La Rédak’ propose : ses héroïnes favorites
La question des droits de la femme a pu, un temps, nous paraître acquise, aller de soi-même dans nos démocraties libérales. Mais ce fut surtout l’effet de l’engouement de la conquête, le résultat d’une dynamique de société qui semblait tout emporter sur son passage. Or, qui fait profession d’historien sait bien que le déterminisme et le fixisme sont étrangers à l’Histoire. Dans une actualité chargée des révélations sur Weinstein et la cascade des accusations sur le net, sur fond d’inégalité salariale et de résistances contemporaines des anciennes structures patriarcales, les paroles de Simone de Beauvoir résonnent avec d’autant plus de force : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».
Nous vivons une drôle d’époque : nos parents ont vécu des conquêtes sociales, le formidable entrain d’un élan libératoire, de contestations désordonnées mais avant tout enthousiastes. Si je fais une rétrospective de notre Histoire à nous autres trentenaires, ou même plus jeunes, qu’avons-nous connu si ce n’est chômage et retour de la réaction ?
Bref, par chance les auteurs ne s’en laissent pas compter, et sur le front des luttes du féminisme, ont su bâtir des modèles de femmes, fortes, sensibles, courageuses… mais avant tout humaines, complexes, portant des messages, accomplissant des œuvres formidables.
Nos imaginaires sont aussi des imaginaires de combat, ne les négligeons pas.
Starbuck, de Battlestar Galactica
Par Lazylumps
Véritable tête brûlée de l’escadron de Viper de la flotte terrienne, Starbuck est à la fois courageuse, talentueuse et dotée d’un tempérament de feu… Des qualités qui ne peuvent QUE vous faire chavirer pour cette femme forte qui se doit de faire sa place dans un monde d’homme. Dans la logique d’une Jessica Jones, en dedans, Kara Thrace est une épave. Alcoolique, rebelle, brisée. Entre ses sorties suicidaires et ses éclairs de génie, on vacille d’épisode en épisode. On suit petit à petit l’évolution de ce personnage haut en couleur tout au long de la série jusqu’à un instant crucial à base de « Je fais ça pour sauver le monde ». C’est bien simple, dès qu’elle apparait à l’écran, elle le crève. À tel point que les scénaristes ont fait de son personnage un élément clé de l’intrigue, et de la résolution de la série ! Portée par l’impressionnante Katee Sackhoff, Starbuck est à mon point de vue l’égal d’un Han Solo féminin. Elle a si bien repris son rôle qu’on a oublié que Starbuck, à l’origine, était interprété par un gars dans la série des années 70.
Une badass de première qui, dés qu’elle vacille, laisse découvrir une fragilité touchante, vraie, et viscérale.
Aloy, d’Horizon : Zero Dawn
Par Petrocore
L’exclu PS4 Horizon : Zero Dawn avait fait grand bruit à sa sortie, pour diverses raisons. Graphismes magnifiques, DA aux petits oignons, successeure de la série Killzone pour le studio Guerilla Games… Mais c’est aussi grâce à son héroïne que le jeu s’est nettement démarqué. Les trailers laissaient entrevoir une jeune femme rousse au joli minois, débrouillarde, badass au possible et loin d’être une potiche attendant qu’un homme ne vienne lui tenir la main pour lui faire découvrir ce monde aux machines hostiles.
Une fois la manette en main, que reste-t-il de ces impressions ? Et bien il en reste que Guerilla Games ne nous avait pas menti. Le double statut d’Aloy, à la fois femme et paria dans sa tribu, lui laisse entrevoir un destin pour le moins difficile. Loin de s’en satisfaire, notre héroïne n’aura de cesse de bousculer des traditions séculaires, de se dresser face aux préjugés et surtout de renvoyer bouler tous ceux qui la prennent pour une ingénue un peu niaise.
Il est donc extrêmement plaisant pour le joueur de pouvoir incarner un personnage aussi fort, qui ne subit pas les évènements et se dresse inlassablement contre tous ceux qui voudraient la rabaisser. C’est d’autant plus agréable que le jeu nous fait rencontrer d’autres femmes fortes et intéressantes, participant en cela à enterrer le stéréotype du personnage féminin ayant absolument besoin d’une béquille masculine pour tenir debout.
Leslie Knope, de Parks and Recreation
Par Narfi
Parks and Recs est une série où les barres de rire s’enchainent sans prévenir, grâce à ses personnages tarés et débiles (profonds).
