Logan : Mutant, suspends ton vol !
Encore Logan ? Mais vous en avez pas déjà parlé la semaine dernière ?
Si jeune éphèbe, mais vois-tu, on a encore envie d’en parler de ce flim, alors même qu’il ne parle pas de cyclimse !
Parce qu’un bon film de super héros, qui est aussi un bon film tout court, ça court pas forcément les rues. Alors malgré le talent de Graour pour vous enthousiasmer pour le film en 462 mots, il me semblait important d’approfondir un peu nos pensées sur le film, et ça va passer par le spoil massif, soyez prévenus. Et comme son titre l’indique, Logan ne s’intéressera pas tant à Wolverine qu’à l’homme derrière le super héros, d’après ce surnom que lui donnent ses proches et ceux qui l’aiment.
Bien mieux que Lindsay
Résumons l’histoire pour les deux du fond qui ne suivent pas : Logan se déroule dans un monde dystopique sombrissime, mais on y reviendra. Le mutant, reconverti en chauffeur VTC, y a rapidement pour mission d’amener jusqu’à la frontière canadienne une gamine Mexicaine, Laura, possédant les mêmes pouvoirs que lui. Problème, elle est recherchée par une bande de paramilitaires transhumanistes et vraiment pas tendres avec les mioches. Le film prend alors le schéma narratif d’un road-trip, avec Logan, le professeur Charles Xavier et la jeune Laura dans la caisse.
Et si quelques petites faiblesses de rythme sont présentes, vraiment pas de quoi bouder son plaisir ! L’aventure, inspirée en partie du Old Man Logan de Mark Millar, oscille entre les moments d’une mélancolie remarquable, et les petites pauses charcuteries.
Car ça ne vous a sans doute pas échappé, le film est interdit aux moins de 12 ans non accompagnés en salle (17 ans chez les p’tits zizis d’Américains). Pourquoi ?
Parce que pour son dernier tour dans la peau du mutant le plus célèbre du grand écran, Hugh Jackman a décidé de faire un film plus intimiste et plus proche de son personnage des comics, qui est assez loin d’être kids friendly. Du coup, s’appuyant sur le succès d’un certain Deadpool (rated R lui aussi), et ajoutant à la négociation une baisse de son salaire, lui et le réalisateur James Mangold ont eu quasi carte blanche de la part du studio. Résultat : du « fuck » à foison et de la violence bien sanglante, et ce, dès les deux premières minutes du film.
Conséquence, on a affaire à un film jusqu’au boutiste dans la violence, tant montrée (une GAMINE qui se fait empaler par un putain de harpon, c’est juste CHO) qu’hors champ (mort des X-Men de la main de Charles, expériences type Mengele sur des enfants)…
Filmé au plus près des combats, cette proximité induit une implication du spectateur : difficile de rester insensible face à un Wolverine toutes griffes dehors, donnant coups sur coups comme un frénétique et hurlant de rage et (bien souvent) d’impuissance. Lorsque Wolverine se frittait, c’était déjà méchamment badass dans les précédents épisodes, mais le voir trancher des têtes, couper des bras, et empaler le visage d’un mec avec ses griffes, c’est le summum du trash-cool.
On retiendra particulièrement la scène de l’hôtel, où Xavier immobilise toutes les personnes à 500m à la ronde grâce à ses pouvoirs, tandis que Logan déboule en mode furieux : seul à résister aux pouvoirs du professeur, il avance petit à petit dans la douleur, au sein d’un hôtel infesté d’ennemis, qu’il découpe les uns après les autres. Ces derniers voient donc leur mort venir sous les traits d’un barbu constipé, et autant vous dire que c’est jouissif.
Des personnages au poil
Le scénario du film n’est pas forcément son point fort : assez basique, et finalement déjà vu. Ce qui fait véritablement la force narrative du film, ce sont ses personnages et leur développement.
La relation entre Logan et Laura apparaît en ce sens comme centrale, et comme le véritable moteur du film. Tout tourne autour de cette relation père-fille, qui commence mal avant de se transformer petit à petit, pour finir sur une scène très touchante et émouvante, sans être tire larme. C’est sur le fil et c’est juste beau. Et donc totalement réussi.
