Terminator Genisys : Pourquoi est-il revenu ?
Ah l’été arrive et avec lui sa cohorte de films calibrés pour nous en mettre plein la vue, ses blockbusters pétés de thunes, ses films de super héros, ses suites…. et ses massacres de licences aussi. Ah tiens, ils ont fait un nouveau Terminator ? Attends un nouveau Terminator ?!? Avec Schwarzy ?!? Et Emilia Clarke ?!? Réalisé par Alan Taylor, le film a été adoubé par James Cameron (réalisateur, entre autre, des 2 premiers opus) lui-même qui a déclaré que « Si vous avez aimé les premiers Terminator, vous allez adorer Terminator Genisys ».
Pour le Cri du Troll, je me suis donc rendu dans les salles obscures. Alors, Terminator Genisys, renouveau d’une licence culte ou film cynique voulant se faire du fric sur l’exploitation d’une licence ? (vous avez 2h)
RÉTROCONTINUITÉ
Le trailer 1, garanti sans spoiler
Un petit point sur l’histoire de la série pour les néophytes (déjà allez voir Terminator 1 et 2 ) : en 2029, la guerre entre les machines dirigées par l’intelligence artificielle Skynet et ce qui reste de l’humanité fait rage. La moité de la population mondiale a disparu en 1997 lorsque Skynet est devenu conscient et a lancé sur l’humanité tout ce qu’elle avait comme arsenal nucléaire dans ce qui est connu comme le Jour du Jugement Dernier. Néanmoins, l’espoir perdure grâce à John Connor, leader charismatique de la résistance humaine. Proche de la défaite, Skynet décide d’envoyer dans le passé 2 cyborgs humanoïdes, les Terminators, pour éliminer la mère de John, Sarah, en 1984 (Terminator), ou John alors enfant en 1995 (Terminator 2). Pour contrer Skynet, la résistance envoie quant à elle un humain, Kyle Reese, et un Terminator reprogrammé. A l’issu de T2, la conception de Skynet était tuée dans l’œuf et l’apocalypse nucléaire en théorie évitée. Je ne reviendrais pas ici sur Terminator 3 parce que le film est extrêmement mauvais et que je préfère l’oublier, et Terminator Salvation (Renaissance dans la traduction française de la drogue) qui se déroule entièrement dans le futur (le film a reçu des critiques mitigées, perso je l’aime bien et ai hésité à le chroniquer dans le cadre de notre semaine post-apo). Avant d’aborder Genisys, il faut comprendre que les 2 premiers films sont loin d’être bas du front, abordant des thèmes complexes comme le voyage dans le temps et les paradoxes temporels (SPOILER ALERT – Kyle Reese étant envoyé du futur par John Connor en est en fait le père biologique – FIN DU SPOILER) et la peur de l’émergence de l’intelligence artificielle.
Bon à partir de cette mythologie-là, que faire pour un nouveau film ? Déjà annoncer clairement que le T3 n’existe pas et que ce Genisys constitue la suite « officielle » de la saga c‘est un bon point de départ mais ça suffit pas. Le film s’ouvre sur une séquence nous rappelant le Jugement Dernier et la situation en 2029. On y découvre la résistance et John Connor sous le point de vue de Kyle Reese et on assiste surtout à l’assaut final contre Skynet. Là, soyons honnête, c’est cool. Ça pète dans tout les sens, on retrouve l’esthétique introduite dans les films de Cameron et on a droit à quelques moments de bravoure. On assiste alors à l’envoi de Kyle en 1984 et on commence à se dire qu’il vont quand même pas nous repomper le film original ? Non car un nouvel élément intervient (que je ne spoilerai pas ici) mais Kyle part quand même dans le passé. Et là, la déliquescence du film commence…
Encore interloqué par ce qu’on vient de voir, on se retrouve donc en 1984 avec exactement les mêmes scènes que dans le premier film (et quand je dis les mêmes scènes, c’est plan pour plan) : l’arrivée de Kyle dans la ruelle avec le clochard, l’arrivée du T-800/Schwarzy jeune et sa confrontation avec les punks. Là je commençais à être partagé entre l’hommage que ça pouvait constituer ou la paresse et le manque d’originalité de la réalisation. Et là arrive le premier moment what the fuck mais sur le coup jouissif : l’arrivée d’un autre Terminator/Schwarzy plus vieux se jetant à coup de shotgun sur le Terminator original (je spoile rien c’est dans toute les bande annonces). Deux fois plus de Schwarzenegger ! On aura au final pas moins de 4 versions dans le film :-) .
