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Yakuza 6 : le sommeil du dragon

ATTENTION : Yakuza 6 n’étant pas, tout comme ses aïeuls, localisé en français, ce jeu ne conviendra qu’aux japanophones et anglophones confirmés.

Ça fait maintenant 13 ans que Kiryu Kazuma a commencé ses aventures sur les consoles de Sony. La licence-phare de Sega en est aujourd’hui à son septième épisode si on compte la préquelle, constellée de quelques hors-séries (avec des zombis ou à l’époque des samouraïs). Et voilà qu’après avoir eu une vie plus que mouvementée, après avoir perdu nombre de ses amis ou de membres de sa famille, Kiryu se voit enfin obtenir un repos bien mérité. Et pour un aficionado de la série, ça fait un gros pincement au cœur.

Le poing du Dragon

Commençons par le commencement : Yakuza, kézako ? C’est un jeu vidéo d’action-aventure en open-world situé (surtout) dans Kamurocho, une sorte de copié-collé de Kabukicho, quartier animé et assez connu de Tokyo. L’originalité du soft provient du tas d’activités et de quêtes secondaires proposées en plus de l’histoire : karaoké, drague dans des cabarets, fléchette, bowling, base-ball, etc., vous permettront selon les épisodes de souffler entre deux révélations du scénario. L’autre aspect typique du jeu est le combat, extrêmement présent et toujours réussi.

Dans Yakuza 6, Kamurocho ne sera pas votre seul terrain de jeu. Votre aventure vous mènera de temps à autre dans Onomichi, petite ville du littoral non loin d’Hiroshima. Dire que les occupations y sont beaucoup plus rares est un euphémisme, mais la bourgade a un charme indéniable qui donne envie d’y flâner un peu. Ça tombe bien, maintenant Kiryu peut prendre des photos et même des selfies, alors bombardez !

C’est autre chose que Tokyo, ça c’est sûr

De nouvelles façons de tuer le temps sont apparues, comme le fait de devoir trouver des chats pour un bar à chats. Et oui. Amusant vite fait mais pas transcendant, surtout quand c’est au prix de la disparition du bowling, du billard ou de la danse en boîte de nuit (le truc génial de Yakuza 0). La pêche sous-marine par contre est sympa ! Coté sexy, l’arrivée du live-chat fait une entrée fracassante : vous donnant la possibilité de chatter avec de vraies actrices plutôt aguicheuses, celles-ci se désaperont si vous faites les bons enchaînements de boutons et accumulez les succès. Une bien belle surprise vous attendra si vous vous acharnez un brin. Ce qui a été mon cas, mais c’était vraiment juste pour l’article, pensez vous !

Un mini-jeu qui a des arguments intéressants

Il est maintenant temps de revenir sur le combat, qui est un peu l’un des sujets qui fâchent : finis les différents styles de combat et les foultitudes de « Heat Actions » (des coups spéciaux qui se déclenchent en appuyant sur triangle quand votre barre de « Heat » est assez haute). Pour plus de simplicité et de fluidité, tout a été revu à la baisse : Kiryu n’a plus qu’une seule manière de péter des bouches, certes polyvalente mais du coup moins riche qu’avant. Si quelques Heat Actions sont toujours disponibles, elles ont surtout été remplacées par un « mode vénèr » (c’est pas son vrai nom mais vous m’avez compris) qui rend vos coups plus puissants et permet des attaques spéciales spécifiques. Plus fluide donc, ça c’est clair, mais moins varié. Je comprends le choix mais ne valide qu’à moitié. En même temps, les développeurs se branlent de mon avis, donc… Par contre, « pouce bleu » pour l’engagement des combats qui fait passer du mode aventure en mode baston sans aucun temps mort, ça coule tout seul.

On n’arrête pas le progrès

Tout comme ses grands frères, Yakuza 6 bénéficie de quelques aspects RPG. En première ligne, la progression de votre personnage grâce à des points d’expérience que vous gagnerez de plusieurs manières : en vous battant bien sûr, mais aussi en résolvant des quêtes, en mangeant dans les différents restaurants ou en allant soulever de la fonte à la salle. Selon ce que vous aurez choisi, vous gagnerez plutôt des points de force, endurance, savoir, charme et rapidité qui vous aideront à monter telle ou telle compétence. Là-dessus c’est assez complet et vraiment bien foutu, le meilleur système de progression que j’ai connu dans un épisode de Yakuza.