Les parallèles entre les deux personnages sont nombreux, mais le plus important reste, pour l’un comme pour l’autre, la façon dont ils ont été traités par les Hommes, comme des armes en devenir, des outils : Laura comme Logan sont des produits du projet X, des mutants modifiés pour devenir des machines à tuer sanguinaires. Et c’est pour ça que la scène finale, où Logan enjoint à sa fille de ne pas devenir ce que les scientifiques ont voulu faire d’elle, marche aussi bien. Parce qu’il ne veut pas qu’elle devienne comme lui. Et les nombreuses discussions sur le poids des morts et la culpabilité, ne font que souligner le propos, tout en montrant les fêlures de notre mutant barbu.
Habile.
Pour le coup on ne peut que saluer la jeune Dafne Keen, qui du haut de ses 12 ans, livre une incroyable performance (c’est d’autant plus à souligner dans le cas d’une enfant !). Hugh Jackman est, quant à lui, magistral comme à son habitude, dans un registre bien différent de son Wolverine habituel : usé, grisonnant, lessivé, on retrouve ici le Jackman de Prisoners plutôt que celui des films X-Men.
De leur coté, les méchants sont finalement assez mineurs mais globalement réussis, particulièrement grâce à l’interprétation très sale gosse de Boyd Holbrook en Donald Pierce, et la gueule de scientifique nazi du simili scientifique nazi Zander Rice interprété par Richard E. Grant, qui incarne ici la véritable némésis du film.
Pourtant c’est malheureusement avec ses vilains que le film déconne le plus. Pierce, présenté comme LE méchant lors de toute la première moitié du film, se voit remplacé assez abruptement et maladroitement par un Rice arrivant comme un cheveu sur la soupe. Certes, ce dernier est un salaud fini, mais n’ayant pas du tout reçu la même dose de développement qu’a pu avoir un Donald Pierce depuis le début du film, l’antagonisme vis à vis de cet apex de la filsdeputerie a du mal à se bâtir. Mais le plus bel échec du film (et de loin !) vient du X-24, une arme lâchée par les méchants sur notre héros, et qui se trouve être… Un clone de Wolverine !
Pour le coup, c’est très paresseux, et ça revient au classique du film de super, où le héros combat toujours son double maléfique. Alors certes, X-24 est utilisé pour montrer ce que donne le progrès sans éthique, pour cet aspect « arme transhumaniste » central au propos du film. Mais bon merde, encore un clone !
Finissons avec le meilleur pour la fin avec un Patrick Stewart en état de grâce pour sa dernière interprétation de Charles Xavier. Grabataire et sénile, il est difficile de ne pas avoir un pincement au cœur en voyant ce personnage si capital à l’univers X-Men, aussi faible et écrasé par le poids des ans et de ses échecs. Assommé par les médicaments qui l’aident à oublier ses erreurs passées (dont, supposément, l’éradication des mutants de l’école), le personnage n’en reste pas moins humain, drôle, avec quelques moments de lucidité touchants. Ce qui le lie à Logan est d’ailleurs grandement exploré et développé, dans une dynamique où il agit comme un compas moral vis à vis de son ami hirsute. Là où Logan est fatigué, et ne voit rien à sauver dans un monde pourri, Xavier lui donne une dernière leçon à l’allure de piqûre de rappel : certaines choses méritent qu’on se batte pour elles.
La relation entre les deux héros ne s’arrête pas là, puisque la mort de Xavier va provoquer une des scènes les plus émouvantes du film, et entamer le début de la fin pour un Logan qui va dès lors, lentement se laisser mourir.
D’un point de vue plus extérieur à la diégèse du film, l’alchimie entre Jackman et Stewart est absolument incroyable. C’est l’une des rares choses qu’on ne peut pas forcer. D’où son nom d’alchimie : c’est un truc un peu mystique dont personne ne connait vraiment la recette. Et force est de constater que quelque chose de réel et de tangible existe entre Jackman et Stewart, et ça se sent à l’écran dans la relation de leurs personnages. Déjà immenses dans leur interprétation respective, la dynamique du duo est remplie de tendresse, comme on n’en avait jamais vu auparavant dans un film de super.
