Dishonored 2 : Another Prick in Dunwall
En Octobre 2012 sortait Dishonored premier du nom, un jeu parfaitement calibré, qui nous mettait dans les souliers de Corvo Attano, protecteur royal trahi, devenu assassin à la solde d’un complot censé lui apporter sa revanche sur un plateau. Et les joueurs virent que cela était bon.
Du coup, 4 ans plus tard, les petits gars d’Arkane récidivaient et sortaient la suite, intelligemment baptisée Dishonored 2. Jeu attendu comme le messie par une partie de la rédak’, dont fait partie votre humble serviteur.
Et verdict ?
Malheureusement, c’est pas passé loin, et on a un peu les couilles bleues !
Tu t’appelles Emily Kaldwin…
Bon, disons les choses tout de suite, le scénario est une déception. Pourquoi ? Parce que c’est tout bêtement une redite du premier. Résumé du 1 : vous êtes disgracié, vous devez vous enfuir, et éliminer petit à petit les membres de la conspiration qui vous ont mis au piloris.
15 ans plus tard, Corvo a vieilli, Emily a grandi, mais rebelote. Disgrâce, fuite à Karnaca la-ville-Joyau-du-Sud, affaiblissement de la conspiration, retour au bercail, fin.
Et en cela, même le 1 s’en sortait mieux, avec pour introduction le retour de Corvo à Dunwall après sa tournée des îles. Ce deuxième épisode nous laisse à peine deux minutes de battements avant de nous balancer in medias res, avec le choix de notre perso : le protecteur royal et héros du premier opus Corvo Attano, ou l’impératrice et fille de ce dernier, Emily Kaldwin. Choix qui a un impact important sur le gameplay, comme nous le verrons plus tard, mais pas tellement sur la narration. Les réactions de nos personnages face à certains évènements ou sujets changent, mais le fond de leur pensée reste le même.
Ce qui change véritablement le scénar, et particulièrement son dénouement, ainsi que les pensées et réactions de nos personnages, c’est le chaos. Comme dans le premier épisode, selon que votre approche soit meurtrière ou pacifique, le chaos ambiant dans Karnaca change, augmente avec les meurtres et massacres, stagne et décroit avec une approche non létale.
Mais du coup, on a vraiment RIEN de nouveau par rapport au premier épisode, et le scénar se prend une sacré claque. On le déroule, et puis, bah on s’en fout un peu quoi. Le HUB (cette zone qui vous sert de repli centrale) qu’est le Dreadful Wale est bien moins intéressant que ne l’était un Hound Pits, par exemple. On ne peut tout de même cacher son petit bonheur de retrouver pas mal de personnages du précédent, à commencer par un Anton Sokolov malheureusement en méforme, torture physique et mentale oblige.
Ce constat de semi-échec du récit, se situe aussi dans les quelques moments « révélation de ouf guedin » qui nous sont balancés à la face, et qui se révèlent avoir été abordés dans les DLC du premier, si vous aviez pris la peine de lire les documents et bouquins traînant de ci de là dans leurs niveaux.
Semi échec, car, en revanche, on a encore une fois de très bons dialogues, et surtout, une très bonne narration par les lieux, les décors, l’architecture, bref, par les détails. Rentrer dans un appartement, et découvrir par quelques indices et une note que c’est l’appartement d’un personnage qu’on a croisé deux chapitres plus tôt, c’est ce genre d’éléments qui rendent un monde vivant et maîtrisé. Et en parlant de monde vivant, on pouvait faire le même constat du premier Dishonored : si le scénario est faiblard, les infos que l’on glane dans les bouquins et papelards, les histoires des personnages que nous révèle le cœur, les contes de l’Outsider, tout ça mène à un monde absolument génial et fantastique, dont on a encore envie d’explorer les méandres une fois le jeu fini.
Et justement, le choix du perso offre une rejouabilité impressionnante à l’ensemble ! Dishonored 2 n’est pas un jeu à faire, mais à refaire encore et encore, dans une multitude d’approches différentes.
Maître Corvo, sur un lampadaire perché
Oui, j’ose espérer que si vous jouez ou avez joué à Dishonored, ce n’est pas pour son scénar, mais pour son monde et surtout pour son gameplay offrant autant d’approches aux situations qu’il y a de poils au cul de Graour. C’est à dire beaucoup, pour info.
