Rencontre avec le JOSEM : un orchestre symphonique pas comme les autres !
La campagne bordelaise au détour d’un vignoble réserve de belles surprises, et en particulier pour les amateurs de musique ou pour les curieux à la recherche de nouvelles expériences culturelles ! Et pour ma première causerie musicale, j’ai l’honneur de présenter une de ces pépites symphoniques qui a le pouvoir de ravir nos sens : Le JOSEM !
Le Josem, en route pour un voyage musical atypique
Depuis bientôt trente ans, le Jeune Orchestre Symphonique de l’Entre-deux-Mers (si tu ne sais pas où se trouve ce pays, Google est ton ami !) fait partie du paysage musical bordelais, et nous offre une explosion de talents. L’orchestre est composé de soixante jeunes musiciens entre 12 et 25 ans, qui n’ont vraiment rien à envier à leurs aînés !
Le Josem évolue dans un univers décalé et original, en nous invitant à découvrir ou redécouvrir des classiques mêlés à des musiques du monde. Et on se laisse facilement prendre par l’énergie de ces jeunes musiciens qui communiquent leur passion et leur bonne humeur à travers les différents répertoires proposés. C’est d’autant plus palpable lors des concerts et festivals où l’orchestre se produit, on est face à un ensemble de jeunes talents qui envoie du pâté et ça fait plaisir !
L’orchestre compte plusieurs albums depuis sa création ainsi que des collaborations avec des compositeurs (Francis Mounier en 2007 qui composa « John C Tutti danse » avec une approche jazz. Ou Bart Picqueurs qui créa pour le Josem « La petite symphonie tzigane un peu punk » en 2010, etc.), mais aussi avec des écoles de musiques du monde entier, et avec d’autres groupes de musique. Des collaborations avec des groupes de divers univers musicaux : Les Lutins Géants (2001), Les Ogres de Barback (2004), La Rue Ketanou (2009, d’ailleurs, c’est cette année-là aux Francofolies de la Rochelle, que notre rédak chef adoré, Lazylumps, a découvert le Josem ! Ça ne le rajeunit pas le bougre, mais apparemment ses goûts musicaux restent sûrs !), et j’en passe ! La dernière collaboration en date est celle avec le Wombo Orchestra aux influences afro-punk, avec qui le Josem a présenté plusieurs concerts et même enregistré un album.
Mais il est temps de laisser place à l’interview du chef d’orchestre Eloi Tembremande, et de deux josémiens depuis plusieurs années : Joseph Rocher, président de l’association du Josem et Jaomé Aubert co-président ! Tous les deux trompettistes au sein de l’orchestre. J’ai eu la joie de pouvoir les rencontrer lors d’une résidence du Josem à Sauveterre-de-Guyenne (Oui, encore dans le pays de l’Entre-deux-Mers. Allez, viens y faire un tour, on est bien !), en mars dernier. Voici la transcription de cette (chouette) rencontre !
Comment décririez-vous le Josem et ses valeurs ?
Joseph : Alors… Le Josem c’est un orchestre créé autour d’une association. C’est un orchestre qui joue de la musique classique mais pas que ! C’est un peu un orchestre associatif / école de la vie, car on y apprend beaucoup de valeurs, comme s’investir au sein d’un groupe.
Jaomé : Oui car quand tu fais partie d’un projet, tu ne peux pas te désister comme ça. Il faut prévenir à l’avance sinon tu plantes tout le monde ! Du coup, ça nous apporte le sens des responsabilités depuis tout petits. Enfin pour ceux qui sont rentrés au Josem quand ils étaient tout jeunes !
Tobye : Oui parce que finalement c’est comme si vous grandissez ensemble !
Joseph : Oui, c’est beaucoup de moments collectifs et on partage les responsabilités avec les autres musiciens.
Eloi : Et il y a plusieurs générations de Josémiens, donc je dirai que le Josem c’est aussi la transmission de ces valeurs-ci. On passe d’une génération à l’autre, on passe un relais de musiciens en musiciens. On transmet l’esprit Josem, un esprit de solidarité et de partage !
Jaomé : On le voit aussi lors des soirées avec des jeunes de 13 ans qui font la fête avec des jeunes de 20 ans !