Un Western qui dit stopie
Logan est en effet un Western crépusculaire qui ne dit pas son nom. Le film se place clairement comme un héritier du genre, qui met en scène la fin du Far West et de la Frontier, de façon violente, et en montrant bien souvent des personnages vieillissants et déphasés face aux changements qui secouent le monde. C’est par exemple tout le sujet d’un film comme La Horde Sauvage de Sam Peckinpah (que je vous recommande chaudement au passage).
Ici, depuis le sujet et le contexte avec un Logan brisé dans un monde dystopique qui le laisse démoralisé, jusque dans les décors ou les costumes (Logan s’habille en cowboy pour passer inaperçu à partir du milieu du film), en passant par les apparitions du film Shane (que Laura citera explicitement lors de l’eulogie du Glouton), tout vient nous rappeler l’influence des Westerns.
Sans parler de la trame principale du film : une femme qui offre de l’argent pour une mission à un protagoniste bourru acceptant à reculons, protagoniste qui ira finalement jusqu’à sacrifier sa vie pour la beauté du geste, sans en avoir que faire de l’argent. Parce qu’au fond, derrière son regard de vieux briscard brisé par la vie, se cache un cœur d’or.
Ce parallèle avec les westerns se retrouve également dans la confrontation finale avec Zander Rice, où Logan se sert d’un revolver pour lui faire sauter le caisson. Alors même que le mutant déclarait en début de film qu’il « n’aimait pas les flingues » ! Mais voilà, poussé à bout, sans autres solutions, Wolverine sort un calibre et se la joue confrontation finale bien sentie, explosant la boite crânienne du Docteur en plein milieu d’une phrase. Comme pour paraphraser un certain Tuco, d’ailleurs.
D’un côté plus, science fictionnel dirons-nous, Logan traite aussi de nombreux sujets chers aux dystopies : on parle de transhumanisme, de manipulation génétique… Si ces thèmes sont loin d’être centraux dans le scénar (quoique), leur place reste quand même très importante dans le film : l’absence des mutants dans le monde ? Remerciez les OGM.
Beauté du planning, le film n’en oublie pas de tacler le tout nouveau président des États-Unis, indirectement mais tout de même. En effet, Laura et les autres jeunes mutants, sont tous issus de manipulation génétiques effectuées… Sur des mères Mexicaines ! Tous les enfants du film sont donc des Mexicains, tentant par tous les moyens de traverser une frontière pour pouvoir vivre une vie meilleure. Le parallèle est ASSEZ évident. Et quand l’art imite la vie, c’est toujours chouette.
Du coup Donald, c’est pas un film qu’on te conseille, tu risquerais devenir tout rouge comme ton copain.
Enfin, le film n’oublie pas de s’interroger sur ce que signifie être un héros, à travers les interventions des comics X-Men dans le film. Ce dernier, comme pour tout le reste, ne donnera jamais de réponses claires aux questions qu’il pose à ses spectateurs. Et c’est tant mieux.
Un grand homme a dit un jour (pas plus tard que la semaine dernière), que Logan était le meilleur film de super héros depuis The Dark Knight. Force est de constater que le film embarque de nombreux points positifs avec lui : des personnages attachants et des acteurs au sommet, une réal réussie et jusqu’au-boutiste dans sa démarche, un univers sombre, et de très nombreux niveaux de lecture, qui font la marque des excellents film.
Dans un genre hyper codifié, Logan apparait comme une vraie bouffée d’air frais. Le film emprunte ici ou là à plusieurs genres, et se forge une identité propre et singulière, entre blockbuster et film indé. Une sorte d’indébuster. Il nous entraine dans un monde sombre, où les raisons de se réjouir sont peu nombreuses, et où même les plus belles victoires se payent en sang et en larmes…
Grand divertissement sans être décérébré, amenant à la réflexion et à l’engagement émotionnel, Logan est un des meilleurs films de Super.
Et c’est aussi un très bon film. Tout simplement.