À coté de ça, on notera la présence pas très poussée du sempiternel équipement, et une plus grande place accordée à la bouffe. Si celle-ci vous permet toujours de remplir votre barre de vie et de gagner de l’xp en goûtant toute la carte dans les restos, les développeurs ont ajouté une jauge d’estomac qui se vide régulièrement à mesure que vous courez, vous battez, etc. Manger en état de satiété vous rapporte de l’xp, mais une fois que vous êtes plein, fini les gains de points faciles ! Une bonne petite idée qui apporte un petit + à l’immersion dans la vie de Kiryu.

Streets of Rage

Avant de parler de l’intrigue principale, je vais aborder un gros morceau annexe : les combats de rue. Non, pas ceux contre des filous rencontrés au hasard au détour d’une ruelle et sur lesquels vous ferez pleuvoir des coups ravageurs, les autres. À un moment donné, Kiryu rencontrera une bande de loubards cherchant à contrebalancer une organisation rivale devenue trop importante. Ceci débloquera un nouveau mode de jeu à la fois stratégique et assez bourrin vous mettant à la tête de votre propre gang. Recrutez des lieutenants, organisez votre équipe de choc et envoyez les à la tête d’une bande de street-thugs rosser vos concurrents.

Une pensée à ceux qui tombent au nom de la rue (merci Kenza Farah)

Mode marrant quoique simple (simpliste ?), il vous permettra de développer une autre histoire à part entière, comme l’avaient fait l’agence immobilière et les cabarets-clubs de Yakuza 0.

Autre idée amusante : l’apparition de « Troublr », une sorte de Tumblr qui préviendra Kiryu lorsque quelque chose nécessitant son intervention se passe non loin de lui. Sortes de mini-quêtes rapides nécessitant soit un peu de recherche soit quelques paires de baffes, ces « trouble missions » sont elles aussi un bon moyen de gagner de l’xp sans forcer. Et mine de rien, vous allez en avoir besoin ! Donc dès que vous entendez le petit bruit de votre smartphone, COUREZ !

Le père de ses pairs

Parlons maintenant du gros morceau (non pas celui-là, roooh) : le scénario. Les joueurs de Yakuza ont l’habitude mais je préfère prévenir, attendez vous à des personnages en cascade et des révélations à n’en plus finir, quitte à ce que ce soit parfois – mais rarement – assez grossier. Chose typique de la licence et assez inhabituel dans le paysage vidéoludique actuel, il n’est pas rare en une demi-heure de jeu d’avoir plus de cinématique que de gameplay ! Yakuza 6, comme ses aïeuls, prend son temps et c’est d’ailleurs très bien comme ça au vu des thématiques abordées.

Ne nous le cachons pas : Yakuza a toujours été un univers très masculin. Aussi, bien que le thème ait été parfois abordé via la relation entre Kiryu et Haruka, tout tourne dans le jeu autour de l’image du père. Qu’il soit biologique, adoptif, spirituel, raté, il est omniprésent. L’arrivée d’Haruto, le petit bébé d’Haruka dont elle ne peut pas s’occuper pour la simple et bonne raison qu’elle est dans le coma, va rebattre les cartes dans l’univers de notre héros. C’est d’ailleurs assez poilant, mais aussi émouvant, de voir ce gros dur à la gueule toujours vénèr qu’est Kiryu s’occuper comme il peut de ce petit bout de chou. Mention spéciale au passage où il faut aller lui chercher du lait la nuit, tout en essayant de le calmer lors de ses crises de pleurs grâce à un mini-jeu.

Parole de papa : ce n’est clairement pas aussi simple IRL

Nombre de personnages que Kiryu croisera renverront ainsi une image différente de la relation père-fils. Quant à ceux qui assument la fonction paternelle, quels sacrifices ont-ils dû faire pour la mener (selon eux et donc pas toujours) à bien ? Le jeu n’est jamais manichéen et toujours juste dans son analyse de ces rapports : il n’apporte pas de solution miracle mais permet à chaque protagoniste de s’exprimer, de s’expliquer, de s’émouvoir (et pour le coup de NOUS émouvoir) sur sa situation.

