X-Files, saison 10 : la vérité est toujours ailleurs
Les plus « vieux » d’entre vous se souviendront sans doute de ces soirées passées devant M6 dans les années 90 dans l’attente fébrile de ce générique reconnaissable entre tous avec ces quelques notes et cette phrase à la fin : « La vérité est ailleurs ». Ah The X-Files (Aux Frontières du réel dans la version française de la drogue) !
Pour l’époque c’était quelque chose d’assez atypique et novateur. On nous parlait d’affaires bizarres, de cas non élucidés et en toile de fond d’une conspiration mondiale et des extraterrestres. La série jouait habilement sur la frontière réel/surréaliste (Ah le titre français ne serait-il pas tant à la masse finalement ? Coïncidence ? Complot ?). Plusieurs fois on finissait un épisode sans savoir si c’était vraiment inexpliqué ou juste inexplicable avec notre vision du monde. Tout cet équilibre tenait aussi aux deux protagonistes principaux, les agents spéciaux du FBI Fox Mulder et Dana Scully. Mulder (David Duchovny), le « believer » toujours persuadé que la vérité était justement ailleurs, voyant le paranormal, les complots et les extraterrestres partout depuis la disparition mystérieuse de sa sœur au cours de son enfance. Scully (Gillian Anderson), la scientifique sceptique, arrivée aux côtés de Mulder pour le surveiller et/ou le tempérer, cherchant toujours l’explication rationnelle à ce qu’elle voyait. Travaillant au bureau des affaires non classées (les fameux X-Files donnant le titre à la série), les deux agents se retrouvaient confrontés à des évènements qui les dépassaient. Et au milieu d’eux, une galerie de personnages plus ou moins récurrents comme le directeur ajoint Skinner, les agents Doggett et Reyes ou encore le fameux Homme à la cigarette, chacun apportant sa pièce à la mythologie de la série.
Et ça a duré quand même 9 saisons d’une vingtaine d’épisodes (+ 2 films). Alors oui à la fin ça n’avait plus forcément le charme que ça avait au début. Oui, il fallait une encyclopédie pour ne pas perdre le fil de l’intrigue de fond avec les extraterrestres. Et oui, les deux films sont franchement moyens, l’un servant de transition entre les saisons 5 et 6, l’autre se situant après la fin de la série et n’apportant pas grand chose. Mais c’était cool. Et la dernière saison avec le procès de Mulder essayait de remettre toutes les briques ensemble et offrait une fin ouverte. Et puis la série a continué sous forme de comics chez IDW (pas encore eu l’occasion de le lire mais je n’en ai entendu que du bien).
Du coup quand l’ami Bolchegeek m’a dit « Eh mec ! T’as vu ils vont faire une dixième saison d’X-Files ! », je l’ai regardé avec un air assez dubitatif. Pourquoi ? Pour faire quoi ? Pour raconter quoi ? Est ce pour jouer sur une espèce de vague nostalgique des années 90 ? Est ce juste pour permettre à Chris Carter, le créateur de la série de payer ses impôts ? Est ce que tout ceci n’allait pas paraître daté et trop « old school » en 2016 ?
I want to believe
C’est donc avec une certaine circonspection que je me suis mis devant cette nouvelle saison. Saison assez courte en plus car seulement composée de 6 épisodes. Il allait falloir faire vite et efficace donc. C’est le cas dès le premier épisode (My Struggle). On retrouve Mulder et Scully qui, à l’instar du spectateur, n’ont quasiment pas été en contact depuis 14 ans et restent [Spoiler alert] tous deux très affectés par la disparition de leur fils William (saison 9) [fin du spoiler]. Retirés du FBI mais de nouveaux réunis par l’entremise du webcaster Ted O’Malley (Joel McHale vu dans l’excellente série Community !), ce dernier va apporter de nouvelles informations qui vont changer la vision de Mulder sur la conspiration mondiale à laquelle il s’est retrouvé mêlé des années avant.
