuir, mais même si tu es un bébé éprouvette, tu as une daronne. Le point commun entre Franck Ribéry, Barack Obama, Brad Pitt et mon chat ? Ils ont une mère. Mettons les choses au clair direct, c’est pas parce que tu as une mère que cela te rendra talentueux dans ta façon d’en parler. Mais le rapport à ta maman, à la chair qui a créé ta chair est souvent un lien complexe qu’il est difficile de décrire avec justesse par des images ou des dialogues, tant ceux-ci ne peuvent contenir toute la charge émotionnelle que l’évocation du lien maternel remue en nous.

Le truc qui me rend folle, c’est que Xavier, il y arrive. Mais vraiment, et avec l’air de ne pas y toucher en plus. C’est vraiment un salaud ce type, de me foutre sous le nez tout son talent.

Confirmé comme un petit génie à l’œil acéré dés son deuxième film Les amours imaginaires, love story bancale entre 2 amis et un garçon qui va semer la zizanie. La vision de l’amour et de la femme de Xavier est encore une fois présente, par le biais de Marie, unique personnage principal féminin du film et de ce trio amoureux. Mais c’est avec deux films qui suivent celui-ci que Dolan va imposer sa marque au sein de la grande famille sclérosée du cinéma. Avec Laurence Anyways, puis Mommy, il frappe deux grands coups à la porte du cinéma dit « d’auteur », défonçant au passage les a priori que l’on pouvait avoir à son sujet.

Car le Xavier, s’est en quelques années taillé une réputation de petit génie tête à claques, condescendant et arrogant. Des épitaphes peu flatteuses, qui ne correspondent en rien avec ce que le bonhomme communique à travers ses films. C’est aussi une des grandes forces de ce mec. Il ne juge pas et revendique une culture populaire, qui transparaît dans chacune de ses œuvres.

Là où certains lui citent Godard et Le Cuirassé Potemkine comme sources d’inspiration, il répond Charmed et Titanic.

Lorsque certains voient des hommages imaginaires à des cinéastes obscurs dans ses films, il s’en amuse et préfère faire un clin d’œil à Maman j’ai raté l’avion dans Mommy, balançant par la même occasion à la poubelle les certitudes que l’on peut avoir le concernant. Ses personnages gouailleurs et forts en gueule ne sont jamais pris pour des moins que rien, ou des abrutis. Leurs histoires ne comptent peut être pas beaucoup à l’échelle du monde, mais on s’en fout.

Et Xavier pour tous

Dans ses films, le monde n’est pas fait d’atomes, mais de milliards de petites histoires, tout comme dans la vie. Le point de vue qu’il adopte face à tous ces drames ordinaires, ces guerres de familles, les petites phrases assassines que l’on lâche par faiblesse ou par humanité, n’est jamais moralisateur. Pour Dolan, bien sûr que nous ne sommes pas parfaits. Tant mieux. Quel intérêt de filmer des gens parfaits ? Ceux qu’il veut nous montrer, c’est des gueules pétés par l’enfance et des cœurs cabossés par la vie. Et il y arrive fort bien. J’aimerais te dire que les dialogues sonnent faux, que les situations n’ont pas parfois un goût de vécu, mais franchement je te mentirais.

J’ai notamment le souvenir d’une scène dans Lawrence Anyways, où le personnage principal, un homme qui est en train de changer de sexe, appelle sa mère dans un moment de désarroi. Il lui demande, la supplie de le voir, lui propose dans un dernier élan de l’amener au musée la semaine d’après. Sa mère coupe court à la conversation, elle n’a pas le temps, son mari est à côté. Elle n’entend pas le malheur de son fils, ou fait semblant de ne pas l’entendre. Elle préfère fermer les yeux. Raccrocher. Cette scène anodine, nous l’avons tous vécu, d’un côté ou l’autre du combiné. Nous avons tous été malheureux, et nous avons tous fuit les complaintes d’un être cher. C’est la vie, dans ce qu’elle a de plus banale. De plus minable.

