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Only Lovers Left Alive : Jim Jarmusch s’attaque aux vampires

Ah les films de vampires… On en a soupé des films de vampires… Et voilà t-y pas que Nemarth en remet une couche en invitant cette créature massacrée à grands coups de niaiserie sur notre beau site peuplé de trolls élégants… Désolé les amis, mais c’est parce que cette fois, c’est la bonne !

Si à mes yeux les films de vampires ressemblent pas mal aux films de zombies (une fois qu’on a vu les classiques on les a tous vu et le reste n’est que redite) le cas des vampires est encore plus extrême. Au moins les zombies on peut regarder une dizaine de films avant de s’ennuyer, les vampires, eux, c’est trois films et puis c’est tout : Entretien avec un vampire, Dracula (de Coppola mais il faut quand même voir aussi Christopher Lee) et Nosferatu. Tout le reste paraît, à côté de ces trois là, navrant et ennuyeux. Résultat, les vampires au cinéma, c’est pas bien brillant (ou dans un certain cas beaucoup trop) ! Mais c’était sans compter le génie de Jim Jarmusch qui en un film va redorer le blason de la créature en l’abordant enfin de manière originale. Only Lovers Left Alive est élégant, discret et presque intemporel en bref l’image parfaite du vampire…

L’immortalité dans un grain de sable

Certains connaissent sûrement déjà l’œuvre de Jim Jarmusch, pour les autres sachez que ce réalisateur, responsable des sublimes Dead Man, Broken Flowers, Ghost Dog ou encore l’étonnant Coffee and Cigarettes, se spécialise dans un cinéma contemplatif, lent et délicat souvent ponctué d’événements à mourir de rire. Le long métrage dont il est question aujourd’hui ne fait pas exception à la règle car Jarmusch ne s’intéresse pas aux atermoiements pseudo torturés de vampires amoureux tragiques. Ce qui lui plaît avec ce personnage fantastique c’est son immortalité. Je vous laisse imaginer le vertige que cette implication peut causer chez un maître absolu du timing. Le réalisateur s’est donc plongé pour notre plus grand plaisir dans les vestiges du temps pour nous donner une créature qui n’est plus un prédateur encore moins un adolescent trop pubère mais un historien, un témoin de temps immémoriaux. Un être extrêmement cultivé qui a pu rencontrer et influencer les plus brillants cerveaux de l’histoire humaine, ces grands artistes et savants qui ont façonné le monde et cet être incroyable il va l’amener… En boîte de nuit ! (Bon pas que, je vous fais un résumé de l’histoire (sans spoiler) un peu plus bas.)

Ce décalage, cher au réalisateur, crée non seulement de la surprise pour le spectateur mais permet d’accentuer encore mieux ce que peut être le défilement du temps chez un être qui ne peut pas mourir. Les maisons des personnages principaux semblent ainsi figées, leurs occupants ne bougeant quasiment plus non plus mais par cette lenteur chaque action, chaque phrase devient plus importante et on ira même par moments jusqu’à ressentir une incroyable urgence alors que les effets de type shaky cam sont aux abonnés absents.

Mais ce n’est pas tout, car en faisant de son vampire un être aussi cultivé, Jim Jarmusch peut s’adonner à un autre de ses plaisirs, la musique. Ici, c’est le rock psychédélique et progressif qui donne le rythme de l’histoire, chaque péripétie amène sa partition avec elle puis le thème lancinant d’une lenteur absolue reprend tranquillement ses droits.

Cette musique absolument centrale à l’intrigue semble dicter le ton et va plonger le spectateur dans un état proche de l’hypnose, nous faisant quasiment ressentir à nous aussi le vertige de la vie infinie. Jamais je n’avais ressentie une telle sensation devant un film de vampire ! Et soudain le réalisateur va nous réveiller (comme il réveille ses personnages) avec une situation en complet décalage avec ce qui se disait juste avant, c’est tout simplement sublime.

