God of War : Kratos perd pas le Norse
Ça y est, il est là. Ou plutôt, il est revenu. L’arme de destruction massive de l’écurie Sony. Le maitre-étalon de la bourrination et du blockbuster moderne. Celui que l’on appelle Kratos et que Sony a judicieusement baptisé la planche à billets, est de retour. Différent toutefois. Moins colérique, plus barbu et surtout, papa. Et ça change pas mal de choses, pour ne pas dire tout, pour un God of War qui ne partage avec ses prédécesseurs qu’un titre et un héros principal.
Changement de direction complet, donc, puisqu’on se retrouve avec un jeu caméra à l’épaule, beaucoup plus intimiste, avec un héros bien moins véner et exilé au sein d’une mythologie Nordique n’ayant rien à voir avec celle de sa Grèce natale. À partir de là, forcément, le doute était permis. Santa Monica Studio prenait à vrai dire de gros risques à déconstruire ainsi une série de jeux adorée. Reste à savoir si ces risques ont payé, ou si l’on a affaire à une amère déception.
Car la seule question qui vaille c’est bien celle-ci : ce sextoy belliqueux parvient-il à nous faire vibrer de plaisir ?
Tu seras un homme avec de grosses burnes, mon fils.
Commençons par un rapide résumé des épisodes précédents, et forcément, divulgâchage à l’horizon !
Toute la famille de Kratos, fier spartiate et demi-dieu, a été massacrée de ses mains par la faute des dieux de l’Olympe. Kratos vire furieusement grougrou rageux, et décide de terraformer le trou du cul de toutes ces saloperies de divinités. Il parachèvera son œuvre en explosant à coups de genoux le crâne de son propre père, Zeus, précipitant la fin non seulement de la mythologie grecque, mais aussi du monde grec lui-même…. Fin du Spoil !
On retrouve donc Kratos, perdu dans une forêt enneigée bien loin de son pays d’origine. Reconverti en bucheron, avec la barbe qui sied à sa nouvelle fonction, Kratos coupe un arbre en quatre coups de hache, et si on sent l’homme plus calme et maitre de lui, la furie avec laquelle le dernier coup s’abat nous fait rapidement comprendre que le chauve n’a pas réglé tous ses problèmes de tempérament.
D’un autre côté il faut le comprendre, sa femme est morte. En plus le voilà qui se retrouve à devoir s’occuper d’un fils qu’il ne connait que bien peu, Atreus. Et c’est là, dès cette introduction avec un Kratos cachant ses cicatrices à son fils, que l’on cerne déjà toute la psychologie de notre personnage. Kratos a honte de son passé (en même temps, son passé se résume à être un rageux bouffé par la vengeance et le désespoir), a soigneusement évité de parler de sa nature à son fils, et craint, au fond, de voir ce dernier devenir ce qu’il fut : une bête sanguinaire. Kratos communiquera d’ailleurs finalement assez peu, puisqu’il reste laconique avant tout (rien de mieux qu’une bonne blague antique). Ses émotions et pensées passeront bien souvent par le silence ou en peu de mots. Cory Barlog, réalisateur du jeu, a pris quelques conseils narratifs auprès d’un certain George Miller, et ça se sent à plein nez ! Bref, une bien belle réussite quant à la caractérisation de notre héros.
Le jeu s’engage ensuite dans un road trip mouvementé au sein du monde de la mythologie Nordique, avec comme objectif de disperser les cendres de môman depuis la plus haute cime des Neufs Royaumes ! Construit comme un monde semi-ouvert avec un niveau central depuis lequel tous les autres rayonnent, l’univers nordique de GoW laisse la place à bon nombre de zones secondaires, pour un nombre tout aussi important de quêtes annexes. Loin d’être Fedex ou même inintéressantes, celles-ci nous amènent bien souvent à l’assaut d’un donjon secondaire, dont la complétion ajoute beaucoup à la compréhension générale du monde.
Le voyage va également donner place, bien évidemment, à moult dialogues, et à une évolution constante de la relation entre Kratos et son fils. Martial, se donnant plus un rôle de mentor que de père, sans doute par mimétisme vis à vis de sa propre éducation spartiate, Kratos ne s’adresse en VO (la seule qui vaille à l’écoute de la voix hyper caricaturale de Kratos en FR) à la chair de sa chair que par le mot « boy ». Oui, oui. Pas « mon fils », pas « mon garçon », ni même simplement Atreus, Kratos met en place une très froide distance par ce « garçon » générique. Ajoutez à cela des daronnades bien senties en mode « Fais ce que je te dis et ferme ta putain de gueule ! » et on se demande bien qui va prendre soin de l’enfant au milieu de tout ce merdier. Puis, au fil de l’aventure, on comprend.
