Merzhin : Babel, la sagesse et la colère
Cela fait un petit moment que je cherche des groupes de rock français qui sortent de l’ordinaire. Car oui, je suis un peu chauvin, cocorico tout ça… et la scission de Noir Désir a laissé un vide incommensurable dans mon petit cœur d’aficionado des riffs sur la langue de Molière. Je vous ai déjà parlé de quelques-uns, j’aurais pu parler d’autres qui méritent tout autant un coup d’oreille, mais aujourd’hui je voulais m’atteler à présenter un groupe de six bonshommes qui ont longtemps accompagné mes échappées de vacances.
J’ai nommé : Merzhin ! Et ça tombe fichtrement bien, car leur dernier album Babel vient tout juste de sortir !
Les riffs et la langue
« Dès le lever du jour, partir à la conquête
Qu’importe le parcours, nous danserons sur les crêtes
Plus loin vers l’ouest, plus loin vers l’ouest »Plus loin vers l’ouest
Vingt ans… Vingt ans que les bretons sillonnent les chemins du « rock français » et assument haut et fort leur appartenance à ce style qui n’est pas une insulte, mais bien un emblème bien réel quand il est porté par ces hérauts-là ! Ils avaient commencé jeunes en livrant une chaleur nordique folle pleine de déconne sur leur première galette qui sentait bon l’ambiance roots-punk et le délire spontané du rock celtique. Avec les années, leur musique a évolué pour se muer en quelque chose de bien reconnaissable avec une empreinte et une âme.
La bande manie les mots et livre une véritable épopée d’album en album. Comme une quête musical ils semblent vieillir et grandir avec leur musique. Ne faire qu’un avec elle. Voilà pourquoi leur son parait, à mes yeux, si authentique, si frappant et intriguant. Plus qu’un groupe de rock, on est face à six conteurs qui racontent des « histoires d’hommes »… Ils chantent et jouent leurs vies tout en interpellant les oreilles d’un public qui se reconnait dans les textes, et qui se retrouve dans leur musique.
Et leurs racines celtiques, c’est Ludo, le musicien aux mille instruments, qui les distille habilement de morceau en morceau, usant çà et là de bombarde, biniou et autres joyeusetés savamment orchestrées au fil des albums.
Babel, l’album de la consécration ?
« À contre jour dans la pénombre, le soleil ne sait rien de ce monde
Sous la lueur se révèle et s’imagine la part d’ombre »Sous la focale
Des morceaux de bravoure comme des coups de poings sur le torse, la colère entrée, la rage en creux, Merzhin sait en faire. La voix de Pierre, le frontman, porte les mots efficacement. Et c’est avec La planète que Merzhin ouvre efficacement le bal de ce septième album et tente même un crochet électro, osé et payant.
Babel enchaîne et sublime en second round. Le morceau nous prend et nous envoûte, tel une course effrénée, on en ressort essoufflé et avide d’une seconde écoute immédiate. C’est dit, l’album sera cash, entre houle et mélopée, toujours.
Écouter Merzhin, c’est tenter la ballade, laisser ses oreilles se faire emporter sur les berges et vagabonder sur l’azur. On l’avait bien vu avec le précédent album et des morceaux comme Les Heures Vagabondes, on le retrouve ici aussi avec A travers toi, ou encore Conquistador qui sont autant de vraies invitations au voyage, à la réflexion, à la douceur…
La musique de Merzhin est une tranche de sagesse. Une évasion et une catharsis. Mais Merzhin c’est aussi la rage au poing et la colère en feu. Envie d’une bonne tranche de révolte : Apocalypolitico réveille une petite envie de molotov. La traque vous donne envie de gueuler en vous secouant tout entier. Merzhin c’est aussi le brasier du dedans en une foule de riffs. Les mecs savent y faire, et album après album ils récitent leurs gammes en vous enveloppant de cette atmosphère bretonne qui se distille subtilement (ici un biniou qui apparait, un rigodon qui appuie la mélodie… on est loin des premiers albums où le côté Fest Noz de Breizh prévalait sur le reste.
Avec le charme fou d’une chanson comme Sous la focale, Merzhin nous emmène dans des souvenirs, réveille notre part d’ombre et se la fait sienne. Ça nous fait même un peu grandir en dedans. Tandis que Be Bope Lula et Et après clôturent l’album en feu d’artifice, nous laissant tout con, penaud, rincé, et avec un arrière goût prenant de « reviens-y ».
Une petite déception pour Muhammad Ali et Day Dreamer qui semblent un peu en deçà par rapport aux claques qui les encerclent, mais pour cette dernière, comme je l’avais déjà fait remarquer pour Deportivo, les groupes français qui tentent l’anglais ne me convainquent guère. Quand la maitrise de la langue est une force, comme c’est le cas pour le français avec ces deux groupes, autant la privilégier pour les textes !
En somme, Babel semble poursuivre cette quête lancée il y a vingt ans par les six potes qui dansent toujours sur les crêtes.
Mélodieux, rageur, taillé pour la scène, ce nouvel album se présente au bon moment pour aller voir les Merzhin directement dans vos salles de concert préférées. Ne vous en privez pas, les mecs envoient du bois.