L’élégance dans une note

Bon c’est bien joli tout ça mais qu’est-ce que ça raconte ? Only Lovers Left Alive nous conte les turpitudes de la vie d’Adam (interprété absolument magistralement par Tom Hiddelston) vampire romantique désabusé par l’évolution pathétique de la culture humaine, grand musicien et tourmenteur d’un pauvre docteur qui doit lui donner des rations de sang frais, vivant à Détroit de nos jours. Sa compagne, Ève (Tilda Swinton qui crève l’écran comme à son habitude) vit quant à elle à Tanger au Maroc et passe ses nuits en compagnie d’un autre vampire (dont je tairais le nom, interprété par John Hurt) ou plongée dans ses bouquins, tous des éditions originales cela va sans dire. Oui ça fait Adam et Ève et franchement vu leur âge ça pourrait bien être les mêmes ! Les deux amants vont pourtant devoir se réunir car dans la journée leur sommeil est perturbé, la petite sœur d’Ève semble s’être réveillée et cela augure bien des problèmes. Cette petite sœur jouée par Mia Wasikowska (enfin elle n’a pas un rôle de nunuche, qu’est-ce que ça fait plaisir de la voir comme ça !) est également une vampire mais elle est jeune et elle n’a pas l’intention de grandir, au grand dam d’Adam qu’elle horripile de sa jeunesse et de sa décadence. Elle en devient une sorte de symbole immortel de la jeunesse rebelle qui balancera un gros doigt d’honneur au monde des gens raisonnables pour l’éternité. Autant vous dire qu’elle vous fera l’effet soit d’une bombe soit d’une grande bouffée d’air frais !

Ce quatuor vampirique est rejoins par quelques « zombies », Ian (interprété par le regretté Anton Yelchin) un rockeur particulièrement débrouillard qui a réussi, par miracle, à se lier d’amitié avec Adam et le fameux docteur Watson incarné par Jeffrey Wright (Bernard dans Westworld) ou encore Bilal (Slimane Dazi) qui aide Ève et le personnage de John Hurt à Tanger. De zombies ils n’ont que le nom, je vous rassure, c’est juste que ces vampires sont extrêmement snobs et nous ont destitué de notre qualification d’humain en raison de nos choix pitoyables, de célébrités entre autres…

L’ivresse dans une goutte de sang

La lenteur du métrage permet de créer des relations entre les personnages bien plus fortes que dans un film plus standard, puisque les dialogues en deviennent presque des phases d’action et ainsi chaque interaction est intéressante mais c’est le couple principal qui marque vraiment l’esprit. Rarement une histoire d’amour n’a été si bien retranscrite à l’écran, ce besoin de voir l’autre pour se compléter, ici magnifié par une intemporalité sans concession que la distance ne peut pas même écorner (rappelez vous, l’un vit aux États-Unis, l’autre, au Maroc). Leur réunion est fusionnelle mais toute en retenu et délicatesse, ce sont surtout les regards, les murmures et quelques caresses qui vous permettront de comprendre l’intensité de leur relation. Ève couve réellement Adam des yeux et celui-ci semble reprendre vie à sa présence.

Bien sûr tout ceci ne serait pas possible sans cette performance incroyable de la part des deux acteurs principaux qui se partagent la vedette sans jamais éclipser l’autre. Ce qui est particulièrement intéressant c’est que la force de ce couple ne vient pas, comme souvent au cinéma de la jeunesse de celui-ci, d’une passion qui consume les personnages mais plutôt de la durée de celui-ci. Ils s’aiment comme au premier jour sauf que ce premier jour c’était il y a plus de 5000 ans et ce qui est dingue c’est qu’on y croit, on est complètement transporté par ce duo, il coule tellement de sens qu’on en oublie que ce sont des vampires et que tout ceci n’est absolument pas normal.