L’épisode réactualise avec un certain brio les thèmes de la série en les modernisant et en les plaçant dans l’Amérique post-Bush, WikiLeaks et Edward Snowden. Cette vision moderne fait le plus grand bien à la série et m’a de suite emballé. D’ailleurs ça en devient évident. Qui de mieux que X-Files, série conspirationniste et paranoïaque au possible, pouvait au mieux jouer sur l’ambiance Big Brother qui règne sur le monde depuis quelques années. Cet épisode aura son parallèle en fin de saison (My Struggle II), qui, bien que moins réussi, laisse une fin ouverte pleine de promesses (comme tout bon cliffhanger). Entre ces deux épisodes, les 4 autres ont plus une structure Monster-of-the-week bien que certains éléments de la conspiration soient disséminés par-ci par-là (l’épisode Founder’s Mutation notamment). On retrouve ainsi le charme de la série d’origine mais on retrouve aussi ses faiblesses avec des épisodes qui peuvent être assez inégaux. De même, là où on pouvait comprendre la présence de seulement quelques épisodes faisant avancer l’intrigue globale sur une saison de 24 épisodes, ça devient plus compliqué sur une saison de 6. A ce titre, le rythme de cette saison peut paraître un peu bancal.
La série a néanmoins gagné quelque chose grâce à ses deux acteurs principaux. La relation Mulder/Scully a toujours été au centre d’X-Files, passant d’une relation de travail assez platonique à l’amitié et voire même à quelque chose de plus. Les deux acteurs ont eu une carrière à la suite de l’arrêt d’X-Files (notamment Californication pour David Duchovny / The Fall ou Hannibal pour Gillian Anderson) ce qui a enrichi leur jeu d’acteur. Au début on se dit qu’ils ont quand même pris un petit coup de vieux puis on se rappelle que nous aussi. La série joue même là dessus. Mulder apparaît plus fatigué et cynique, prêt même à remettre en cause la quête qui a guidé sa vie depuis des années. Scully, elle, est plus angoissée, marquée par les évènements précédents. C’est l’occasion de moments assez touchants entre les deux personnages ce qui donne peut être aussi un côté plus intime à cette saison, se prêtant bien au format de 6 épisodes.
Par contre il faut être bien clair sur un point. La saison est ce qu’elle est : une saison 10. Pas un reboot, pas une nouvelle saison 1. Ça s’adresse du coup avant tout aux gens qui connaissent la série. Si vous n’avez jamais vu d’épisodes d’X-Files, si vous ne connaissez pas la mythologie et les personnages, vous risquez d’être déçus et perdus. Mais pour les petits nouveaux, je ne saurais que trop vous conseiller de regarder les saisons précédentes tant c’est un univers riche et intéressant.
Au final, ce retour de The X-Files est très honnête. Loin d’être parfaite et, à mon sens, handicapée par sa durée très courte, la dixième saison d’X-Files renoue avec ce qui avait fait son succès mais aussi avec ses défauts. Les épisodes peuvent être plus ou moins inégaux mais on retrouve avec plaisir le tandem Mulder/Scully aux affaires non classées et de nouveau au milieu d’une conspiration mondiale. Bien qu’ayant pris un petit coup de vieux, les acteurs ont également enrichi leurs répertoires, ce qui permet de donner de nouvelles directions à la relation entre les deux personnages. Le point fort de la saison ? Finalement la série qui nous présentait une vision paranoïaque d’un monde d’ultra-surveillance et de manipulation dans les années 90 n’apparaît presque que trop réelle en 2016.
Ps : J’ai vu la saison en VO ce que je vous conseille. Je sais que ça a été diffusé assez rapidement sur M6 (dont il faut souligner l’effort pour réduire le temps entre diffusion US et diffusion FR) mais apparemment certaines parties trop gores/sanglantes/visuelles auraient été coupées. Je ne sais pas si c’est la même en VOD mais ça reste dommage.
Je comprends la remarque même s’il m’a fallu un peu de temps pour décrypter le truc. Avant même de connaître la phrase en VO, je pense que je le comprenais de toute façon comme « La vérité n’est pas forcément là où on la cherche » du coup ça fait sens avec la VO, non ? Je crois même que j’avais jamais tilté qu’on pouvait interpréter le « ailleurs » comme « extraterrestre », c’est fou.
En parlant de « traduction de la drogue » (« Aux Frontières du Réel » mais WTF ?!?), il y a un truc qui me chagrine depuis un moment : « La vérité est ailleurs ». Pour moi c’est presque un contresens : la formule originale est « The truth is out there ». Ce qui signifie que la vérité est là quelque part / là dehors. Et ça colle complètement avec cette idée que les personnages sont des gens qui vont chercher la vérité, parce qu’elle est là, cachée quelque part. Je comprends bien qu’il y a une notion dans X-Files que la vérité n’est pas dans le savoir officiel et qu’il y a un connotation « alien » et « spatiale » dans ce « out there » (en ce sens ça reste dans la formule VF) mais on perd l’affirmation très forte qu’elle est bien là.