Article sur un jeu de société important
L’année : 1542. Le lieu : un petit comté franc. La période : la XVIIème croisade. Alors que la guerre faisait rage entre les guerriers aigles et les lanceurs de hache, les peuples semblaient être dans une impasse. Une guerre qui durait depuis plus de 500 ans sans issue possible, des villageois étaient partis sur des bateaux remplis d’archers et de trébuchets afin de construire un nouveau château pour le Comte Nagash d’Artois, dit Comte des animaux sauvages, sur une plage proche des bases aztèques… C’était l’âge des empires, un âge sombre qui, malgré tout, vit la naissance d’un jeu extraordinaire ! Ce jeu stoppa la guerre, d’une simplicité incroyable mais difficile à maîtriser, il était plus que temps que le Cri du troll s’attaque à ce géant du jeu de société. Ce jeu : La Bataille !
Hé oui, la bataille, ce jeu de cartes auquel on a tous joué, a eu une origine extraordinaire et ça peu de gens le savent. Oui, un simple deck de carte mit fin à la guerre franco-aztèque. Par quels moyens ? Comment ce jeu peut-il accomplir de tels prodiges ? Nous avons plongé dans les arcanes de la bataille et normalement à la fin de la lecture de cet article lorsque votre petit cousin vous mettra au défi, vous pourrez clamer haut et fort : « Attention, Maxime*, je suis super fort à la bataille ! »
*si votre cousin ne s’appelle pas Maxime (ou Marc à la limite) improvisez.
Confessions d’un jeu culte
Commençons, si vous le voulez bien, par le commencement avec une analyse du matériel nécessaire pour jouer à la bataille. Si vous débutez, vous pouvez commencer par un paquet de 32 cartes mais tous les spécialistes s’accorderont pour dire que le paquet de 54 cartes apporte une complexité plus que bienvenue et si vous espérez un jour briller en société, il faudra vous y mettre. On n’a jamais vu un batailleur (le nom dédié des joueurs) arriver à un tournoi avec son deck (paquet de carte) de 32 cartes !
Certains d’entre vous vont peut-être se demander : « mais quelle est la différence ? » Vingt cartes. Vingt opportunités de perdre ou de gagner qu’il faudra apprendre à maîtriser car avec l’ajout du 2 jusqu’au 6 le champ des possibles vient d’exploser (ne vous inquiétez pas je vous explique les règles juste après).
Puis vient le débat qui dure depuis toujours. Les deux dernières cartes, les fameux jokers. On les met ? On les met pas ? Jouer à 52 ou 54 cartes dépend surtout de votre propre conviction, d’autant que selon les régions les jokers n’ont pas les mêmes effets. En Charente par exemple, les jokers sont systématiquement la carte la plus forte alors qu’en Alsace on peut choisir entre la carte la plus faible ou la plus forte. Pour éviter des duels à mort, la FFBa (fédération française de la bataille) a décrété dès 1714 que les jokers ne seraient pas inclus dans les paquets de tournoi. La règle n’a été abolie qu’une seule fois dans l’Histoire, Napoléon III les ayant inclus lors du Festival de la bataille et du boudin de Chalucet en 1863 avec la règle suivante : « si un joker apparaît pendant une bataille, il faut prendre un as à son adversaire, s’il ne peut pas en donner, la partie est terminée et celui qui a le plus d’as remporte la victoire. » Cette règle particulière était en fait une combine de l’empereur afin de permettre au champion français Jean Jules Laparrinche qui était spécialisé dans le « vol d’as » de remporter le tournoi aisément.
Et voilà, pour le matériel, 32 ou 54 cartes et c’est tout, pas de figurines, pas de dés, pas de pions ni de plateau. Chaque paquet vendu assure son rangement avec une simplicité d’une efficacité redoutable et, fait rare pour un jeu de société, le matériel peut être utilisé pour d’autres jeux ! (Certains prétendent même qu’on peut faire des tours de magie avec un paquet de bataille, mais je déconseille de prêter attention à des rumeurs aussi ridicules.)