Les craintes d’un père, la peur aux tripes de voir son fils tomber dans la folie enragée qui fut autrefois la sienne. Que cette éducation hyper rigoureuse et stricte est une façon pour Kratos d’enseigner la discipline et la tempérance à son fils, qualités qui lui ont tant manqué par le passé. On n’excuse pas le Spartiate pour son manque de tact, mais on le comprend, n’en déplaise à Manuel Valls. Et puis, au fil de l’aventure, Kratos s’adoucit au contact de son fils. Qui lui aussi, change au contact de son père. Pour le meilleur comme pour le pire…
Finalement, si l’écriture n’est pas toujours au top, cette relation père-fils est l’un des gros points forts de God of War, entre les craintes et la honte d’un père ; l’affirmation et la découverte de soi d’un fils. Reste tout de même dans le tas quelques moments d’éducation à la « virilité digne », tous droits sortis des pubs pour le Ministère de l’homme. Hé, personne n’est parfait !
Un long plan séquence a des conséquences
En revanche en parlant de perfection, tenez vous bien parce que la réalisation du jeu est un peu dans l’esprit : tout God of War se déroule en un seul plan séquence, jamais interrompu, et qui nous permet de suivre l’action de façon hyper intimiste et organique. Bon bien sûr, on a un petit peu de triche à quelques rares moments comme lors des téléportations, mais suivre l’aventure du Grec reste un véritable plaisir cinématique, et une incroyable réussite technique.
Et pour ne rien gâcher, les craintes que l’on avait vis à vis de la caméra à l’épaule, à savoir que l’on ne puisse plus profiter de combat aux échelles gargantuesques, sont totalement infondées. Certes, les différences d’échelle entre un Kratos minuscule et un géant titanesque ne sont plus forcément soulignées comme elles pouvaient l’être auparavant (le combat contre Cronos de GoW III). Mais la réalisation s’adapte et nous place au plus près d’une action trépidante qui en jette à balle. Pour l’exemple, je citerais le premier combat de boss, épique à en faire jouir Wagner ou Tolkien, et venant clore avec maestria l’introduction du jeu.
D’ailleurs on en a même pas parlé, mais NOM DE DIEU que ce jeu est beau. Genre, le plus beau jeu jamais vu sur console de salon. Indiscutable. C’est beau putain, mais beau ! C’est tellement détaillé qu’on arrive à voir les flocons de neige dans la barbe du daron, que celle-ci vacille délicatement face au vent… Et puis les animations sont à tomber, et ça rame jamais. Impressionnant de voir un jeu d’une telle qualité rouler sur une PS4 classique, sans aucun soucis de framerate.
Même en mettant de côté la technique pure, la direction artistique se trouve être délicieuse en ce qui concerne les mondes visités et explorés. Si vous vous attendiez à de la neige à tous les étages, détrompez-vous. Beaucoup de régions du monde vous dépayseront dans les grandes largeurs, dans des paysages parfois carrément acidulés. En cela, la première rencontre avec une habitante des bois met une bonne petite claque…
De même pour le bestiaire, qui sorti des très originaux (ironie) draugar basiques, nous met des Trolls, des Ogres et autres Wulver à hacher menus tous très réussis dans leur design, sans même faire mention des boss ! Non, le seul défaut de la direction artistique, déjà présent dans les épisodes précédents de la saga, c’est le design de ses personnages secondaires.
L’Étranger, rencontré en début de jeu, ressemble à s’y méprendre au Techno Viking après 15 ans d’abus de substance, les nains Sindri et Brok sont un peu trop passe-partout (sans mauvais jeu de mot), et les deux Ases débilos que l’on croise après plusieurs heures de jeu ont un design du niveau de leur Q.I.. On se souvient forcément de Hermès ou de Poséidon, et on se dit qu’effectivement, GoW a toujours eu un peu de mal à créer des personnages avec une identité visuelle forte. Mais quand on voit le monde Nordique et le bestiaire assez bien rempli, on pardonne la faute sans problème.
Enfin, si vous avez bien cliqué comme il faut sur les petits onglets sous les intertitres, vous avez du vous rendre compte que la musique du jeu envoyait du bois par palettes. Avec une utilisation assez prononcée du leitmotif, particulièrement celui de Kratos (le fameux doum douum douuuuuuum), la musique se veut épique, dans un style très éloigné du lyrisme antique des précédents épisodes. Bear McCreary signe une excellente partition, à laquelle il manque peut-être sa musique culte, comme pouvait l’être l’immense Rage of Sparta issue du troisième épisode. Mais après tout, l’occasion est encore là…
Dites non à la draugr !
Bon c’est pas tout ça, mais si on parlait un peu de jeu et de gameplay, hein ? Il parait que c’est important !