Tobye : C’est intergénérationnel quoi !
Jaomé : Ouais ! Quand je suis rentré [il était alors un jeune collégien.] dans l’orchestre j’ai adoré ça ! J’avais tonton [Rémi], tata Juju qui avaient 20 ans et quelques… C’était trop bien !
Qu’est-ce qui fait l’originalité de l’esprit Josem selon vous ?
Joseph : L’élan de vie ! Enfin la joie perpétuelle, tout le monde est hyper souriant… C’est ça les moments Josem parce que tout le monde est naturel. Il n’y a pas d’exclusion, chacun s’intègre toujours très bien.
Eloi : Ce qui fait aussi son originalité, c’est l’envie et la motivation des musiciens pour venir aux répétitions et participer aux activités proposées. Souvent dans les conservatoires, les musiciens doivent faire de l’orchestre parce que c’est obligatoire. Je pense que pour faire de la musique, il ne faut pas être sous la contrainte. Et du coup au Josem, tout le monde vient parce qu’il a envie d’être là. Tu t’engages bien sûr à venir et à participer aux projets en début d’année. Mais quand quelqu’un n’est pas présent, c’est parce qu’il a un exam ou quelque chose ailleurs, mais ce n’est pas par manque d’envie ! Et ça, c’est vraiment un petit plus je pense, par rapport aux autres orchestres qui existent.
Tobye : Vous êtes comme une grande famille en fait !
Tous : Oui, tout à fait ! (rires)
Comment se passe le choix de vos différentes collaborations ?
Eloi : Cela dépend des chefs d’orchestres qu’il y a eu au Josem, et des rencontres qu’ils font. En général, c’est eux qui décident plus ou moins de l’artistique. En ce moment le chef d’orchestre c’est moi, je décide un peu des projets et des pièces qu’on va jouer, etc. Après si un josémien me propose un morceau à intégrer au programme, je suis ouvert ! Il suffit que je rencontre tel artiste ou tels artistes et que je me dise « Tiens, ça serait bien de les inviter ! ». Parfois on reçoit aussi des demandes pour jouer avec d’autres groupes… Voilà, je m’occupe de tout ça !
[C’est le moment où j’affiche – à sa demande, bien évidement – notre rédak chef et sa découverte du Josem avec La Rue Ketanou aux Francofolies de la Rochelle de 2009 !] Alors pourquoi ce choix de collaboration et quels souvenirs vous en gardez ?
Joseph / Jaomé : Oui on était là ! On avait 14 ans je crois !
Eloi : J’étais encore musicien au Josem. Donc c’était mon prédécesseur qui avait rencontré les membres de La Rue Ketanou au festival de Luxey, au bar et tout. L’idée de faire un truc ensemble avait germé comme ça !
Jaomé : On a fait des petites résidences et des répétitions dans l’Entre-deux-Mers et au Pin Galan aussi !
Eloi : On a monté ce projet sur un an pour faire trois concerts dans l’été, et on en a fait deux autres je crois.
Joseph : Le projet les a tout de suite emballés et ils étaient hyper avenants envers les jeunes musiciens. Même aujourd’hui quand on les croisent, ils tapent la chansonnette avec nous !
Eloi : Oui, ils font partie de la famille !
Parmi tous les projets que vous avez réalisés, lequel vous a le plus marqué ?
Joseph : Du coup, j’ai une anecdote sur les Francofolies ! Quand t’as 14 ans, tu es tout jeune et tu arrives sur une scène face à 11 500 personnes qui hurlent et tout… Tu as une espèce de bouffée de chaleur qui arrive, c’est à la fois oppressant et exaltant ! Je pense que c’était un des plus beaux moments de ma vie, parce que tu n’as pas de stress car on est fondu dans la masse des musiciens qui jouent.
Jaomé : Enfin les premières secondes il y avait du stress ! (rires) Ce n’est pas que c’est une meilleure expérience que les autres, mais c’est tout à fait différent ! Quand tu joues devant 100, 500 personnes puis devant plus de 11 000… Ce n’est pas pareil du tout !