De batailler mon cœur s’est arrêté
Bon je sais, je vous parle de joker, de 2 et de 6, de vol d’as et je ne vous explique rien… Il est temps donc de vous apprendre à jouer à la bataille. En apparence le jeu est simpliste mais il possède une profondeur cachée. Le deck est séparé en deux tas égaux (quand on joue à deux, le mode officiel de la bataille, voyez plus bas pour jouer à plus). Il est impératif de mélanger votre tas de cartes. Puis tenez-le dans la main de manière à voir le dos des cartes. En toisant votre adversaire du regard, retournez puis abattez la première carte du tas face visible sur la table. Si votre vis-à-vis sait à peu près jouer, il devrait faire de même simultanément. Là, il est nécessaire de baisser les yeux afin de voir pour la première fois le résultat de votre assaut initial. Il faut poser la carte la plus forte pour remporter la carte de votre adversaire, le but étant de récupérer l’intégralité du tas du gars en face. La hiérarchie des cartes est la suivante : le 2 est la carte la plus faible puis vous remontez les chiffres dans l’ordre mathématique croissant pour finir par le valet, la dame, le roi puis l’as qui est la carte la plus forte du jeu. (Oui, je ne vous ménage pas, je vous explique directement la version à 52 cartes du jeu.)
La meilleure stratégie consiste donc à poser un as le plus souvent possible. Cependant, de notre expérience, il existe tout de même un moment du jeu où il ne faut pas poser un as car on risque de le perdre . En effet il arrive que votre opposant et vous-même posiez la même carte ! Cette égalité doit être annoncée en criant « Bataille ! » Ici il faut poser la première carte de votre tas face cachée (astuce : ne mettez pas un as) puis simultanément comme toujours abattez la nouvelle première carte de votre deck face visible (astuce : c’est maintenant qu’il faut mettre un as ). La carte la plus forte remporte toutes les cartes, y compris les cartes face cachée que vous avez maintenant le droit de regarder. C’est d’ailleurs le moment où vous pouvez découvrir si vous avez réussi la technique avancée dites du vol d’as (rappelez-vous de Jean Jules Laparrinche) : si votre adversaire n’a pas suivi nos conseils et a stupidement mis un as face caché au cours de la bataille, cet as perd ici toute sa puissance et vous voilà par conséquent en possession d’un des quatre as du jeu ! Félicitations !
Il se peut également que la seconde carte posée face visible soit à nouveau identique à celle de votre rival, à ce moment là il faut crier : « DOUBLE BATAILLE ! » (notez les majuscules car il faut crier plus fort que la première fois) voire « T R I P L E B A T A I L L E ! » (vous ne pourrez pas hurler plus fort en cas de quadruple bataille, vos voisins ou vos parents, si vous jouez en famille, vous en empêcheront.)
Ces enchaînements de bataille sont dangereux pour votre deck car vous risquez à chaque nouvel affrontement de glisser des bonnes cartes face cachée ce qui est à éviter. Nous vous recommandons donc de poser un as dès le début afin d’éviter ces désagréments inutiles. *
*Attention : arriver à un tournoi sponsorisé par la FFBa avec un deck uniquement composé d’as est considéré comme de la triche et entraînera votre élimination immédiate … surtout si vous contestez en traitant l’arbitre de « &§%# » et de « ¤{µ~~ !! » alors que c’est clairement pas de votre faute.
Cinquante nuances de bataille
Il faut reconnaître qu’apprendre à maîtriser ces règles risque de prendre du temps (je vous invite d’ailleurs à relire le paragraphe du dessus plusieurs fois pour en intégrer toutes les subtilités) mais les joueurs avancés n’ont pas hésité à faire des variantes du jeu de base. Bien sûr vous pouvez commencer par ajouter les jokers et appliquer ou non votre règle régionale. Vous pouvez également jouer à plus de deux ! Il faut dans ce cas là séparer le paquet en autant de tas égaux qu’il y a de joueurs. Ne jouez cependant pas à plus de cinq, ça devient trop rapidement le bazar à six et vous pourrez poser moins d’as en début de partie. Puis vous pouvez ajouter les jokers ET jouer à plus de deux ! Il faut faire attention à ce moment là de ne jouer qu’avec des gens de votre région pour éviter les conflits de règles.