Cette absence de normalité me donne la transition parfaite pour vous parler de sang. Bien sûr qui dit vampire dit hémoglobine, c’est inévitable. Mais une fois encore Jarmusch nous prend de court, en effet nos vampires (comme assez souvent dans les productions modernes) ne chassent pas et se fournissent par des moyens détournés. Cependant la justification de ceci n’est pas une éthique ou une morale à la noix à base de « je veux pas te faire souffrir, bébé », c’est tout simplement parce que c’est passé de mode. Notre société moderne complique les choses quand les cadavres s’accumulent et pour tout avouer notre sang n’a plus bon goût. Le métrage prend ici un virage surprenant en dénonçant de manière très divertissante, la drogue, l’alcool, la malbouffe, les OGM, les médocs, tous ces trucs que l’on consomme maintenant quasiment quotidiennement et qui nous ruinent la santé.

Tout cela empoisonne également les vampires qui doivent faire des pieds et des mains pour trouver du sang consommable. D’autant que nos monstres sont des esthètes et qu’ils exigent le meilleur. Il est d’ailleurs amusant de constater le parti pris du film en ce qui concerne la recherche du sang et sa consommation. Les personnages sont clairement dépendant du sang, du coup, Jarmusch filme le moment du repas comme Danny Boyle filmait les prises d’héroïne dans Trainspotting sauf qu’ils boivent dans des petits verres à pied en cristal et se complimentent sur la qualité de la nourriture. Un décalage qui permet de nuancer le propos tout en accentuant la caractérisation des héros, on rit tout en en apprenant davantage, du génie ! D’ailleurs cette finesse me permet cette petite aparté : Je n’y connais presque rien en peinture mais je suis absolument convaincu que de nombreux plans du film sont des transpositions à l’écran de tableaux célèbres que nos vampires, théâtraux comme ils sont, ne peuvent s’empêcher de reproduire dans la vraie vie. A nouveau c’est l’élégance qui prime pour notre plus grand plaisir.

Fascinant, hypnotique, intelligent, Only Lovers Left Alive n’en finira pas de vous intriguer. Enfin un film de vampire qui n’est pas ridicule, qui est engagé que ce soit sur des questions environnementales, de santé ou encore de société, sans pour autant trahir la nature du monstre qui inspire le métrage. Le parti pris de Jim Jarmusch de nous opposer des vampires face à notre mode de vie est osé mais au final particulièrement pertinent. Ils sont immortels, ils traversent les âges et observent, de plus en plus critiques, notre évolution. Si ce tour de force impressionne c’est également pour la prestation de ses acteurs, en tête Tom Hiddleston et Tilda Swinton évidemment, mais pas seulement car chaque rôle est joué à la perfection par des comédiens en état de grâce. Enfin c’est aussi une musique lancinante, calme, immortelle qui nous transporte au bout du temps. Ces ingrédients ainsi mélangés nous permettent d’affirmer que le genre « film de vampire » vient de grandir , et accueille désormais en son panthéon Jim Jarmusch et son sublime Only Lovers Left Alive.

Nemarth

Cet individu est un gobelin fait homme. Hautement imprévisible, il représente un danger pour la Société. A éliminer à vue.

3 réflexions sur “Only Lovers Left Alive : Jim Jarmusch s’attaque aux vampires

  • Dinou Amandine Negre

    Je vous suis déjà ~ (grâce à Flavius !)
    Et c’est vrai qu’on y est bien. Je vais y planter une tente, je peux ?

  • Lazylumps

    Eheheheh tu es prise au piège par les trolls !
    En tout cas bienvenue sur le site ! Tu verras, on y est bien.

    PS : n’hésites pas à nous suivre sur Facebook si ce n’est pas déjà fait !

  • Dinou Amandine Negre

    Je ne peux que valider tout ce qui a été dit ! (surtout pour le top 3 des films de vampires !) Je suis allée voir le film à sa sortie, mais il m’a beaucoup marqué (surtout Tom Hiddleston qui n’est pas toujours très habillé il faut se l’avouer) et tout m’est revenu avec cet article ! Je suis d’accord avec 100% du contenu !

    Et en plus, on me met un lien pour l’article sur Alien, jamais je ne quitterai le site.

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