De par sa manière horizontale d’aborder ses personnages, il se place au même rang qu’eux. Tour à tour fils délaissé par sa mère, ami amoureux d’un Adonis qui ne le regarde qu’à moitié, enfant prodigue et maudit qui retourne au pays, ou encore fan éperdu, il est tous ses personnages. Une proximité avec ses protagonistes que Xavier revendique. Lui qui écrivait des lettres à DiCaprio ou Susan Sarandon quand il était gamin, leur déclamant son admiration au détour de missives qui restèrent sans réponses, il se retrouve dans le personnage de son dernier film (Ma vie avec John F. Donovan) qui établit une correspondance avec son idole, véritable point de départ d’une chute en avant pour la star en question (et métaphore intelligente sur le Star system, ses hypocrisies et ses coups bas).

L’autre thématique qui semble ressortir des films de Dolan, est celle de la recherche. De son identité, de sa sexualité, de son genre, ou tout simplement de la place que l’on peine à se creuser dans une société qui n’accepte pas les différences comme elle devrait le faire. Dans Mommy, l’adolescent atteint de troubles de l’attention est violent et hypersensible. Il n’arrive pas à se faire une place parmi ses semblables, ses émotions à fleur de peau constituant une barrière entre lui et le monde extérieur. La quête du genre est la préoccupation principale du film Laurence Anyways, où Fred, le héros, décide de changer de sexe, se sentant femme coincée dans un corps masculin. Dans Juste la fin du monde, les différents personnages du film sont tous à la recherche de leurs origines, de leur place au sein d’une famille dysfonctionnelle, où les non-dits ont pris une place trop importante pour ne pas gâcher un repas familial. La place de l’humain est définitivement centrale chez Dolan qui n’est pas par définition un réalisateur contemplatif, à l’instar d’un Terrence Malick, qui préfère parfois filmer les plantes que les hommes.

Dolan prend le parti de souvent rester proche de ses personnages, optant régulièrement pour des plans qui les magnifient, quitte à tomber parfois (souvent dans ses premiers films, le défaut se fait moins voir maintenant) dans un coté presque « clipesque » de réalisation, notamment avec l’utilisation des ralentis qui ont parfois desservi sa mise en scène. Mais en dehors de ce gimmick parfois un peu surexploité, l’œil de Dolan et sa vision du cinéma est une merveille pour tout spectateur. Ses plans sont travaillés, et l’écran devient le canevas sur lequel Dolan joue avec les approches, les profondeurs de champ, les cadrages. Comment oublier ce plan de Mommy ou l’écran s’ouvre littéralement, poussé par les bras du personnage, au rythme de Wonderwall ? Instantanément devenu iconique, ce passage du film marque les esprits, et a déjà trouvé sa place parmi les scènes fétiches de nombreux cinéphiles. Comme beaucoup de cinéastes, il a su créer des plans qui au fur et à mesure de sa filmographie reviennent comme un refrain.

Je pense notamment aux plans de dos, typiques de ses films, où les personnages avancent, souvent au rythme d’une musique aisément reconnaissable, comme dans Laurence Anyways où une arrivée dans une fête est sublimée par un plan sur le dos d’une femme, accompagnée de Fade to Grey comme tempo. Un gimmick, une sucrerie que Dolan s’autorise dans nombre de ses œuvres, mais qui n’est jamais trop utilisé ou trop attendu.

Véritable homme-orchestre du septième art, Dolan officie donc derrière la caméra (sa casquette la plus connue) mais aussi en tant que scénariste, directeur photo, souvent chef costumier et monteur. Ça ne m’étonnerait qu’à moitié que le mec fasse les frites de la cantine du film et ramène tout le monde en minibus le soir. Tu le vois l’investissement du mec ?

Comme tu l’as compris, j’aime bien ce type. Réalisateur brillant et engagé, dialoguiste aiguisé, il prouve que le talent n’attend pas le nombre des années (si tu cherches une preuve de ma vieillesse, dis toi que je viens d’employer cette expression). J’aimerais te dire qu’en interview, il est con comme une huître (pardon à nos amis les crustacés, mais on va pas se mentir, vous êtes pas les animaux les plus vifs) mais même pas. Il a l’air bien, simple, bon. Le gars à qui tu paierais une plâtrée de pâtes en t’excusant de ne plus avoir de gruyère et qui te répondrais « T’inquiète pas, c’est très bien comme ça ».

Putain de Xavier Dolan.

KaMelaMela

Kamélaméla aime deux choses: la blanquette et Eddy Mitchell. Sinon, de temps en temps, elle va au ciné. Voila, vous savez tout.

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