Joseph : C’est vrai que pour les plus jeunes et les nouveaux, on est tous amenés à faire des projets comme on a fait avec le Wombo [Ochestra]. On a joué avec eux aux Campulsations, un festival étudiant, donc l’ambiance n’est pas la même. On était sur scène face à un public chaud-chaud ! C’est vraiment de bonnes expériences et ce qui fait la richesse (du Josem) aussi.
Eloi : Sur les collab’, c’est de super expériences à chaque fois. On a fait plein de choses… On avait fait un projet en musique contemporaine avec 300 musiciens, plusieurs chœurs et plusieurs orchestres au Rocher de Palmer (Cenon, Gironde). Enfin, c’était une espèce de création complètement folle et qui laisse de bons souvenirs. Après, il y a tous les voyages aussi. Les concerts au Mexique (2014), des rencontres avec d’autres orchestres de jeunes, c’est des choses qui sont toujours marquantes.
Et pour les rencontres et les échanges avec d’autres orchestres, comment s’organise tout ça ?
Eloi : Les sous que l’on récolte lors des concerts servent à financer les voyages. On essaie de réinvestir là-dedans ! On a fait la Russie, le Mexique, l’Espagne, la Belgique, etc. Tous les deux/trois ans, on essaie de partir pour rencontrer d’autres orchestres, et après on les accueille chez nous !
Jaomé : C’est sûr que c’est difficile de ressortir des souvenirs précis. A chaque fois, ce n’est pas meilleur ou moins bien. C’est juste des expériences totalement différentes. Un orchestre en Espagne n’est pas le même qu’un orchestre au Mexique. Tout simplement parce que ce n’est pas le même pays, ni les mêmes coutumes… Et c’est pour cela que j’aime tout ça, il a toujours quelques chose de nouveau !
Un petit mot sur les prochains voyages du Josem ?
Joseph : On part dans le nord cet été ! En Belgique !
Jaomé : On ne reste pas loin de la frontière ce coup-ci ! (rires)
Vous avez sorti combien d’albums depuis que le Josem existe ?
Eloi : Cinq ou six je crois.
Jaomé : Je dirai plus sept ou huit !
Eloi : Oui c’est vrai c’est plutôt sept ou huit. Attend, la symphonie tzigane, plus le Josem/Wombo, l’Entre-2-Airs aussi… Oui sept ou huit !
Quelles sont vos influences et comment se passe le choix des différents répertoires ?
Eloi : C’est en fonction de mes envies, on travaille à la fois sur un répertoire classique et sur d’autres genres de musiques. Pour le répertoire classique, je varie tous les ans pour que l’on aborde toutes les périodes. Afin que les musiciens sortent du Josem avec un petit panel de la musique baroque au XXe siècle. Après pour la musique du monde, on a quelques morceaux traditionnels qui se passent par tradition orale au Josem. On les joue en fin de concert sans vraiment de partitions…. C’est très important de les conserver ! Sinon, ça peut être des morceaux qui sont choisis entre autres, en fonction d’une occasion, d’un soliste. Si j’ai un(e) flûtiste à ce moment là, je vais lui proposer un morceau à la flûte. Pareil pour un(e) violoncelliste, etc. On essaie d’avoir un programme en mettant les pièces en écho les unes avec les autres. De trouver des pièces qui vont se compléter, si j’ai une harpe, d’essayer de l’inclure dans l’orchestre par exemple. S’il y a moins de cuivres, de trouver une pièce peut-être plus légère et plus portée sur les cordes et les bois. Après, c’est une question d’esthétique.
Tobye : Vous puisez vos influences un peu partout dans le monde de la musique !
Eloi : On essaie de jouer dans cet esprit. Si on fait de la musique Balkan, on aborde les articulations balkans, etc.
Jaomé : Par exemple, ça m’avait marqué il y a dix ans, on a joué un ensemble de quatre pièces appelées « Les Images » de Francis Mounier, qui était du jazz orchestre. C’était hyper compliqué à jouer (rires). Mais à côté on jouait La marche hongroise, Berlioz et pleins d’autres !
A propos de l’association, comment est-elle gérée ?
