DossiersFilmsSur les écrans

Sacha, Borat, Ali et les autres

Je ne sais pas si tu as remarqué, mais fini de rigoler. La bamboche est terminée, et te voilà bien dépourvu maintenant que la bise est venue.C’est vrai, on a connu des périodes plus folichonnes : tous les jours de la semaine ressemblent à un dimanche pluvieux où tu as oublié qu’il y avait école demain et que tu avais dictée. Pour ne pas sombrer dans la sinistrose, il te reste peu de remèdes. Te noyer dans le travail, ou tout simplement dans l’alcool ? Passer tes journées à télétravailler en pyjama dégueulasse, attendant l’heure de l’apéro pour pouvoir boire la dernière Heineken qu’il te reste au frigo ? Fixer toute la soirée l’écran d’accueil de Netflix en espérant trouver quelque chose à regarder , pour finir par regarder pour la 15e fois la même série que tu connais par cœur…

Que reste-t-il au milieu de tout ce désespoir ? Un homme me vient à l’esprit. Et pas n’importe quel mec, puisqu’il s’agit de Sacha Baron Cohen.

Copyright Amazon Prime Video

Le bouffon devenu roi

Alors comme ça, son nom ne te dit peut-être rien. Mais si je te parle d’Ali G, de Borat ou encore de Bruno, il y a fort à parier que certaines images risquent de te revenir dans les mirettes. Sacha Baron Cohen, c’est un peu du poil à gratter à l’état brut.

Ce cher Sacha, comédien de base, qui a fait ses armes à la télévision anglaise. Biberonné à l’humour so british depuis son plus jeune âge, c’est après plusieurs années d’école du clown sous l’égide du célèbre clown Philippe Gaulier, que Baron Cohen se lança dans une série de mini sketchs dans des émissions sur la Paramount Channel, puis sur la BBC 4. Touche à tout, il est devenu célèbre grâce aux personnages haut en couleurs qu’il construit de toutes pièces.

Copyright Mars Distribution

Et dès le début de sa carrière, il a fait très fort :  le mec a décidé d’être un caillou dans la chaussure de la société et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il y arrive, car ce rôle lui va comme un gant. Sacha Baron Cohen n’a pas choisi la facilité pour parler à ses contemporains, puisque c’est par le prisme de la satire et de la caricature qu’il s’exprime, prêtant ses traits à des individus aussi emblématiques que clivants. Baron Cohen est avant tout un comédien engagé. Quoi que tu en penses, tu ne peux nier ce constat : film après film, il plonge le spectateur dans un univers extrêmement décalé mais nourri d’interrogations sur le monde dans lequel nous évoluons. Son premier personnage, Ali G mettait déjà en lumière certaines questions qui gardent toute leur pertinence aujourd’hui.  En se glissant dans le jogging dégueulasse de ce type, Baron Cohen nous prouvait déjà par A+B combien il était facile de se moquer de bon nombre de personnalités adepte de la langue de bois à partir du moment où ils se retrouvaient en face d’un mec qui ne jouait pas selon leurs propres règles et était prêt à tout pour leur faire péter un plomb.

Ali G est grossier, misogyne, et pense pouvoir impressionner ses semblables à grand renfort de jargon jamaïcain et expressions ghettos, lui le fils de bonne famille qui aimerait faire croire à tout le monde qu’il pèse dans le game du crime et de la violence, tout ça car il a écouté du gangsta rap et qu’il a deux posters de Tupac dans sa chambre. Il se pose en intervieweur qui remet tout en question et enquiquine le monde , un peu comme Zach Galifianakis dans « Between two ferns « .

https://youtu.be/W_ref_Xly7Y


Une caricature peu glorieuse sur le papier, mais néanmoins réaliste de certains types qui choisissent de s’approprier la culture rap ainsi que son imagerie populaire afin de se donner une crédibilité aux yeux du monde, en dépit de leurs origines ou de leurs classes sociales, mélangeant tout et n’importe quoi tant que cela leur permet d’exister. Pour arriver à ses fins, notre cher Sacha a décidé dès ses débuts de se mettre en scène sous le regard halluciné des gens qu’il interview, complices sans le savoir d’un exercice humoristique de haute voltige. C’est donc en costume et avec accent tout pourri qu’il débarque pour poser les questions qui dérangent à des interlocuteurs qu’il laisse souvent sur le carreau, au sein de son émission « The Ali G show » et ce , dès 2000. On se rappellera certains moments d’anthologie notamment quand il demandera à un évêque si depuis la création de l’univers, Dieu « a fait quelque chose hormis se reposer? » , il plonge ce monsieur dans un silence perplexe, mais assourdissant de gêne, si bien que même le plus aguerri des amateurs de cringe sera un tantinet mal à l’aise. On peut aussi citer au Panthéon des moments de malaise, la discussion entre Ali G et Buzz Aldrin, où on voit clairement que ce dernier fait preuve d’une patience infinie face aux questions à moitié complotistes que Baron Cohen lui pose. Il expliquera même très tranquillement à Buzz que la Lune n’existe pas tout en l’appelant quasi systématiquement Buzz Lightyear (mais si, vers l’infini et au delà, tu vois ?).

