Archer : Danger Zone !
Premier épisode de notre dossier « Dessins animés pour adultes », qui va très vite vous faire comprendre que le terme « pour adultes » n’est pas là pour faire beau ! Archer, c’est une série comique prenant place dans le monde de l’espionnage, pastichant bon nombre de poncifs du genre, et enchainant les blagues de cul à un rythme effréné, dans un contexte parfois sanglant, souvent complètement fou, toujours super drôle. Disponible en intégralité sur Netflix, il est temps pour moi de vous convaincre d’aller l’y mater en vitesse !
Et attention, ça va parler de fesses !
Sterling Archer, Codename : Duchess
Archer nous raconte l’histoire de Sterling Archer et de ses collègues de l’ISIS, une agence d’espionnage indépendante travaillant pour l’Ouest, dans un univers où la guerre froide ne s’est jamais réellement terminée. Chaque épisode va ainsi nous entraîner dans une mission secrète aux côtés de ces agents d’élite, mais quand même pas mal moisis.
Archer est en effet un alcoolique fréquentant callgirls et prostituées (il vous expliquera la nuance dès la première saison) et il a d’énormes problèmes psychologiques vis à vis de sa mère Mallory, raciste et complètement lubrique, qui est aussi accessoirement la directrice d’ISIS. A coté de ça, Archer est au demeurant un excellent agent de terrain ne croyant pas à sa propre mortalité, ce qui l’amène à enchainer les prises de risques inutiles et les plans foireux pour le plus grand plaisir de nos zygomatiques.
Du coté de ses collègues, on ne relève pas forcément le niveau. Son ex, Lana Kane, sert de personnage plus terre à terre tentant de canaliser la folie ambiante de l’agence sans grand succès, tandis que Ray Gillette, l’homosexuel de la bande, réussit à se faire blesser grièvement dans toutes les missions auxquelles il participe, ce qui résulte en l’un des meilleurs running-gag de la série.
Et les employés de bureaux, c’est pas mieux : Pam, l’obèse DRH bisexuelle passant son temps aux toilettes quand elle n’est pas en train de bouffer et de dire des saloperies ; Cyril, le comptable souffre-douleur d’Archer, avec un complexe d’infériorité conséquent et qui refrène mal son addiction sexuelle ; Cheryl, la secrétaire foldingue et nymphomane, masochiste et pratiquant l’asphyxie érotique ; sans oublier Krieger, le scientifique fou allemand (mais lui se dit Brésilien), s’entrainant à jouer du Rush à la batterie quand il n’est pas en train de créer des monstres dégueulasses dans des cuves de formol.
Pour les musiciens incultes qui veulent finir sur une table d’opération, c’est bien sûr une reprise de Tom Sawyer de Rush
Et je ne parle même pas ici des nombreux personnages secondaires tout aussi savoureux, que ce soit Woodhouse le majordome d’Archer, Barry son rival, Katya que je vous laisse découvrir, Milton le photocopieur-grillepain, ou encore Slater (doublé par nul autre que Christian Slater, logique).
Le plus grand plaisir de la série, c’est de voir tout ce beau monde interagir, s’insulter, coucher ensemble, et se sortir de situations innommables par des moyens plus immondes encore.
Ce qui fait qu’Archer marche, en plus de ses personnages, c’est son interprétation. La voix d’Archer en V.O. est trainante et grave, assez atypique, et elle va vous apporter beaucoup de bonheur. Merci à H. Jon Benjamin pour cette performance de ouf dans la peau de l’espion le plus dangereux du monde. Les autres membres du casting ne déméritent pas, (beaucoup sont d’ailleurs issus d’Arrested Development, que je vous recommande) mais autant rendre à César ce qui appartient à César, la série s’appelle Archer, et c’est bien Benjamin qui sort le plus de conneries à la seconde, de sa voix de basse la plus blasée.
La V.F. est elle aussi confiée à des gens de talent, Archer y a la voix de Batman ET Superman, j’ai nommé Adrien Antoine, et c’est quand même classe, mais les textes n’ont bizarrement pas le même impact dans la langue de Molière que dans celle de Shakespeare. La faute à une traduction des blagues un peu bizarre voire bancale, et un détachement un peu trop acté des comédiens de doublages français là où les Américains n’hésitent pas à péter un plomb et à gueuler furieusement. Comme pour tout, je ne peux donc que vous conseiller vivement la V.O. !
L’animation des personnages quant à elle, est assez raidie et dégueulasse dans les deux premières saisons, avant de devenir fluide et d’atterrir dans la case « vraiment réussie » au cours des dernières, ou quelques scènes de bagarres sont follement animées dans un style du plus bel effet. Mais on reste quand même dans du sobre et du réaliste, et rien de bien transcendant n’apparait à l’écran, si ce n’est nos personnages et leurs conneries.
L’humour, c’est du sérieux
L’humour, c’est la principale raison pour laquelle vous allez regarder Archer, et plusieurs grands traits se dégagent du fonctionnement de la série à ce niveau là.
