Proteus : l’ultime simulateur de promenade
Bon, histoire de rétablir mon karma après le super let’s play de Spintires, je vais braquer les projecteurs sur un truc bien contemplato-hippie, vous allez m’en dire des nouvelles ! Voici donc venir la chronique de Proteus, un jeu indé au concept extrêmement osé et qui, soyons clairs, ne plaira pas à tout le monde, très loin de là.
Autant prévenir de suite : Proteus est un genre de jeu personnel, basé sur la sensibilité de celui qui y joue, la découverte et l’exploration. Ma chronique vous dévoilera pas mal de trucs (mais je spoile pas les trucs importants, promis), ce qui pourrait ternir votre toute première partie, essentielle. Je sais que pour certains joueurs (comme moi), cette première partie est d’une importance capitale et pourrait perdre de sa saveur suite à la lecture de cette chronique. Si vous pensez être de ceux-là, fermez cette page et tentez l’aventure. Ou alors allez directement au verdict où je dis ce que je pense du jeu, ça pourrait vous aider à vous décider. Pour les autres qui voudraient au moins en savoir un peu plus, ou ceux qui ont déjà fait le jeu, et bien en avant pour l’article.
La petite maison pixelisée dans la prairie virtuelle
Je fais quoi, sur cette île ?
Le jeu commence alors que vous êtes dans la mer. Ne paniquez pas, ce n’est pas comme dans plein de jeux où vous devez rejoindre la plage à la nage avant de vous faire bouffer par des requins. N’ayez pas peur non plus pour la noyade : vous avancez tranquille jusqu’à l’île sans encombres. Rien pour vous nuire dans l’eau. Rien pour vous nuire tout court d’ailleurs : Proteus ne contient pas d’ennemis, ni de piège naturel, ni de notion de faim ou de soif. Tout ce que vous aurez à faire, c’est d’explorer votre île.
Notez tout de suite que chaque partie est unique (encore heureux) : l’île est générée aléatoirement lorsque vous commencez votre aventure. Il semblerait que sur la version PS Vita, il soit possible de générer une île selon notre position géographique et même selon la date sur PS3… Mais bon, moi j’ai joué à la version PC donc j’avais que le truc de base avec l’île qui change à chaque fois. Ça me va.
Mais alors qu’est ce qu’on branle ? Et bien on découvre l’île. Bien que les graphismes soient très pixelisés, ils n’en restent pas moins fins et nous offrent de chouettes panoramas. On remarquera un superbe travail sur les couleurs, qui fait beaucoup pour la beauté du soft. Certains temps forts du jeu (si si, il y en a) se voient magnifiés par ce travail, on est à la limite de l’expérience mystique. Mention spéciale aux nuits d’automne, grosses pourvoyeuses de trips hallucinés qui doivent passer bizarrement sous l’effet de substances illicites.
Ce genre de moments, quand on les vit, bah ça fait quelque chose
Jeu vidéo ? Œuvre d’art ? Les deux ? Aucun des deux ? Qu’est-ce que c’est que ce titre merdique ?
Proteus, dans son énoncé, pourrait faire penser à des jeux comme Dear Esther, Flower, Journey et autres axés sur cette idée de poésie. Celui-ci va en fait encore plus loin dans l’idée d’expérience contemplative puisque, comme dit plus haut, il n’a pas de « but » en soi. On ne doit pas arriver au bout de l’île, ni découvrir comment en partir ou récolter un certain nombre de trucs. Non, on doit juste marcher et observer l’interaction qu’a notre avatar avec ce qui l’entoure. Ça a l’air chiant comme ça (pour certains d’ailleurs, ça l’est) mais Proteus a quand même quelques atouts dans sa manche.
Déjà, il faut savoir que la musique s’adapte à nos déplacements : les thèmes ne sont pas les même selon que nous sommes sur une montagne, dans une forêt, dans le cimetière ou carrément dans la mer. Ajoutez à cela que chaque élément, insecte, crabe, goutte de pluie, flocon de neige qui tombe etc. a un son qui lui est propre ET qui s’accorde avec la musique, et vous avez là une expérience musicale pas dénuée d’intérêt. C’est une véritable déferlante de sonorités en été, où la faune et la flore sont au mieux de leur forme ! En hiver par contre…
Le cimetière au premier plan. Au loin, sur la montagne, se trouve un monument étrange…
Le fait que je parle d’été et d’hiver ne vous aura surement pas échappé (en même temps c’est deux lignes au-dessus, si vous avez pas fait gaffe c’est vraiment que vous n’êtes pas très concentrés) : l’autre intérêt du jeu est de voir l’île évoluer au fil des saisons. Vous commencerez dans tous les cas au printemps et finirez en hiver. Pour changer de saison, c’est pas compliqué : vous attendez la nuit et vous cherchez l’endroit où les étoiles descendent du ciel pour former un cercle tournoyant dans lequel vous devez entrer (ouais, c’est hippie à mort). A ce moment là se déclenche une déferlante d’effets visuel du plus bel… effet (turbolol) et POUF ! vous voilà dans votre nouvelle saison ! La nuit d’hiver signera la fin de votre partie, de manière inéluctable. Je vous spoile pas mais moi je trouve que cette fin défonce à mort, mention spéciale pour la musique trop flippante. Enfin ça, c’est pour les gens que le jeu a touchés, sinon ça vous fera juste un truc chiant en plus à regarder.
Il se passe aussi des trucs vraiment chelous dans Proteus
Une partie dure en moyenne 30 minutes. C’est court mais ça vous permettra de recommencer quelques fois. « Mais pourquoi recommencer ? » me demanderez vous. Et bien pour plusieurs choses. Déjà, ce jeu est vraiment vraiment relaxant, et je vous assure, expérience à l’appui, qu’après une journée bien gonflante, Proteus fait son effet. L’autre raison, bien plus importante, c’est que vous vous rendrez très vite compte que les deux concepteurs du jeu ont dissimulé de-ci de-là plein de petits éléments, des clins d’œil qu’il vous faudra découvrir. Faites gaffe, y en a quand même qui sont space.
Proteus est un OVNI. Je ne peux que vous le conseiller, car il m’a vraiment touché, mais je sais très bien que nombre d’entre vous n’y verront qu’un énième truc fumeux pondu par des ââââârtistes feignants. Il y a pourtant un effort indéniable pour procurer au joueur des sensations, qu’elles soient visuelles (les couleurs sont magnifiques) ou auditives (le travail sur la musique). A dix euros le jeu, ça fait un peu cher je vous l’accorde, mais si vous le voyez en soldes ou que vous n’avez pas peur de perdre un peu d’argent, tentez-le ! Au pire vous aurez une autre bouse à aligner dans votre liste de jeux, au mieux vous serez happés par une expérience unique.
Je me permets d’ailleurs de citer un monsieur sur senscritique.com dont la phrase est très juste quant aux sensations que l’on a pendant une partie : « La gratification à jouer provient du fait que chaque émerveillement donne la sensation d’avoir été créé par notre subjectivité même ». Ça pète, hein ?