C’est bouleversant de connerie et ça remonte le moral à tous les coups.

Sacha les milles visages

Mais quel est le but de la démarche de Baron Cohen, hormis se foutre de la gueule du monde ?

Dans le sillage des Monty python ou de Peter Sellers, Sacha est là pour prouver que l’absurde permet de faire passer beaucoup de messages. En ridiculisant ses invités et en les poussant dans leurs derniers retranchements, il nous montre à quel point sous le vernis de la bien-pensance ou de la sacro-sainte liberté d’expression, nombreux sont les hommes et les femmes qui dérapent, ne voyant pas plus loin que le bout de leur bêtise. Une fois que les masques tombent, on se rend vite compte que les personnes qui ont la parole n’ont pas nécessairement le savoir qui va avec, mettant ainsi en exergue une certaine idée selon laquelle la médiatisation de tout les points de vue n’est pas bonne à prendre.

Une idée poussée à son paroxysme dans le film qui l’a révélé au grand public, Borat, sorti en 2006.

https://www.youtube.com/watch?v=j4W51ndJ8Mc


Personnage devenu culte plus vite que son ombre, Borat est la pièce maîtresse de la filmographie de Sacha Baron Cohen.
Donc résumons peu résumons bien : Borat est un journaliste de télévision Kazakh, qui décide d’aller aux États-Unis afin d’étudier les Américains, leurs coutumes et leur culture, enfin la société américaine quoi, dans ce qu’elle a de plus beau (non je déconne). Borat n’a jamais quitté sa glorieuse nation, et il est impatient de découvrir tout ce que les US ont à offrir. Et il ne va pas être déçu le pépère. Entre des conservateurs plus vrais que natures et des Yankees complètement à côté de la plaque, notre Borat évolue, son sourire et ses « Niiice » en bandoulière. Plusieurs scènes sont entrées dans les annales de la satire, notamment celle des Frat Boys qui prennent Borat en stop, et lui explique leur vision de l’Amérique, le tout fortement alcoolisés. Quand un type d’une vingtaine d’années dit face caméra qu’il souhaiterait que l’esclavage existe encore pour pouvoir y prendre part, tu sens que l’ambiance tourne. Deux de ces jeunots délicieux ont d’ailleurs fait un procès à la sortie du film à Baron Cohen, qui a gagné sans jamais se départir de son sourire.
En résumé, Borat pourrait être le pendant cinématographique du Slim Shady, sauf qu’à l’inverse de ce dernier, il ne personnifie pas lui-même cette pensée, et n’en reste que le messager.

Personnage de la pop culture résolument iconique, Borat est revenu sur nos écrans en 2020 avec un nouvel opus, disponible sur Amazon Prime. Outrancier à souhait, Borat décide dans ce nouveau trip d’offrir sa fille en cadeau à Mike Pence (le vice-président des USA) et se retrouve confronté à l’épidémie de Covid-19. Laisse-moi te dire que c’est sacrément savoureux !

Sacha Baron Cohen est un génie comique, capable de se mettre dans des situations ubuesques pour laisser entrevoir le potentiel comique de ces dernières.  A travers des émissions, puis des films aussi hilarants que terrifiants (oui je t’assure que certains moments font froid dans le dos), il nous pousse à nous interroger sur la société dans son ensemble, parfois avec dégoût,  souvent avec gêne, mais toujours avec un humour et une autodérision qui force le respect. Bien loin des diktats d’Hollywood, Baron Cohen poursuit son chemin avec talent et sans avoir peur de prendre des risques. Et ça, c’est « greeeeaaat success ».

KaMelaMela

Kamélaméla aime deux choses: la blanquette et Eddy Mitchell. Sinon, de temps en temps, elle va au ciné. Voila, vous savez tout.