I’ve been waiting for you
OK là il y a un truc nouveau, on est plus dans le repompage, on peut partir sur une nouvel dynamique, ça peut être intéressant de savoir comment ce qu’on a vu dans le futur a pu changer le passé à ce point là. Mais en fait l’un des gros point faibles du film est là : on a et on aura zéro explication !
Ou bien si, on a une bonne grosse explication Deus ex machina sortie tout droit du monde des comics : la retrocontinuité (Retcon pour les intimes) ou encore appelé dans ce cas le concept de « Parce que, ta gueule ». Grossièrement, le principe est de changer des éléments antérieurs par l’ajout de nouveaux éléments. Généralement, ça peut coller assez bien avec le principe du voyage temporel et des paradoxes engendrés. Sauf qu’ici non. Pourquoi en 1984 on a un T-800 pour tuer Sarah et un T-1000 pour tuer Kyle : Parce que, ta gueule. D’où vient le premier T-1000 qui a essayé de tuer Sarah enfant : Retcon. D’où vient ce premier Terminator joué par Arnold ? (SPOILER ALERT – Explications officielles de l’intéressé : les dossiers ont été effacés. Si ça c’est pas du gros foutage de gueule en mode « On avait pas d’idée de comment se dépatouiller avec notre bordel/ça laisse une piste pour une suite, lol » je sais ce qu’il faut ! – FIN DU SPOILER). Alors je sais qu’avec les paradoxes temporels on peut prendre une certaine liberté mais pas si ça devient imbitable et si ça te donne l’impression qu’on se fout de ta gueule et de ton intelligence.
S’ensuit la récupération de Kyle qui ne comprend pas ce qu’il se passe (et qui passera 90% du film dans cet état d’inutilité et d’incrédulité, assez proche de ce que ressent le spectateur d’ailleurs), quelques courses poursuites pas trop mal, une confrontation avec le T-1000 bien pensée. Et là, nouveau voyage temporel (je vous laisse découvrir le pourquoi du comment. La réponse : c’est « ok c’est tordu mais why not, c’est pas plus con que la suite du film »). Et là 2017 ! Oui, oui 2017 alors que le Jugement Dernier est sensé se passer en 97… ah pardon « Retcon, ta gueule ». Et là Genisys : pseudo application internet, croisement incestueux entre Apple/Facebook/Twitter/la NSA/mon cul/ma bite et servant de couverture à Skynet. Oui parce qu’au moins le film a fait mine de comprendre la logique des deux premiers sur le fait que le futur n’était pas fixé et qu’on pouvait changer son destin (ce à quoi Terminator 3 avait lui répondu « lol la guerre est inévitable » en bon reflet de l’Amérique de Bush). Donc on va essayer de détruire Skynet/Genisys avant, sauf que maintenant ça se passe en 2017. On retrouve aussi cette réflexion sur le risque que représente le développement technologique et notre dépendance aux machines (dans ce cas, notre volonté d’être hyper connectés). Cependant, là où l’idée était presque avant-gardiste dans les années 80, elle est ici banale (le monde connecté on est déjà dedans) et surtout bâclée/sous-exploitée.
Je ne spoilerai pas le twist majeur du film, déjà révélé par les dernières bande annonces (je déteste cette mode de tout montrer dans un trailer). Sachez juste que c’est de pire en pire. Le film se perd dans un scenario pseudo-complexe juste parce qu’il ne sait pas quoi dire, on assiste à une surenchère d’action et d’effets spéciaux typique du Hollywood des années 2010. La fin et notamment les 5 dernières minutes sont juste à jeter au feu et gâchent le peu plaisir qu’on aurait pu ressentir devant le film.
HASTA LA VISTA CASTING
Si seulement juste le scénario était bâclé… on a pas encore parlé du casting. Le film s’articule autour de 4 personnages majeurs Sarah Connor/Kyle Reese/John Connor et le Terminator. Et sur les 4, un seul tient la route et c’est celui sur lequel j’avais le plus d’attentes et de doutes à la fois.
Sarah Connor donc. Dans les années 80-90 Linda Hamilton avait montré l’évolution de Sarah passant de femme fragile dépassée par les évènement et future mère d’un quasi-messie de l’humanité vers résistante bad ass à la limite de la folie, prête à tout pour protéger son fils et sauver le futur.