Caméra à l’épaule pour ce nouveau GoW, comme on l’a déjà dit plusieurs fois. Ce point de vue qui permet une immersion et une découverte des décors comme si on y était, change en revanche pas mal les mécaniques de combat. On doit constamment bouger et avoir un œil sur les indicateurs de présences ennemis ou de projectiles, afin de ne jamais être surpris par de vicelardes attaques dans le dos. Autre changement inhérent à cette caméra au plus prêt, le nombre d’ennemis a bien entendu été réduit par rapport aux immenses vagues de streums qui débaroulaient auparavant. Ici, on fait rarement face à plus de 5 ennemis à la fois, ce qui n’empêche aucunement les combats d’être intéressants. Les barres de vie des monstres sont affichées, et il faut rapidement apprendre à prioriser les monstres à éliminer, et utiliser un poil de contrôle des foules à base de jambes pétées (Kratos best CRS) face aux plus récalcitrants.
Pour ça, l’aide d’Atreus vous sera précieuse. Bien loin du môme braillard que l’on pouvait redouter, le gamin est d’une redoutable efficacité avec un arc entre les mains, et il vous permettra régulièrement de vous sauver d’un mauvais pas, que ce soit en interrompant l’attaque d’un ennemi, en finissant un monstre affaibli, ou en chargeant rapidement la jauge d’étourdissement d’un malheureux draugr qui passait par là. Ce qui permettra à Kratos de le démembrer à mains nues, comme au bon vieux temps.
La jauge de stun permet en effet une fois remplie, via les flèches d’Atreus ou les poings de Kratos dans la gueule, d’exécuter proprement ses adversaires dans de grands moments gores à bases de cous brisés ou de mandibules arrachées. Pour la science et l’exemple, je vous link une petite boucherie sur Wulver, ça me fait plaisir. Évidemment, petit spoil pour ceux qui voudraient découvrir ça manette en main.
#TeamJacob ou #TeamEdward, Kratos a choisi.
Il ne vous aura d’ailleurs pas échappé, au fil des différents trailers, que Kratos a relégué ses traditionnelles Lames du Chaos pour une bonne grosse Hache du Léviathan. Une hache qui, une fois quelque points d’XP engrangés, vous permettra de littéralement fendre les ennemis en deux dans le sens de la longueur. Tout ça pour vous dire que si Kratos s’est grandement calmé (désormais le mec arrache les mâchoires, oui, mais calmement), sa bourrinitude latente ne s’est pas évaporée comme par magie. La rage du bonhomme est toujours là, juste sous la surface, prête à resurgir s’il n’y prend pas garde. Et ça aussi, ça sert le propos de la narration.
Enfin parlons un peu de l’aspect RPG de ce GoW. En plus des points d’XP, ajoutant une légère couche RPG au titre, il ne faut pas oublier la présence d’équipements et de caractéristiques. Car oui, dans ce God of War, il vous est désormais possible de pimper votre Kratos.
Plutôt partant pour un stuff défensif ou pour un équipement qui améliore les caractéristiques de force ? En vérité, rien ne vous empêchera de vous la jouer gros schlag et de rester purement dans l’esthétique, comme votre serviteur qui se doit d’avoir son Kratos avec un téton à l’air. En effet, même si la mise à niveau de l’équipement est indispensable, elle ne coûte pas bien cher et se fait assez simplement.
La recherche des équipements les plus rares via les quêtes secondaires sera bien sûr un objectif absolu pour les plus perfectionnistes, qui auront bien besoin de ça pour survivre face à quelques affrontements optionnels pas piqués des hannetons.
D’ailleurs, dans le genre rage aveugle à faire passer Kratos pour un Teleboubizes sous Xanax, essayez de me foutre face au boss optionnel final ! Cette saloperie sans aucune race qui claque des combos inesquivables ! BORDEL !
Recentrant son propos sur l’intimité d’une relation père-fils, nous rapprochant de notre héros par sa caméra et son plan séquence unique, God of War parvient à développer une narration qui frappe juste et tout aussi fort qu’un spartiate énervé. Mais ce serait oublier un gameplay si ce n’est audacieux, du moins parfaitement rodé, et fonctionnant à merveille. L’émerveillement constant face aux beautés d’un monde majestueux et enchanteur à explorer ; l’excitation qui grimpe à chaque affrontement épique qui s’engage ; l’empathie face au malaise d’un père effrayé et d’un gamin paumé… Tout ça vous pourrez le trouver dans God of War.
Peut-être pas le grand jeu que beaucoup ont vanté, mais sans aucun doute une belle œuvre à faire absolument pour tout possesseur de PS4 en manque d’aventures trépidantes et d’histoires passionnantes.
Et puis merde, Kratos ouvre littéralement des mecs en deux à la force des bicep’, que demande le peuple ?!