Gobb’it, pourquoi j’ai mangé mon père
Il existe une foultitude de jeux plus ou moins exotiques dans les boutiques spécialisées et je connais bien le désarroi moral que peut ressentir le consommateur lambda face à des piles informes de boîtes aux titres plus ou moins lisibles et aux images diversement séduisantes. Je suis comme le commun des mortels face à de tels entassements ; j’erre, circonspect tout en essayant de conserver mon air digne de quidam éclairé… mais au plus profond de mon être torturé je ressens comme un coup de poignard les regards qui semblent tous percer à jour mon ignorance. Oui, je le confesse, en matière de jeux de plateau, sorti des catalogues jouets de mon enfance, ma culture frôle l’abyssal néant. Mais d’un caractère fougueux de lamantin sauvage, l’œil brillant d’une lueur d’intelligence limoneuse, je ne m’en laisse pas compter et grâce aux collègues du Cri et aux vendeurs sympas, je soigne ma terrifiante infirmité ludique… et le pire c’est que j’aime ça.
A table !
Gobb’it fait parti de ces petites découvertes capables de transformer les détestables après-midi lugubres de mois de novembre pluvieux sur le Bas-Limousin en gros délires entre potes et ce par une formule très simple, le principe de la chaîne alimentaire. Je m’explique, il s’agit d’un jeu de cartes contenant différentes créatures de la forêt équatoriale, chacune ayant sa place dans le grand cycle de la vie, depuis le statut de victime expiatoire à celui de roi des écosystèmes. On va du pauvre mouchtiks (créature rassemblant visiblement sous une même identité les deux créatures les plus méprisables de la création) au sémillant gorille, en passant par le caméléon et le serpent. Le mouchtik (bien fait pour sa gueule) se fait bouffer par le caméléon, qui lui même se fait engloutir par le serpent. Quant au gorille, il pète la gueule à tout ce petit monde et il est le seul à avoir cette capacité. Le serpent par exemple ne peut manger de mouchtiks (et c’est bien dommage). Mais attention, les diverses créatures ont des couleurs et on ne se boulotte que dans le même camaïeu.
Comment mange-t-on, vous entends-je grommeler. Fort simplement, j’en viens au principe du jeu. On distribue les cartes aux différents joueurs (de 3 à 8), ils forment un petit tas devant eux sans regarder leurs cartes. On commence alors la partie en retournant chacun son tour (depuis le plus gourmand des joueurs) une carte. On incarne alors la bestiole devant soi et on doit ainsi diversement bouffer ou se protéger des autres en fonction de ce qu’ils retournent. Pour attaquer ou se défendre le principe est le même ; il s’agit de frapper sur la carte de l’adversaire ou sur la sienne suivant l’action.
Ainsi si j’incarne l’infâme mouchtik je dois frapper rapido ma carte si un joueur retourne un caméléon ou un gorille de même couleur !
Adrénaline
Rapidement on est tous tendus comme les strings de Nicki Minaj et on se retrouve à taper sur tout ce qui bouge quitte à commettre des erreurs, erreurs provoquant l’envoi au cimetière, au centre de la table, du tas de cartes retournées par le joueur… C’est vraiment extrêmement marrant d’être tous en mode hyperactivité. On pourrait même gloser sur l’immersion dans une réalité animale vécue entre la proie et le prédateur. Bref, on se prend pour le roi de la jungle ou la petite créature cardiaque et on teste ses nerfs. Au Cri du Troll on s’est bien fendu la poire en y jouant et encore nous n’avons pas épuisé encore toutes les facettes de ce petit jeu étonnant.
Les bonus
Il existe en effet des règles additionnelles qui permettent de corser un peu la difficulté, en changeant l’ordre de la chaîne alimentaire ou en faisant se manger les créatures de couleur différentes… De quoi se faire péter le palpitant et la cervelle dans des parties trépidantes où tous les acquis de l’expérience sont annihilés par quelques modifications de règle. C’est vraiment un point très intéressant pour ce jeu puisqu’il évite la routine. On peut aussi signaler qu’être adulte n’est pas nécessairement un avantage. Pour taper sur des cartes par analogies de formes et de couleurs nul besoin d’être vieil et chenu et les plus jeunes se trouvent même avoir des réflexes d’acier… En somme, on peut y jouer en famille (à partir de 10 ans), seuls les adultes aux grosses paluches devront peut être modérer la puissance de leur frappes libératrices pour éviter d’envoyer le petit aux urgences.
Avec ces quelques cartes et ce concept simple mais fun, Gobb’it vous plonge dans la scène finale du célèbre western Le bon la brute et le truand. On se guette, on arbore la plus belle des pokerfaces, la main prête à jaillir tel un colt vengeur… La simplicité des règles rendent Gobb’it très accessible et ce très aisément. De même, les parties sont rapides et n’ont besoin que d’un coin de table pour se dérouler. C’est simple, pratique, parfait pour casser la routine de l’après-midi pluvieux sus-nommé. Désormais, ce genre de situation peut trouver une solution simple : « on se fait un Gobb’it vite fait ? » Ce à quoi l’homme de goût répondra « Bordel, carrément ! »
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