D’abord, la vulgarité, omniprésente dans un univers que l’on perçoit comme glamour, celui des espions, mais qui poussée à son paroxysme permet de caricaturer cette représentation pour en faire la débauche de luxure que nous présente Archer. Tout le monde couche avec tout le monde ici, et une simple secrétaire se retrouve adoubé du titre de « Pelé de l’anal » par un Archer admiratif.
Ce genre de références à la pop culture, par ailleurs, (parfois très pointues, bonjour à Magnum, Georges Orwell, Top Gun ou encore Deliverance), ne sont pas rares, et pour peu que vous ayez connaissance de l’œuvre originale à laquelle fait référence la série, un sourire en coin ne devrait pas tarder à poindre sur vos lèvres.
L’autre genre de vannes auquel la série s’élève au rang de maitre, c’est sur celui du running-gag, de la blague qui va rester, revenir sur plusieurs épisodes et devenir culte. Oubliez les « C’est pas faux ! », laissez place aux « Phrasing ! » et autres « DANGER ZONE !! ».
Intelligemment, la série fait souvent dans le distillat d’information sur ses personnages, infos qui viendront à être élaborés trois saisons plus loin, souvent dans un gag ou un bon mot qui viendra couronner la planification du truc d’un bon rire gras de votre part. L’admiration d’Archer pour Burt Reynolds par exemple, vient à être récompensée dans la saison 3, lorsque Burt himself vient prêter sa voix à son double dans la série, pour un épisode totalement jouissif. Vous avez dit blague méta ?
Mais n’allez pas croire que Burt Reynolds est le seul guest de la série. Cette dernière a la cote chez les stars, et bon nombre viennent faire un caméo rapide ou non, dans un rôle majeur ou non. Petite liste pour vous alpaguer un peu, la série a reçu entre autre : Bryan Cranston, Jon Hamm, Michael Rooker, Timothy Olyphant, J. K. Simmons, ou encore (je viens de le découvrir, j’en suis tout jouasse) Ron Perlman ! Pas sûr donc que vous les reconnaissiez au premier visionnage, mais l’humour d’Archer fonctionne aussi beaucoup de cette façon : chaque nouveau visionnage permet de capter une nouvelle blague, une nouvelle référence, une nouvelle voix connue.
Et quand on reconnait la voix d’un acteur qu’on aime, en train de déblatérer tout un tas d’âneries grossières, on a immédiatement un sentiment d’absurdité irréelle, semblable à celui qui nous prend lorsqu’on regarde pour la énième fois les aventures de Péteur et Stéveun.
Et oui, je viens de faire cette comparaison !
Une grande famille
C’est pas nous ça ! On est les outsiders, les laissés pour compte bagarreurs ! On est… Delta House, Les Douzes Salopards, l’Alliance rebelle, les Commitments ! On est la putain d’Chouette équipe, et notre Lupus est un cyborg ouvertement gay mourant de septicémie dans une brouette !!!
– Sterling Archer
Au niveau des thèmes que brassent la série, si ils sont moins variés que dans Rick et Morty, et abordés de façon bien moins frontale que dans BoJack Horseman, ceux de l’amitié et de la famille y sont centraux. Sa mère totalement absente, son père inconnu, Archer a été élevé uniquement par son majordome Woodhouse.
L’ISIS va lui permettre de se constituer une grande famille bourrée de problèmes affectifs et de tensions, sexuelles ou autres. Et si au début de la série, PERSONNE, n’agit comme un ami au sein de l’agence, 7 saisons plus tard on ne peut nier que l’on a vu les membres du bureau se transformer petit à petit en une drôle de cellule familiale, dysfonctionnelle et barrée.
Cette évolution du gang se fait en parallèle de celle du personnage d’Archer, qui mûrit tout au long des saisons (vous l’avez ?), devenant de moins en moins égoïste, de plus en plus à l’écoute de ses nouveaux amis, et surtout, de plus en plus responsable. Un adulte, en bref.
Là où les autres évoluent en prenant en grade ou via des transformations physiques parfois radicales, Archer évolue uniquement à travers ses interactions avec ses collègues, ce qui donne lieu à des moments vraiment touchants au milieu de tout ce foutoir, lorsqu’Archer finit par prendre conscience de ses sentiments, ou remonte le moral d’une amie par quelques blagues douteuses. Des petits moments de tendresse entre deux personnages, rares mais toujours bienvenues. Et drôlement beaux.
Mais sur le fond, à part ça, j’ai pas grand chose à vous dire. Archer, c’est juste du gros délire débile qui ne se prend jamais au sérieux. Bon okay, ça critique rapidement la CIA et la politique extérieure des États-Unis, mais je vous pose la question, qui ne le fait pas ?
Bref, premier de nos trois dessins animés pour adultes indispensables, la série de FX est un bijou de drôlerie et de débilité. Et croyez moi, je m’y connais !
L’humour tape fort et juste, les blagues sont crados, c’est parfois badass, et les personnages sont attachants comme rarement. Et c’est de loin la plus grande réussite de la série : la dynamique entre ses personnages, tous barges, tous endommagés, tous hilarants. C’est bien simple, je n’avais pas autant aimé une escouade de losers magnifiques depuis Futurama ! Si avec ça vous n’êtes pas convaincus…
Rendez vous le mois prochain pour Rick & Morty !