Friskoz, une sacrée BD, bordel !
Il y a quelques jours de cela, nous autres Trolls avons reçu un message. C’était celui d’un scénariste de BD, là, à Limoges, qui avait un projet : celui de produire le deuxième tome de leur petit bébé bédéistique (mais si, ça existe comme mot). Curieux comme pas deux, on a demandé à voir ! Il nous a envoyé leur premier tome. Et PAN ! La baffe.
Il nous fallait parler de Friskoz. Du premier épisode, du financement du deuxième et de sa venue prochaine. Et c’est qui qui s’y colle ? C’est Petrocore, Flavius et Lazylumps.
Un vent de fraîcheur souffle sur le post-apo
Parce que Flavius sera bien mieux placé que moi pour parler des dessins et que Lazylumps était occupé à retranscrire notre entrevue avec Jérôme Ledouble, qui s’occupe du storyboard et du scénario de Friskoz, c’est moi Petrocore qui vais vous parler du reste.
Pour faire très simple et éviter tout spoiler, Friskoz parle d’une petite île. Sur cette île, il y a une ville. Et dans cette ville, il y a ce qui semble être le dernier espoir de l’humanité. A l’origine juchée sur une montagne, Friskoz Island est maintenant entourée par les eaux. Une suite de catastrophes naturelles ont ravagé la Terre. Les réfugiés tentent tant bien que mal de rejoindre cet îlot, mais au vu des champs de mines sous-marines qui l’entourent, on dirait bien qu’ils ne sont plus les bienvenus. L’histoire suit un détective handicapé qui se déplace en béquilles, officiant sur Friskoz Island, et qui a le don de se fourrer dans les pires embrouilles possibles.
Friskoz connaît ses leçons, mais ne tombe pas pour autant dans de la vulgaire repompe. Que ce soit le genre du polar noir via le personnage du détective (on a droit à de la punchline badass et aux commentaires perpétuels du personnage en style « voix-off », comme dans les films), le post-apocalyptique, la bonne grosse série Z ou la BD de super-héros grâce à un personnage que je vous laisse le soin de découvrir, les deux larrons appliquent les codes avec une efficacité certaine.
Et ce qui est bien avec les codes, c’est qu’une fois qu’on les connaît, on en fait ce qu’on en veut. Et Friskoz, c’est ça. C’est le croisement de plein de genres qui s’entremêlent sans pour autant se bousculer. Si on y ajoute un bon gros tas de délires plus ou moins persos et des références en cascade, on a une œuvre au caractère bien trempé, qui fait beaucoup beaucoup de bien à lire.
Le sous-titre de l’image un peu plus haut était humoristique, mais avait cependant le mérite de soulever quelque chose : Friskoz en plus d’être délurée, est loin d’être bête. Jérôme Ledouble, de par ses expériences (voir interview plus bas), avait envie de développer quelques thèmes sérieux, notamment celui de l’immigration et des réfugiés. De même, on traite du sujet du handicap qui touche personnellement Niro, le dessinateur. On passe du rire à la réflexion sans même s’en rendre compte. Un exemple de narration, et ce dans le premier tome.
Ah oui et pour les fans de métal, y a maaaaasse de références à notre style de musique de prédilection. Le petit plus qui fait la différence !
Je ne saurai que vous conseiller de vous intéresser de très près à Friskoz. Le deuxième tome est en cours de financement sur le site Ulule. Si tout comme nous, vous avez une grosse grosse envie de participer à son accouchement, le lien est dans la conclu !
La grosse calotte visuelle
Comme l’a souligné mon camarade troll, c’est à moi, Flavius, qu’incombe la lourde tache de parler du dessin et plus largement de l’impression visuelle que laisse Friskoz. Quand on a reçu le message de Jérôme et qu’il nous a transmis leur premier tome je me suis empressé d’aller jeter un œil curieux sur la qualité du travail d’illustration. C’est en général ma première approche avec une bande dessinée, comme un contact sensuel, tout dans l’œillade, ce qu’il faut c’est pas trop de provocation affichée mais suffisamment de lascivité pour émoustiller les sens.Je suis très sensible à cet aspect et il en arrive parfois qu’il soit capital. Si je n’accroche pas le dessin je peux laisser tomber une oeuvre, aussi géniale soit-elle (oui, je suis comme ça moi). Je ne cherche pas un style en particulier mais je veux voir des choses vraies, couillues, audacieuses, qui montrent l’implication de l’auteur dans son travail. Ce que je déteste par contre c’est l’affectation prétentieuse d’une technique glacée et stéréotypée, gentiment apprise à l’école et sans le moindre relief.