Il existe également des variantes bien plus brutales de la bataille : La bataille massacreuse (dérivée du pouilleux massacreur) où en fonction de la couleur de la carte gagnante vous infligerez différents sévices à votre adversaire, lui ruinant la main en plus de l’humilier par votre manière implacable d’abattre les as les uns après les autres. (Encore une fois, si vous ne suivez pas nos conseils, ne venez pas vous plaindre que vous perdez alors que vous ne posez pas d’as.) Enfin l’ultime variante dont nous parlerons aujourd’hui, la plus brutale pour les règles de ce jeu sacré, la bataille corse. Certainement la variante la plus intéressante, elle vous garantira des heures et des heures d’amusements surtout à plus de deux : les figures ont des effets, il faut taper sur le tas à des moments clés. Plus on joue vite plus c’est drôle, l’as n’est plus la carte la plus forte du tas (c’est le valet) mais comme j’ai la flemme de tout détailler je vous propose d’aller lire les règles de cette variante sur Wikipédia.
La bataille, ce jeu hallucinant, tout le monde y a joué, et malgré tout il est toujours délaissé au profit de la belote ou du poker. Pourtant un jeu qui ravit les petits (et pour des raisons qui m’échappent un peu moins les grands), d’une durée de jeu qui oscille entre 5 minutes et 5 heures 20 en fonction de votre capacité à placer des as et qui a permis de rétablir la paix dans le monde (on peut y jouer avec des gens qui ne parlent pas votre langue, le coup de « ma carte est plus forte car le chiffre est plus grand » est très facilement traduisible) ne devrait pas subir un tel désintérêt. Alors oui, c’est un peu aléatoire et un petit peu répétitif mais Fifa aussi et personne ne se plaint. Jouez y avec Maxime, écrasez-le avec vos as et je peux vous assurer que vous aurez rempli votre dimanche après midi.
Merci de ces précieuses informations, que je ne manquerai pas de transmettre à tous mes amis batailleurs.
Le fait de crier « Bataille » et ses suites tient plus d’une convention entre joueurs que d’une véritable règle. Ainsi ne pas crier « Bataille » du tout ou un joueur après l’autre est considéré comme un manque de respect pour son adversaire, ça ne donne pas d’avantages mais ça donne clairement le ton de la rencontre. Après une victoire assurée par une pose précise et stratégique des as il ne faudra pas s’étonner si votre concurrent s’en prend physiquement à vous. Le jeu est ancien et ne pas suivre les traditions est plutôt de mauvaise augure (un peu comme aux échecs où ce sont toujours les blancs qui commencent). La montée du volume sonore au moment de la « DOUBLE BATAILLE » reste parfaitement inexpliquée à ce jour, mais les batailleurs se sont tout simplement aperçus qu’ils ne pouvaient pas s’empêcher de le faire.
Après quelques recherches sur le site officiel de la FFBa, j’ai découvert dans la section règles et arbitrage que le chipsage de l’adversaire est interdit en tournoi depuis 2010. En effet incorporer un second jeu pendant une bataille de tournoi nuit gravement à la concentration des joueurs et pourrait même être considéré comme de la triche. (Il en est de même avec le jeu où on fait un rond avec les doigts en dessous et qu’il ne faut pas regarder, interdit en 1999.)
Quels sont les effets si un des deux joueurs ne crie pas « bataille » ou « DOUBLE BATAILLE », OU « T R I I P L E B A T A I I L L E » ? La bataille est-elle remportée d’office pour le seul qui a crié ?
Et si les deux joueurs crient simultanément « bataille » ou « DOUBLE BATAILLE », OU « T R I I P L E B A T A I I L L E » et que l’un d’eux chips l’autre, peut-il assurer sa victoire lors de la prochaine « bataille » ou « DOUBLE BATAILLE », OU « T R I I P L E B A T A I I L L E » ?
Bisous