Mais, et c’est dommage, au milieu d’un cast de déglingos, on en oublie bien souvent Leslie. Leslie, l’héroïne, celle qui fait le lien entre chacun des membres du bureau, celle qui permet, in fine, au groupe de tenir et ne pas exploser par excès de fainéantise, d’incompétence ou de bonne volonté.
Par sa bonté, sa gentillesse, ses petites attentions, son ambition, et son travail acharné, Leslie n’offre peut-être pas à la série ses moments les plus drôles, mais elle lui donne sans aucun doute ses scènes les plus touchantes. Des scènes qui nous donnent bien souvent envie de lui ressembler, et d’être des gens meilleurs.
May, de May
Par Fly
Héroïne éponyme d’un obscur drame d’épouvante des 2000’s commençantes, May n’avait jamais croisé mon chemin avant que son visage délicat ne se découpe parmi les jaquettes anonymes de ma médiathèque habituelle. Heureux désœuvrement que celui qui me conduisit à elle. Si le film est en lui-même génial, il l’est aussi par l’écriture et l’interprétation de son personnage principal. May est une jeune femme réservée depuis l’enfance, très complexée par un strabisme marqué, jusqu’au jour où son ophtalmologue parvient à atténuer ce caractère. Partageant son existence entre son travail dans une clinique vétérinaire et sa passion pour la confection de vêtements, May décide alors de s’ouvrir aux autres, et de nouer des relations sentimentales pour la première fois de sa vie.
Autant de tentatives infructueuses, sa maladresse et son excentricité, couplées avec un fantasme obsessionnel pour un trait singulier de chacun de ses partenaires, ayant raison de leur prudente affection. May se décide alors à appliquer littéralement le précepte inculqué jadis par sa mère : « Si tu ne te trouves pas d’amis, fais-t’en »… On a tôt fait de s’éprendre de May, qui cristallise les émotions contradictoires que suscite, chez quiconque, le transport amoureux. Timide, curieuse, créative, tendre, d’un charme baroque mais bouleversant, elle incarne avec humanité une beauté discrète et touchante. Son impérieux désir de rencontre se heurte pourtant à son innocence dangereuse. Ignorante de toute norme sociale et comportementale, May est bientôt déçue par ses conquêtes éphémères. L’attachement passionnel qu’elle porte à ses amants successifs la ronge à chaque nouvelle rupture, la plongeant dans un deuil perpétuel de l’amour absolu.
Sa quête d’idéal, attisée tantôt par les mains de l’un, tantôt par la nuque de l’autre, enfin par les jambes d’un tiers, la pousse à nier les individus qu’elle rencontre pour atteindre une abstraction. Insatiable, elle en vient à déconsidérer tout ce qui, chez ces êtres aimés, déroge à sa conception du beau. C’est donc assez logiquement que l’Amélie Poulain se mue en Frankenstein, cherchant à créer l’amant parfait par la somme de tout ce qui, jadis, la séduisit… En un mot comme en mille, May représente, à elle seule, cette passion dévorante, guidée par le solipsisme fondamental inhérent à toute relation amoureuse. Héroïne tragique et naïve, drôle et effrayante, attachante et glaçante, elle m’a, avant tout, ému aux larmes par son humanité.
Figure aussi dans le film l’homme avec les plus petits tétons qu’il m’ait été donné de voir.
Gally, de Gunnm
Par Flavius
Au sein de l’immensité répugnante d’un tas d’ordures métalliques, se déplace une ombre élancée. C’est Ido, un médecin cybernétique comme on n’en fait pas encore. Il vient faire son petit marché de pièces détachées. Bientôt son regard incrédule tombe sur un buste de cyborg féminin, parcelle de douceur dans ce chaos de rouille. Après l’avoir ramenée à son laboratoire, il lui redonne vie et la nomme Gally. Ainsi débute une saga mythique du manga, Gunnm, saga qui est une des fondatrices du genre cyberpunk.
Ce qui fait le sel de cette œuvre c’est avant tout l’écriture de ses personnages et au premier chef, de son héroïne. Gally est une jeune femme amnésique qui tente de se construire une existence dans un monde brisé, post-apocalyptique. Elle expérimente une pléiade de sentiments, amour, haine, déception, colère, férocité…, et tente de bâtir sa propre humanité sensible alors que la tiraille son passé enfoui. Chaque pas qu’elle tente sur le chemin d’une normalité tranquille, l’amène inexorablement vers ses racines brutales, vers cet art martial mystérieux, le panzer kunst, qu’elle pratique comme un maître par réflexe, et dans sa sauvagerie semble se reconstituer ses souvenirs.