Dans Friskoz… que dire… le grand jeu, un regard un peu fou, profond d’une frémissante folie sauvage mais subtilement retenue par une ferme contenance pleine d’expérience. De l’œillade grand luxe et avec un style rare qui laisse à l’école maternelle certaines couillonneries plus mode et surtout plus marketing mais qui artistiquement et techniquement ne valent pas le papier sur lesquelles elles sont imprimées.
En clair, le dessin est rempli d’expressivité et de maîtrise. Il fourmille de détails et après la lecture de l’histoire il reste encore à déguster chaque case pour en épuiser les références et les clins d’œil. À l’heure où l’on épure et où l’on simplifie pour ratisser large dans le lectorat c’est presque une bénédiction de voir un dessinateur et son scénariste s’éclater à instiller tout un tas de détails qui, en plus, ne sont pas gratuits et suivent la logique de l’oeuvre. Personnellement cela me fait penser au soin maniaque de Don Rasa dans ses planches, désormais célèbres, sur la Jeunesse de Picsou, et vu où je place le bonhomme c’est un grand compliment pour le boulot de nos auteurs ! Clairement ça fait plaisir de voir deux jeunes Français s’éclater ainsi dans leur univers et leur histoire et qui l’investissent avec autant d’envie.
Durant cette interview nous avons aussi eu la chance de feuilleter les storyboards de Jérôme et en apprécier la précision. À les voir on se dit qu’il était difficile pour Niro de se les approprier et de livrer une production personnelle… et pourtant… qu’est-ce qu’il va chercher !
Il approfondit, transcende, investit cette trame précise. Le résultat est une véritable synthèse de leurs idées. Une mention spéciale aussi à la mise en couleur. Je suis difficile en matière de colorisation numérique, mais ici ça conserve de la vie et de l’âpreté et ça c’est bien dans le ton.
Mais laissons donc maintenant la parole à un des auteurs.
Interview
Pétrocore, Flavius et Lazylumps, par l’odeur alléchés, tinrent à peu prêt ce langage à Jérôme Ledouble, storyboarder et scénariste sur Friskoz, membre actif du collectif de l’école du Crayon de Bois, qui vint boire une binch et parler de son projet avec nous :
Staff : Comment s’est lancé ce projet ?
Jérôme Ledouble : Ce projet est vieux de 2005, c’est le dessinateur, peintre, grapheur Niro qui est venu me chercher avec son projet qu’il tenait depuis longtemps. Pleins d’éléments étaient déjà là. La base était là. Mais ensemble on a retravaillé le scénar et les storyboards pour livrer quelque chose de plus rythmé, plus structuré.
Staff : Le scénar d’ailleurs, parlons-en. On a retrouvé des gros codes de série Z dans Friskoz, et c’était pas pour nous déplaire ! Et d’ailleurs, pourquoi partir sur cette thématique de déclin de l’humanité, du post-apo ?
J.L. : On travaille à deux avec Niro, qui taffe vite et bien (en autodidacte). Dans l’idée, le projet de base s’est monté en 2012 (date de la fin du monde mec !) et l’idée c’était de faire un Waterworld en mieux, Friskoz étant une île ! On a aussi voulu rattacher la BD dans un contexte d’actualité avec les réfugiés climatiques, les milices fachos des Patrol Boyz (qui sont en fait des simili Minute Men), la société, l’île qui part en lambeaux… C’est un genre qui permet aussi de parler des démunis, d’aborder des sociétés qui partent en vrille. On peut toujours mettre de grosse conneries mais il y a toujours un fond. On peut tout se permettre, se lâcher à fond, se faire plaisir via la BD et en même temps aborder des sujets sérieux.
Staff : On sent pas mal de militantisme…
J.L. : Alors moi j’ai bossé avec Amnesty international, tout ce qui est thématique réfugiés ça me touche pas mal pour le coup. Et dans Friskoz c’est ça : il reste une île, tout le monde veut y aller, et du coup les problématiques sont très vite posées ! On évite le préchi précha politique, on va à fond dans les choses.
Staff : Un scénar délire, des héros tout aussi décalés..
J.L. : Niro, le dessinateur, en avait marre de voir des héros avec des belles gueules, ce qui explique son personnage de détective en béquille. Il est lui même en fauteuil, et voulait parler du handicap sans tricher. Le héros lui-même en parle dans la BD, mais sans atermoiements.