Ici on retrouve dans le rôle Emilia Clarke, auréolée par son rôle de Daenerys Targaryen dans Game of Thones. Les personnages sont assez proches dans leur traitement d’origine si on y réfléchit bien. Sans être totalement catastrophique, son interprétation de Sarah ne convainc pas. Par la magie de la Retcon, on a une Sarah bien différente qui a grandi auprès d’un Terminator (qu’elle surnomme affectueusement « Paps » ou « Pappy » en VF) et qui est donc présenté comme une guerrière déjà en 1984. Sauf qu’on y croit à moitié. Malgré un peu de gonflette, Emilia Clarke fait quand même pâle figure au côté de Schwarzenegger et semble plus subir les événement que les provoquer (grosse tendance à cligner compulsivement des yeux chaque fois qu’elle tire). En aucun cas elle n’arrive au niveau bad ass atteint par Hamilton dans T2. Mais elle s’en sort finalement bien face aux deux suivants.
Kyle Reese et John Connor… oh putain… LES. DEUX. PUTAINS. D’ERREURS. DE. CASTING. Bon déjà Kyle Reese. Joué originalement par Michael Biehn, on retrouve ici Jai Courtney dont le nom ne me disait rien jusqu’à ce que je me rende compte qu’il avait joué le fils de John McLane dans le 5ième opus de la série Die Hard (série qui pour moi s’est arrêtée au 3).
On est donc typiquement devant le cas d’un mec qui joue un fossoyeur de licence. Déjà regardez l’image par vous-mêmes et dites-moi ce que vous voyez. On est passé d’un mec au visage et au corps marqués par des années de guerre à un gros lourdaud amateur de gonflette incapable de jouer différentes émotions. D’ailleurs son interprétation est juste à chier. Pas forcément non plus aidé par un scénario qui le relègue au statut de sidekick alors qu’il était jusque là un élément central de la saga, il traverse le film sans visiblement comprendre ce qui se passe et ce qu’il fout là. On a ainsi du mal à retrouver la fragilité que contenait le personnage dans Terminator 1 avec cette sorte d’amour impossible pour Sarah qu’il ne connaissait que via les récits de John. Là, il drague juste Sarah comme un gros lourd. Malgré une tentative d’offrir une certaine profondeur au personnage avec l’introduction de sa version enfant, cette idée est encore une fois sous-exploitée. Du coup, on a aucune empathie pour lui. Autant quand Reese meurt dans Terminator 1 ça fout les boules, autant là il pourrait lui arriver n’importe quoi ça ne changerait finalement pas la face du film.
Et John alors. Personnage emblématique de la saga. Sauveur de l’humanité. Seul rempart contre les machines. On a déjà eu une interprétation de John adulte par Christian Bale dans Salvation ce qui place quand même la barre à un certain niveau. Et là on a Jason Clarke. Et juste non. Non. Et non. C’est pas contre lui hein. Personnellement j’ai trouvé qu’il s’en sortait bien dans le dernier opus de la Planète des Singes. Mais là il a juste pas les épaules pour le personnage. Moi je suis désolé mais je suis pas ce mec contre les machines. Le début du film essaye pourtant de nous en faire une présentation iconique à base de grand discours tendance « président des USA dans Independance Day » et d’actions du charisme lors de l’attaque de Skynet mais ça fonctionne vraiment moyen. Le personnage est bancal partagé entre le pseudo-leader mystique qui connait tout des Terminator et le « best friend forever » de Kyle Reese. L’avantage des premiers films c’est que finalement on ne voyait pas John, ou alors juste enfant, ce qui participait à la construction de sa légende. Ici, faire du John de 2029 un personnage omniprésent de l’intrigue et un élément important notamment lors de la seconde partie du film (la partie à jeter aux orties, souvenez-vous) finit par le desservir. Je peux pas trop en révéler sans trop spoiler mais l’acteur cabotine vraiment à mort et on ne comprend à aucun moment les motivations réelles de son personnage (si vous avez une explication qui ne se prend pas les pieds dans un paradoxe temporel, mettez un commentaire).
Que reste-t-il du coup pour tenter de nous sauver du naufrage ? Schwarzenegger himself. Le Terminator dans toute sa splendeur. Quand il a annoncé qu’il reprendrait le rôle du T-800 dans le nouveau film j’étais plus que sceptique. Governator a quand même 67 ans et le voir rejouer le robot froid et inarrêtable était quand même risqué. Jouant quand même 4 versions de lui même (1 jeune dans les années 70, 2 d’âge différents en 1984 et une version old en 2017), Schwarzenegger montre qu’il en a encore sous la pédale.