Dans les déserts ravagés de la Terre, dans les bas-fonds de la décharge, on commence à entendre parler de Gally, d’abord chasseuse de prime, puis championne de roller-ball, on la retrouve finalement comme mercenaire de la cité arrogante de Zalem qui règne sur cet univers en lambeaux. Elle est alors l’ange de la mort, la terrible perle mélancolique au regard perdu dans les ruines de ses sentiments et qui dévoue désormais les débris de son existence aux basses œuvres de maîtres cyniques. Mais ce n’est qu’un commencement ; si d’aucuns voient dans le premier volet de cette série son accomplissement le plus parfait, sa suite, Last Order, n’en demeure pas moins un manga d’exception, chargé de références, de philosophie ou de science physique, il ouvre démesurément l’univers, le fait sortir du poisseux cloaque terrien pour nous faire découvrir Zalem et les stations spatiales. Commence pour Gally une nouvelle quête de ses origines au rythme d’un space opéra dantesque. Dès lors ce n’est plus seulement son passé qu’elle recherche mais son identité profonde, sa nature intime. Est-ce que le combat est sa seule raison d’être ? Est-elle le monstre que certains voient en elle ? Elle se sait machine à tuer et perd parfois pied dans son existence terrible, ne trouvant plus les ressources en elle pour supporter toujours davantage d’horreurs. Pourtant, sa soif de justice la rattrape toujours et l’entraîne dans la sarabande hallucinée de nouveaux combats.
Parmi toutes les héroïnes dont j’ai pu apprécier les histoires, aucune ne m’a semblé aussi profonde que Gally, aucune aussi traversée de sentiments contraires et exposée à tant de malheurs. Elle incarne tout à la fois la fragilité enfantine que la violence la plus débridée, l’espièglerie et le courage… Elle est avant tout plurielle, impossible à réduire à une fonction. Elle échappe aux schémas d’écriture et même cette amnésie primordiale, mainte fois vue, parvient à nous surprendre en questionnant l’héroïne par un biais étonnant. Et nous n’en avons pas encore fini avec elle parce que Yukito Kishiro a débuté il y a peu une troisième série pour nous raconter ses origines…
Ellen Ripley, d’Alien
Par Nemarth
Quelle surprise, un « la Rédak’ propose » où Nemarth va nous parler d’Alien ! Oui vous vous y attendiez, mais sérieusement, vous pensiez vraiment qu’on n’évoquerait pas Ripley dans cette petite compilation ? Ce personnage emblématique est un peu l’incarnation de tout ce qui fait une femme forte au cinéma. Bien sûr le rôle a grandement évolué au cours des quatre longs métrages qui lui donnent vie. Tout d’abord un officier/routier de l’espace, une mère protégeant son enfant puis une femme se permettant d’éprouver des sentiments et enfin un monstre. A chaque réalisateur sa version de Ripley mais la beauté vient de la cohérence de l’ensemble : Ellen Ripley ne cesse jamais d’être elle même, elle est juste vue d’un angle différent.
Dans le premier film, elle est avant tout définie par sa fonction, son job à bord du Nostromo. Se mettant même à dos ses collègues pour des raisons procédurières, on la découvre pragmatique, professionnelle, assez distante. Mais c’est grâce à ce tempérament raisonné et calme qu’elle saura trouver la solution et puiser dans sa terreur absolue le courage qui va la caractériser pour le reste de la série.
Le deuxième film va tenter une approche un peu plus humaine, la couche « professionnelle » de Ripley va s’effriter pour laisser la place à des sentiments plus viscéraux. Tout d’abord désabusée, en rupture avec le monde qui l’entoure (rappelez vous les évènements d’Aliens se situent plusieurs décennies après le premier), Ellen va retrouver sur LV-426 une raison de vivre dans la protection de la petite Newt. Le final de cette aventure va se solder par l’une des confrontations les plus badass et violente de l’histoire du cinéma. Deux mères protégeant leur famille, toutes deux prêtes à tout sacrifier dans un bain de sang sans concessions. On en oublie quasiment Vasquez, la Space Marine ultra brutale qui semble pourtant au sommet de son art pendant les trois quarts du film.
David Fincher pour la troisième bobine va donc aborder Ripley d’une manière à nouveau différente, on la sait courageuse, pragmatique, sûre d’elle, maternelle. Mais quid du sentiment amoureux ? De la chaleur ? De l’intimité ? Encore une fois nous allons être plongés un peu plus profond dans la psyché humaine, après la profession qui force à montrer un masque au monde entier, le rôle de mère sociétal et familial, on va s’attarder sur les besoins de la personne. Alien 3 nous montre une Ripley bien plus séduisante que les deux films précédents et pourtant c’est aussi ici qu’on va la voir faire ses choix les plus primaux, masquer sa féminité, prendre un amant, découvrir qu’elle porte la vie en elle et finalement le sacrifice. Ce troisième film à fleur de peau, probablement le plus émotionnel de la série, est celui qui va faire le mieux évoluer ce magnifique personnage.