Staff : On sent aussi la parodie des supers héros avec le génial homme mouette…
J.L. : Charly en fait vient de Condor Man, un vieux film Disney. Il a l’air complétement débile comme ça mais c’est un des personnages les plus importants et qui prend beaucoup d’épaisseur dans le tome 2 qui a l’obsession de buter des Patrol Boyz… et on en apprend plus au fil des pages !
Staff : On trouve aussi pas mal de références dans Friskoz…
J.L. : Effectivement, on s’amuse pas mal à insérer des petites références, des clins d’œil à ce qu’on aime. Notamment Charlie… Qui est présent un peu partout dans le tome 1, il faut le trouver.
Staff : Ahah en mode « Où est Charlie ? » C’est très con, on adore. Et c’est assez génial d’ailleurs ces petits easter eggs, ces petits détails, car on relit la BD avec beaucoup de plaisir pour les dénicher !
J.L. : Que ce soit du métal, des jeux vidéo, des vieux films, des séries gores… Il y en a des tonnes, c’est à vous de les trouver ! Niro est un très gros fan de métal… d’où l’idée du Primal Scream que l’on explore dans la suite.
Staff : Vous avez opté pour un financement participatif pour le deuxième tome ?
J. L. : Ouais, Friskoz a fait grincer des dents les éditeurs pour le premier tome. Un héros handicapé, un scénar bourrin, trash, vulgaire, des références métal *le mal absolu* … C’était refus sur refus. On nous a reproché la couverture « qui était moche » qui était « mal foutue »… Alors que c’était assumé, conçu comme une vieille pochette de vidéocassette à l’ancienne.
Staff : Ça rappelle les cassettes série Z. Effectivement ça a pas dû plaire aux éditeurs qui préfèrent les couv léchées, lissées, sans crayonné. Là c’est kitsch et c’est parfait quand on lit la BD cette couv est parfaite !
J. L. : C’est exactement ça, on a pensé la couverture du style « film du samedi soir ». On est de toute façon très influencé série Z, comics (comme Deadpool). Après avoir eu pas mal de problèmes avec le seul éditeur qui voulait de nous, on a monté notre propre boîte, Black Sheep Studio, un collectif graphique. C’est plus simple, et puis on doit rendre de compte à personne. On va essayer de réimprimer le premier tome sous notre label, puis finir cette trilogie qui nous tient vraiment à cœur !
Staff : À quoi on peut s’attendre pour le tome 2 ?
J. L. : Des zombies, des extra-terrestres, du métal, du trash, du fun, des références geeks et des cliffhangers !
Pétrocore : Tu as dit que dans le deuxième tome vous alliez résoudre plein de cliffhangers, mais qu’est-ce que tu as pensé du film Cliffhanger avec Stallone ?
J.L. : C’est un de mes films préférés. John Lithgow, le badass ultime des méchants qui envoie au héros après une énième saloperie : « ha tu veux me buter, ben alors prend un numéro et attend avec les autres ». En tout cas il faut savoir que dans Cliffhangers la bande annonce est quand même vachement mieux que le film.
Pétrocore : Alors pour la deuxième question, tu as dit que dans le tome 2 il y aurait pas mal de réponses, qu’est-ce que tu as pensé du film de Disney, Princesse Raiponce ?
J.L. : J’ai deux petites filles et du coup j’ai été forcé de le voir et bien je l’ai trouvé pas mal pour un Disney. Je trouve qu’ils s’arrangent pas mal et d’ailleurs dans la Reine des neiges tu as un retournement façon thriller on se croirait presque dans un Clint Eastwood !
Pétrocore : Alors pour la troisième question, je ne sais pas si tu connais, c’est un peu pointu dans son domaine, tu as dit que tu adorais tout ce qui était film de série Z, qu’est-ce que tu as pensé du jeu vidéo Z ?
J.L. : Et bien je ne connais pas ! Je pourrai donc l’essayer !
Lazylumps : Et pour ce qui est du film World War Z ?
J.L. : C’est une grosse merde. Autant les séquences avec les zombis sont mortelles, autant ça ne suffit pas de rajouter Brad Pitt pour faire un bon film.
Nous remercions chaleureusement Jérôme pour ce sympathique moment !
Qu’est-ce que vous voulez qu’on vous dise de plus ? Le travail est de qualité, osé, profond, rempli d’envie et de talent et de surprises… qu’est-ce que vous attendez pour Ululer gaiement ?!
N’hésitez pas, comme nous au Cri, à participer à leur Ulule, ils en valent le coup : http://fr.ulule.com/friskoz-invaderz/
Leur Facebook : https://www.facebook.com/FriskozInvaderz
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