Première chose à savoir et déjà mentionnée plus haut, ainsi que dans TOUTES les promos autour du jeu : vous avez le choix, en début de partie, entre deux personnages, aux capacités physiques similaires, mais aux pouvoirs et magies différentes. Parce que oui, en plus de tout l’équipement du parfait petit assassin (arbalète avec multiples carreaux, flingue, grenades, mines létales ou paralysantes…), l’Outsider, cette entité Cthulhuesque, vous propose assez rapidement de vous octroyer sa marque, et donc des pouvoirs. A vous de voir si vous acceptez ou non, mais sachez qu’un refus relève d’emblée la difficulté, tout en baissant drastiquement le nombre d’approches que vous aurez lors des combats ou des infiltrations.
En effet, les dons de l’Outsider sont plus que bienvenus : au blink (téléportation à courte portée), ralentissement du temps et à la rafale de Corvo s’ajoute en effet les pouvoirs d’Emily, inédits. La demoiselle peut créer un clone d’elle même ou une statue qui aura pour effet d’envoûter les ennemis proches, elle peut également se transformer en une ombre inquiétante que les ennemis auront plus de mal à repérer, ou se déplacer grâce à un grappin. Je ne vais pas tous vous les faire, la liste serait longue.
A ces sorts actifs on pourrait rajouter les nombreux effets passifs que vous accorde l’Outsider, que ce soit de faire disparaître les cadavres des ennemis assassinés, ou la capacité de sauter plus haut (et c’est d’une importance capitale).
Autant de pouvoirs pour autant d’approches possibles : parcourir le jeu sans tuer un seul personnage est tout à fait faisable. Ne jamais se faire repérer par personne également. Et finalement, l’approche du bourrin patenté est elle aussi tout à fait viable, bien qu’elle ne me paraisse pas, à titre personnel, être la plus enjaillante.
C’est vrai quoi, on vous offre la possibilité d’être un assassin trop stylé sautant de toit en toit, voltigeant de cible en cible, et vous vous contenteriez d’aller courir dans les rues à tirer à bout portant sur les ennemis avant de les décapiter au terme d’un combat épique, lame contre lame ?… Oubliez ce que je viens de dire, ça a l’air stylé aussi en fait.
Et ça l’est, j’ai testé.
Mais huez donc l’honnie Karnaca
Karnaca. Le joyau du Sud. Capitale de l’île de Serkonos. Et terrain de jeu de ce deuxième opus.
Si il y a bien une chose sur laquelle le studio Arkane a défoncé mes attentes, c’est cette ville. Véritable personnage à part entière, on est bien loin de la très londonienne Dunwall, pour un résultat qui se rapproche à mon sens des villes coloniales des Caraïbes, La Havane en tête. Bien loin de Dunwall dans le style, on monte même plus haut sur l’échelle de la qualité : on est en face d’une ville très organique, vivante, et qui parait tangible, à quelques heures d’avion seulement de notre petite France. Karnaca, c’est une ville rongée de problèmes comme pouvait l’être Dunwall (gangs de rue omniprésents, fanatiques religieux tentant de prendre le pouvoir, j’en passe…), mais qui n’est, au moins, pas aux prises avec une peste galopante. Du coup, croiser des civils n’est pas rare du tout, et ils ajoutent une bonne dose de vie à l’ensemble.
Karnaca n’est pas juste magnifique dans sa direction artistique époustouflante, et dans les nombreux détails qui parsèment les murs de la ville, comme j’ai pu le mentionner plus haut. Non, l’autre domaine dans lequel Arkane est passé maître, c’est celui du level-design, l’articulation du niveau pour que celui-ci vienne à servir le gameplay, le joueur, et la façon de jouer de ce dernier. Mais je laisse les développeurs présenter eux-même leur ville.
J’ai rien à ajouter à ce discours de promotion, parce que je n’ai rien à critiquer dans ce que les bonhommes avancent : tout ce qu’ils présentent se retrouve en jeu, et il en découle une ville incroyable, comme je le disais, offrant de très nombreuses possibilités d’approches.
Les chapitres du jeu se divisent en deux parties : une première se déroulant dans la ville même de Karnaca, et où l’on se dirige vers la deuxième étape du niveau, bien souvent le bâtiment abritant notre cible.
