Heaven Upside Down : que vaut la nouvelle galette de Marilyn Manson ?
Vendredi dernier sortait le nouvel album du God of Fuck, du fléau des bigots, le roi des blessures en live : ce bon vieux Marilyn Manson. Deux ans après le très rock The Pale Emperor, Manson recommence donc avec Heaven Upside Down, un dix titres qui met tout le monde d’accord mais qui fera peut être tiquer les puristes.
Avec Manson, on sait jamais à quoi Satan
Eh oui… Manson a vieilli. Quarante-huit berges, ça laisse des traces ma bonne dame. Cela se ressentait déjà sur l’album précédent, où les teintes rock et pop remplaçaient les instrus plus brutales et speed. Manson délaissait son côté freak pour proposer un album rock assez classieux, lancinant et mesuré, qui, débarrassé de son côté provoc et de son imagerie du grotesque, s’en sortait franchement bien. Rares étaient les hurlements d’écorchés, Manson ne pouvant plus se permettre de se vriller la voix comme à ses vingt piges. Il préférait alors les feulements rauques et gutturaux qui siéent très bien à une orchestration rock-pop de haute volée portée par le talentueux musicos Tyler Bates (son soliste à partir de cette période).
Mais revenons à nos moutons.
Heaven Upside Down est vendu par Manson comme un mélange d’Antechrist Superstar et Mechanical Animals. Mouais. Il s’inscrit à mon sens parfaitement dans le prolongement de The Pale Emperor et ses influences rock pop, quasi IggyPopiennes.
L’album s’ouvre sur Révélation 12, un premier morceau assez anecdotique et médiocre où Manson s’échine sur des rythmes brisés aux relents métal. Il montre ici malgré lui qu’il ne peut plus se permettre tout ce qu’il veut avec l’âge. Un peu à la traîne, il galère à accrocher l’auditeur…
On enchaine avec Tatooed in reverse, une réalisation beaucoup plus satisfaisante et qui, à mon sens, aurait tout à fait eu sa place en ouverture d’album : ici Manson s’approche des éclats de voix et des rythmes à la Tom Waits et le fait particulièrement bien. Le morceau est une réussite et un bon prélude à ce qui va suivre.
Là, enfin, on retrouve sur le troisième morceau le Manson d’Antéchrist Superstar et il nous montre qu’il en a tout de même encore dans les chaussettes. Avec un refrain survolté, on se prend à headbanger comme un mongol : efficace et puissant, Manson claque en 3 min une belle réussite qui aurait eu sa place dans ses albums de jeunesse.
Satan souvent vers du très bon
Vient ensuite une des grosses claques de cet album, Say10. Entre feulements rauques et déchirement vocal on est face à un morceau d’une rare intensité qui, personnellement, m’a fait penser aux morceaux de ces bons vieux Pixies. Lourd. Puissant. Rock à souhait. Say10 est une immense réussite jouissive pour nos chères petites oreilles entre ses refrains simples mais entêtants et le bridge final qui clôture la chanson avant une dernière envolée. Vous verrez : vous aussi vous gueulerez gloire à Satan en l’écoutant !
On enchaine avec une composition plus posée dans la lignée de son album précédent : kill4me. Sensuelle et calme, c’est une chanson parfaite de transition. Comme Manson l’avait expliqué : pour faire une bonne chanson il suffit d’un rythme simple et d’une mélodie entêtante, « Bonne à faire danser les stripteaseuses ».
Saturnalia, Jesus Crisis et Blood honey forment un tout compact qui mène tranquillement au clou du spectacle. De bonnes chansons pour grossir l’album, mais rien de mémorable, excepté la fin de Jesus Crisis où Manson pousse le cri de l’album. On retiendra aussi le refrain de Saturnalia « Smile like a rifle » avec toujours cette ombre d’Iggy Pop qui plane !
Enfin arrive Heaven upside down la chanson phare de l’album éponyme. C’est une balade rock classique dans laquelle Manson se révèle être d’une grande profondeur vocale (si vous en doutiez encore). Viscérale et nécessaire, Manson en a même retardé la sortie de son album pour l’incorporer au dernier moment. Et il peut en être assez fier ! Heaven upside down transporte comme pouvaient le faire les fulgurances passées du trublion grotesque. On clôt le tout avec Threats of Romance, une belle signature à un album qui en impose.
Dans la lignée du dernier album The Pale Emperor, Heaven Upside Down est une réelle réussite pour l’emblématique chanteur qui délaisse petit à petit ses côtés hardcore pour s’immerger avec brio dans le gros rock’n’roll. Violence, colère, sensualité, hymnes rocks, blues sale, voix éraillée… le temps de dix chansons, on oscille avec plaisir dans l’univers sonore du God of Fuck. Un Manson assagi, vieilli, mais un Manson définitivement diablement talentueux.