Southern Bastard : ici repose un homme
Un bon polar en comic ça vous dit ? Parce que j’ai exactement ce qu’il vous faut. Une série bien sombre et bien noire qui va vous laisser un goût bien amer dans la gorge. Alors grimpez dans mon pick up et direction un des pires coins des États Unis. Pour nous guider dans notre périple, deux petits gars du coin, tout d’abord Jason Aaron déjà responsable du scénario de la série Scalped (avec RM Guerra au dessin) un polar bien tendu sur fond de réserve indienne et actuellement scénariste star chez Marvel, et au dessin on trouve Jason Latour qui lui aussi a bossé entre autre chez Marvel sur des personnages tel que Spider Gwen et Wolverine.
Alors j’espère que vous aimez les barbecues, les côtes de porcs, le football américain et la country parce que je vous emmène en virée au Texas.
SWEET HOME ALABAMA
Retourner chez soi c’est pas simple, surtout quand on a passé sa vie à fuir l’endroit d’où on vient.
Le vieux Earl Tubb est de retour après 40 ans à essayer de fuir le sud, le voilà de retour dans le comté de Craw, terre des Runnin’Rebs l’équipe de football locale. Earl est là pour vider la maison de son vieil oncle Buhl qui est en maison de retraite et il compte bien foutre le camp à nouveau une fois son camion chargé… Mais il fait l’erreur de s’attarder au Boss BBQ, le diner du coin, pour manger un morceau. Et c’est là que les emmerdes débarquent sous la forme de Dusty Tutwiler, un vieux copain d’école qui doit du fric au « Coach Boss » le parrain local. Earl sauve la mise de Dusty en mettant hors d’état de nuire un des sbires du Coach. Mais contre toute attente Dusty conseille à Earl de foutre le camp rapidement car le Coach tient la ville sous son contrôle.
Mais Earl est têtu et c’est de famille. Son père, le Shérif Bert Tubb, véritable légende locale, était connu pour régler les problèmes avec un gourdin. Un dur à cuire qui faisait régner la justice à grands coups de batte. A sa mort, il fut enterré avec sa relique. 40 ans plus tard, un arbre a poussé sur la tombe du vieux. Earl a toujours vécu dans l’ombre de son paternel, il ne s’est jamais senti a sa place dans le comté de Craw, il a préféré s’engager pour partir au Vietnam faire la guerre. Mais il faut croire que les chiens ne font pas des chats.
Alors Earl décide de reprendre le gourdin de son père pour aller botter quelques culs et rétablir la justice dans le comté.
DON’T MESS WHIT TEXAS*
*fait pas chier le Texas.
J’ai pris la liberté de vous chroniquer seulement le premier tome de la série mais je suis persuadé qu’une fois arrivé à la dernière page vous vous jetterez frénétiquement sur la suite car derrière son pitch simple de film de série B Southern Bastard réserve son lot de surprises et de rebondissements. Chez le scénariste Jason Aaron, le monde ne se divise pas qu’en deux catégories : même le pire des salopards a une histoire qui a fait de lui ce qu’il est. Chacun des personnages que vous croiserez dans la BD a un background bien défini et personne n’est laissé au hasard (même le chien Rebel). Aaron a construit un univers beaucoup plus vaste qu’il n’en a l’air et ses personnages ne sont pas aussi creux et prévisibles qu’aux premiers abords.
Au dessin Jason Latour envoie du lourd, autant au niveau des gueules cassées du sud (Earl et sa dégaine à la Clint Eastwood fatigué) que de la tension permanente qui règne dans ses planches grâce à son trait anguleux et nerveux. On sent que les personnages n’ont qu’une envie, laisser exploser leur violence intérieure.
Il y a deux éléments qui reviennent beaucoup dans la BD, le premier c’est le rapport à la figure paternel, l’héritage de nos parents et ce que l’on en fait et qui finalement nous construit (ou pas). Le second élément c’est la vengeance, omniprésente chez tous les personnages de Southern Bastard sous des formes différentes (la rédemption pour Earl, la soif de gagner sur le terrain comme dans la vie pour le coach).
DEATH TO THE FLAG LONG LIVE THE SOUTH
Mais le personnage principal reste « le Sud » un état « pas comme les autres », l’enfant terrible des États-Unis d’Amérique. Le Sud est fier et il emmerde le reste du monde. Le Texas pratique une politique conservatrice : le mariage homosexuel y a été rejeté à plus de 76 % en 2005 ; il est aussi l’état qui exécute le plus de prisonniers par an. En avril 2012, le Texas était l’État le plus équipé, avec 304 000 armes à feu en circulation selon le département américain de la Justice. Un endroit où il fait bon vivre pour peu que vous soyez américain, blanc et patriote. Dans la BD tout ça est très bien retranscrit, on est comme Earl, complètement en décalage avec le monde qui l’entoure. Le seul lien qu’il entretient avec l’extérieur c’est avec un répondeur : il passe le tome à se questionner sur ses actions via cette messagerie. On y parle aussi beaucoup de football américain, car il représente toutes les valeurs de l’Amérique. Dans la BD rien n’est plus important que la rencontre du vendredi contre l’équipe extérieure où l’on DOIT gagner, quel qu’en soit le prix. Pour l’exemple : le Coach Boss a l’air plus préoccupé par la stratégie du match en cours que par son business illégal (ce lien est encore plus évident et beaucoup plus développé dans le second tome).
Anecdote amusante : à chaque début de tome vous trouverez une préface, je vous conseille fortement de lire dans le tome 3 « A propos du drapeau confédéré » de Jason Latour qui revient sur la polémique de la couverture de l’épisode 10 où le chien Rebel déchire le drapeau confédéré, symbole puissant du sud toujours sujet à controverse.
Y a des BD qui mettent des claques puis y a celles qui vous mettent une bonne raclée. Southern Bastard est de cette trempe-là. On est devant est un bon polar comme vous n’en verrez que peu dans le monde des comics. Clairement, Aaron et Latour connaissant leur sujet et jouent avec nos nerfs tout du long. Et on en redemande.
Southern Bastard chez Urban Comics 3 tomes.
Série en cours.