La première phase, dans les rues de la ville, vous donne une liberté d’action totale. Le level design est fait de telle façon que, en traçant, vous puissiez atteindre la suite du niveau très rapidement. Mais en général, la fibre de l’exploration vous prendra aux tripes, et vous vous retrouverez à sauter de toit en toit, à visiter un maximum d’appartements et d’échoppes possibles, pour y trouver les runes et autres charmes indispensables à l’amélioration de vos pouvoirs, mais aussi tout simplement pour passer inaperçu le plus efficacement possible. De toits en appartements, de lampadaires en enseignes de boutiques, de corniches bien planquées en cachettes secrètes, vous voilà à vous déplacer par blink/grappin successif, indétectable par une piétaille qui ne lève que trop rarement les yeux au ciel. Bref, on s’en donne à cœur joie dans l’exploration, à vouloir absolument tout voir, tout trouver, tout fouiller.
Puis viennent les niveaux « internes », ceux qui se déroulent au sein d’un bâtiment où rôde votre cible. Et là, c’est la fête du slip.
Que ce soit l’ancienne résidence de Stilton, où l’on est constamment en train de jouer entre le présent et le passé (on a l’impression de jouer à un Zelda FPS, c’est barge), l’asile d’Addermire, tout en verticalité, ou encore et surtout, le manoir mécanique de Kirin Jindosh, dont les pièces s’articulent de façon différentes selon les interrupteurs que l’on active, les niveaux en intérieur sont absolument grandioses.
Le manoir de Jindosh était d’ailleurs illustré dans le tout premier trailer du jeu ! Sachez que le génie va tellement loin avec ce level qu’il est possible de complètement le passer, en assassinant Jindosh très rapidement, et ce sans aucunes difficultés si on explore bien les prémices.
C’est fou, non ?
Complètement oui.
https://www.youtube.com/watch?v=l1jyUAtxh-8&
Voyage en Paoptimyssia
Une fois n’est pas coutume, finissons par aborder les défauts, pas capitaux mais qui viennent tout de même suffisamment pourrir l’expérience de jeu pour ce qui aurait pu être un excellent putain de jeu et qui ne reste finalement qu’un excellent jeu. Tout court.
On a déjà parlé de la narration un peu bancale. Mais alors, nom de Dieu, cette optimisation. Anton Sokolov serait pas fier putain !
Ça raaaaaaame, sur mon PC qui est pourtant plus performant qu’une Pissefow ou qu’une Wane. Pas méchamment notez bien, mais suffisamment pour que je le remarque. Ajoutez à ça des bons gros drops de framerate à la surprenante (le taux d’image par seconde qui baisse d’un coup, et donc la fluidité du jeu qui prend une taloche pendant quelques instants) et vous avez un gros problème pour un jeu qui SE DOIT d’être fluide.
Et justement, que vous baissiez la qualité graphique dans une tentative d’améliorer les performances de votre PC ne sera peut être même pas pertinent ! Ou du moins, n’aura pas autant d’efficacité qu’escompté. Même en faible, pour ma part, le jeu continue à douiller par moments.
Encore une fois, pour un jeu de cette trempe, et qui demande une finesse et une rapidité d’action parfois assez prononcées, ce genre de défauts est intolérable. Bethesda en est conscient puisque l’éditeur avait annoncé un patch, sorti depuis peu, et qui semble avoir amélioré les choses. Mais la prochaine fois, quitte à repousser le jeu pour le finir proprement et sans aucun problèmes, faites le les mecs.
Parce que là, l’expérience en est à tout jamais entachée pour bon nombre de joueurs qui ne relanceront pas le jeu, ou qui n’ont tout simplement toujours pas moyen de le faire tourner correctement. Et devant la beauté de l’expérience que vous proposez à côté de ça, c’est vraiment péché.
Ah Dishonored 2 ! Que ne t’ai-je attendu Jeu, que ne t’ai je attendu brûlant d’émoi et de désir à ton encontre, prêt à donner corps et âme à des heures et des heures d’assassinats méticuleusement planifiés, de strangulations discrètes, et autres tours de magie furtifs.
Mais voilà Jeu. Tu m’as poignardé en plein cœur !
Ô, sombre héraut de l’amer, que n’as-tu donc corrigé cette technique à la ramasse, et pourquoi ne m’as-tu donc pas proposé un scénario innovant et nouveau ? Tant de liberté d’action et de choix, tant de jouissance et d’heures de plaisirs passés ensemble, entachés par ces bien vilains défauts, comme une terrible chaude pisse qui vient à me rappeler la triste réalité du monde.
Mais je t’aime quand même Jeu. Comment ne pas t’aimer ? Corrige moi vite tout ça, et emmène moi au septième ciel, comme a si bien su le faire ton grand frère par le passé. Je t’attendrai.
Mais pas sur que tous fassent cet effort.