Les quelques bonnes idées du scénario sont autour de son personnage de « Paps ». Sans faire dans originalité la plus folle, ils ont repris la figure pseudo paternelle attribué au T-800 vis-à-vis de John dans Terminator 2 pour la transposer ici avec Sarah. On suit donc le cyborg comme seul point fixe dans le temps et dans la vie de Sarah, à la fois père d’adoption et rempart froid sans empathie. Cela permet également d’avoir un Terminator vieillissant en 2017 (oui car, bien qu’il soit une machine, il est recouvert d’un habillage en tissu humain qui vieillit). Comme il le dit lui même il est « old but not obsolete ». Le scénario tient compte aussi d’une petite info délivrée dans T2 : plus ils sont en contact avec des humains et plus les Terminators apprennent car ce sont à la base des unités d’infiltration. C’est donc l’occasion de quelques blagues franchement moyennes (c’est quoi cette mode de vouloir mettre des blagues dans les films d’action pour relâcher un peu la pression ?) mais aussi d’utilisations plus intelligentes. Seule la fin vient gâcher ce qui pouvait constituer finalement une bonne surprise. Au regard de l’ensemble du film, on en vient même à se demander si ces moments ne sont pas également des moments de cynisme lancés à a gueule des fans de la première heure comme pour leur dire « Regardez on vous lance des madeleines de Proust et on joue sur le fait que Schwarzy n’ait plus 35 ans parce qu’on sait bien que le reste du film c’est de la merde ».
Bien tenté mais non, ça pourrait être un bon résumé de ce Terminator Genisys. Pas aussi honteux que Terminator 3 ou pas aussi con que Jurassic World, le film gâche les bonnes idées qu’il avait et se prend les pieds dans le tapis dans son propre scénario au bout de 30min. Après un Thor : the Dark World honnête, Alan Taylor ne convainc clairement pas en tant que réalisateur de films à gros budget, si ce n’est en tant qu’exécutant des studios de production. Le film est à l’image de ce qu’est Hollywood depuis des années : manque d’originalité ou peu de prise de risque poussant à reprendre les licences cultes d’il y a 20 ans pour jouer sur la hype , surenchère de cascades, de pyrotechnie et d’effets spéciaux en oubliant que ce n’est pas que ça qui fait l’essence d’un bon film d’action, blagues nulles et cynisme affiché pour le spectateur et le fan qui voient sous leurs yeux une saga culte creuser sa tombe. Le tout avec un regard condescendant signifiant « Merci pour l’argent ». Il faudra aussi qu’on m’explique ce qu’a pris James Cameron (comme drogue ou comme argent) pour affirmer que « si on aimait les premiers, on allait aimer celui-là ».
Vraiment mention spéciale à Arnold Schwarzenegger qui est le seul à faire vraiment le taf (et dans une moindre mesure Emilia Clarke).
SPOILER ALERT !!!!
Alors pour les gens qui on vu le film, je voudrais votre avis sur un point de scénario qui m’a laissé perplexe tant c’est complétement con (entre toute la connerie du film). Pourquoi en 2017 Cyberdine/Skynet/Genisys construit une machine temporelle qui est, d’une, non fonctionnelle car il lui manque le CPU d’un Terminator comme celle de 1984, et de deux va sans doute être réduite en cendre 24h après lors du Jugement Dernier si celui-ci se produit. Et puis à quoi elle va servir ? Si elle est utilisée ce n’est pas avant 2029 ? Si vous avez une réponse/théorie n’hésitez pas à la mettre en commentaire.
C’est pas idiot comme explication. Bon c’est un peu tiré par les cheveux mais ou point où en est le film, hein ? ça reste quand même un gros investissement pour pas grand chose. Surtout que la machine est construite selon les instructions de John venant du futur qui n’est finalement qu’une version de Skynet. Du coup ça sert à rien de faire des tests ou des prototypes vu que le Skynet du futur sait comment ça marche. Bon après on rentre dans du paradoxe temporel et c’est le bordel ;-)
Pour la dernière question, on peut supposer que skynet a tenter d’expérimenter cette machine comme elle a expérimentée les humains transformés en cyborg dans T4. Il faut prendre cette machine comme une expérience comme tant d’autres que skynet a fait. Même si skynet savait que cette machine allait être détruite elle pouvait quand essayer de la construire pour avoir des infos (plans etc) pour la construire dans le futur plus rapidemment et efficacement.
On notera l’exception notable de Mad Max : Fury Road qui, au Cri du Troll, nous a tous bien convaincu et qui se déguste tel un bon bœuf bourguignon.
Ni réponse, ni théorie à la dernière question, mais l’impression très nette, au vu des dernières chroniques cinématographiques, que si les plats en sauce sont meilleurs réchauffés, ce n’est manifestement pas le cas pour le cinéma…