Joseph : Elle a des bases très solides ! On a un pilier, c’est notre administratrice de production, du coup c’est elle qui a les connaissances administratives. C’est l’une des trois salariés du Josem [avec Eloi entre autres], elle gère les dossiers de subventions, les plannings, etc. Vu que le Josem se renouvelle souvent, les musiciens sont rarement formés à ça. Après, je suis devenu président de l’association grâce à une proposition des anciens présidents. C’est sûr qu’il y a une base administrative, mais la vie de l’association c’est aussi les musiciens qui y contribuent. Chacun participe suivant un domaine, et se responsabilise. C’est le côté « école de la vie » !
Comment se passe l’intégration des nouvelles recrues ?
Jaomé : Ils viennent (rires). Parfois sans leurs instruments, pour voir un peu comment ça se passe. Généralement, l’intégration se passe vite, on se parle et tout.
Joseph : Très vite des personnes viennent te voir pour te demander comment tu t’appelles, ce que tu fais dans la vie, etc. Ça c’est assez incroyable !
Jaomé : Parfois ils [les nouveaux] redoutent un peu les concerts anniversaires du Josem !
Tobye : Les petits bizutages ?
Joseph / Jaomé : Oui ! (rires)
Joseph à Jaomé : On l’a vécu ensemble d’ailleurs !
Et du coup, que deviennent les anciens josémiens ?
Jaomé : Ils partent en maison de retraite ! (rires)
Joseph : Déjà, il y a des enfants d’anciens josémiens qui entrent au Josem, c’est assez drôle ! On reste généralement quelques années au Josem, mais ils repassent de temps en temps.
Jaomé : Oui pour venir voir des concerts, ou pour filer des coups de mains lors de gros concerts du Josem !
Joseph : Enfin, il y en a qui continuent dans la musique, des gens du coin qui forment des groupes.
Jaomé : Et depuis l’an dernier, il y a un orchestre monté par l’ancien chef d’orchestre… En gros c’est le Josem pour les vieux ! (rires)
Joseph : c’est le FC Symphonique !
Les 30 ans du Josem approchent, vous pouvez dire aux oreilles des trolls quelques trucs de prévus ?
Joseph : On ne va pas décrire la liste mais on va faire venir des orchestres. On les a contacté, il y en a qui sont d’accord ! Il va peut-être y avoir des Mexicains, des Allemands aussi… On s’organise petit à petit !
Un petit mot de fin ?
Joseph : Il y a une chose dont on n’a pas parlé, c’est que quand on rentre au Josem, on reste amis avec eux toute la vie… Il y a vraiment plein de cas comme ça !
Jaomé : Oui, quand tu es au collège et que tu rentres au Josem, tu te dis : « Ah ouais ! ». Et tu peux être toi-même. Enfin je parle d’abord par rapport à mon vécu évidement !
Le Josem c’est un orchestre à l’univers musical atypique avec des projets toujours surprenants et originaux. C’est un grand coup de cœur (depuis plusieurs années déjà) pour ma part et ils méritent d’être connus d’un large public ! On aime le Josem parce qu’il fait voyager nos sens au rythme de ses musiques. Et surtout parce qu’on a affaire à des personnes (jeunes musiciens, chef d’orchestre et membres de l’association) qui cherchent à partager le plaisir de la musique à travers différents univers et influences. Et ça fait du bien à voir et à écouter ! Je vous conseille grandement d’aller écouter le Josem pour vous faire une idée, et surtout d’aller les voir jouer parce que ça vaut largement le détour ! Parole de Troll !
Plus d’informations ? Tu peux retrouver le Josem ici :
Site officiel :
Page Facebook :
https://www.facebook.com/lejosem/?fref=ts
Groupe public Facebook :
https://www.facebook.com/groups/12611306513/?fref=ts
NB : La plupart des photos présentent dans l’article viennent de la page Facebook et du groupe Facebook du JOSEM.
Pour moi, la grosse magie du josem vient de son organisation auto gérée. Contrairement à un orchestre d’école de musique, ou du conservatoire, qui cesse toute activité durant les vacances, le josem vit encore plus fort: stages, enregistrements, et surtout: festivals à gogo, à commencer par luxey et les eurochestries. Et ça, pour moi, c’est la vraie formule magique (dixit un ancien jeune)