Enfin, le monstre, le clone numéro 8. Alien Résurrection nous présente finalement une Ripley qui n’est pas réellement Ellen mais qui contribue parfaitement à cette exploration du moi commencée depuis la première itération de la franchise. Nous avons ensemble dénudé la psyché humaine au travers du personnage d’Ellen Ripley, le masque, le rôle, les sentiments, il ne reste plus que l’animal. Cynique, dénuée de peur, parfaitement armée pour survivre, le clone 8 semble être la solution parfaite pour affronter ces extraterrestres abominables. Le prix est par contre particulièrement élevé : son humanité lui a été prise. Mais c’est mal connaître la femme la plus badass de l’espace, elle va progressivement regagner celle-ci en repassant par les « étapes » précédemment évoquées, et redevenir elle-même tout en connaissant le monstre qu’elle porte en elle.
Peu de personnages ont connu un traitement aussi complet (4 films c’est sûr ça aide) mais c’est surtout cette intelligence dans son développement qui intrigue, fascine et marque les esprits. Connaître Ripley, c’est comprendre un peu mieux l’Humanité. Et en plus elle casse des bouches par paquets de cent. En un mot : parfaite !
Tiffany « Pennsatucky » Doggett, d’Orange is the New Black
Par Blorb
Dans la prison pour femmes de Litchfield, Tiffany Doggett est l’archétype même du personnage qu’on adore détester. Elle est bête, irresponsable, vulgaire, violente, raciste, homophobe et toxicomane. Elle arbore une dentition pourrie qui la rend véritablement repoussante. Bref on a rarement vu personnage féminin aussi détestable. Chacune de ses apparitions est un véritable calvaire pour les nerfs, vous avez juste envie que quelqu’un la fasse taire de façon définitive.
Mais au fil des saisons on découvre son parcours (triste et chaotique) qui l’a amené à devenir cet horrible être humain. On la voit chuter, se ramasser, finir seule et on finit par avoir de l’empathie pour elle. On dit qu’un toast grillé ne redevient jamais moelleux et pourtant, au fil des saisons Tiffany se remet en question, apprend de ses erreurs et évolue. On découvre une fille sensible et fragile qui essaie de remettre de l’ordre dans sa vie. Portée par l’actrice Taryn Manning qui incarne littéralement son personnage, Doggett est sans conteste mon personnage préféré toutes séries confondues.
Buffy Summers, de Buffy contre les vampires
Par KaMélaMéla
Ah la trilogie du Samedi sur M6, et son fameux lot de frissons devant la série Buffy contre les vampires. Buffy Summers, est, pour les trois personnes qui ne la connaissent pas (et qui sortent en toute logique de 20 années dans un coma profond), une tueuse de vampires. Il y en a une par génération, toujours remplacée à sa mort par une successeure. Mais Buffy Summers, c’est avant tout une fille over badass, bien decidée à prendre son destin en main, tout en sauvant le monde. C’est la première héroïne de série à laquelle j’ai eu envie de ressembler, tant elle était forte, belle, courageuse, bref, tout ce qu’une pré-ado rêve d’être.
Pour moi, Buffy a été ma première icône féministe, de part son caractère bien trempé et les raclées qu’elle infligeait aux monstres en tout genre, me prouvant que l’on pouvait être une femme, et ne jamais se laisser marcher sur les pieds. Je vous laisse avec une citation de la tueuse elle-même, affrontant l’un de ses ennemis.
« ANGEL : Tu es seule, plus d’armes, plus d’amis, qu’est ce qu’il te reste ?
BUFFY: Moi. »
Respect éternel pour Buffy, ma première vraie meuf sûre.
En effet faire le choix de nos héroïnes a été difficile, il y en a tellement !! Aux abonnés absent on a également la Princesse Léia, Lara Croft, Sarah Connor, Bayonnetta et j’en passe… Etrangement la dernière version de Wonder Woman ne nous cependant pas traversé l’esprit une seule seconde ….
Très beau palmarès ! Je rajouterai juste à cette liste l’incontournable Lightning, première héroïne de la série Final Fantasy, qui écrase l’écran, le jeu, les boss et ses petits camarades sans jamais dévier de son but, et de ses choix. Rarement un personnage m’aura autant marqué !