Truc tout con qui en rajoute une couche personnelle, donc ça ne vous concernera pas forcément : en tant que nouveau papa, j’ai été vraiment touché au plus profond de mon être et de mes questionnements sur le rôle du père pour son enfant, une place mine de rien pas évidente et que bien peu d’œuvres abordent, en tout cas de manière aussi sincère. Cerise sur le gâteau, le bébé Haruto est trop mignon et super expressif ce qui le rend immédiatement attachant. Un grand bravo donc à Sega sur leur superbe approche de cette problématique, qui parvient à avoir un réel impact sur la vie/l’avis même de ses joueurs.

Plus largement, tous les personnages ont droit à leur personnalité propre, au petit truc qui fait qu’à un moment PAF ! même un personnage un peu superficiel va se dévoiler super touchant. L’exemple criant est celui du yakuza de bas-étage que l’on voit faire une maquette au début du jeu. Détail, me direz-vous ? Mais le jeu ne l’a pas oublié, et nous ressert cet élément d’apparence insignifiante à un instant extrêmement tragique des heures et des heures plus tard. ÇA les gars, ça c’est de la putain d’écriture ! Servie pour couronner le tout par un casting du feu de dieu, Takeshi Kitano en tête !

Il est impossible maintenant de ne pas évoquer la révélation des développeurs qui a causé la tristesse de beaucoup de joueurs, moi y compris : cet épisode de Yakuza sera bien celui qui clôt l’histoire de Kiryu Kazuma. Sega nous a-t-il (ou elle ? Je ne sais pas de quel sexe est Sega) prévu un final digne de ce nom ?

Je ne peux qu’être affirmatif. Mes chers, Kiryu Kazuma sort par la grande, la très grande porte.

J’avais déjà évoqué le fait que Yakuza 0 m’avait laissé un grand vide lorsque je l’avais fini, déprimé que j’étais de ne plus retrouver ses personnages. Yakuza 6 a fait bien plus que ça : j’avoue, j’ai lâché quelques franches larmichettes après la dernière scène de la cinématique de fin. Les éléments que j’ai évoqués plus haut, traités avec une intelligence et une sensibilité rares, couplés au départ de Kazuma Kiryu, c’était trop pour mon petit cœur. Ce perso, quand on est un fan de la licence, C’EST Yakuza. Le fait de savoir que c’est son dernier tour de piste, ça te fout un putain de cafard une fois le générique terminé, je te raconte pas. Enfin si, je te raconte là. Grand merci une fois de plus à Sega, pour l’épilogue que vous avez réservé à ce personnage extraordinaire qu’est Kiryu Kazuma.

Ce n’est jamais un problème sur la série, mais il faut tout de même le souligner : le boulot sur la musique a été monstrueux. Toujours épique, nerveuse ou émouvante selon la situation, ça c’est une habitude, l’OST de cet épisode est régulièrement teintée de notes nostalgiques voire mélancoliques, histoire de remuer la tronçonneuse dans la plaie dont coulaient déjà bien assez de sang et de larmes. Certaines de ces musiques se hissent sans mal parmi les plus chouettes de la licence, comme par exemple celle qui je vous propose ci-dessous.

https://www.youtube.com/watch?v=v0XwBxCZK0I

Rah cette mélodie à la guitare, elle m’aura à chaque fois !

Si je me devais d’être objectif, je dirais que Yakuza 6 n’est clairement pas le meilleur épisode de la série. Des combats simplifiés et la perte de pas mal d’activités annexes l’empêchent d’arriver à la cheville de Yakuza 0, par exemple. Et je ne parle même pas de la trop grande absence de Goro Majima ! Cependant, ce qu’il perd là est largement compensé par l’émotion qu’il véhicule. Que ce soit par la thématique du père, que je n’ai jamais vue aussi bien traitée dans un jeu vidéo, ou par un final magistral marquant la fin du personnage de Kiryu Kazuma (pas de spoil c’était annoncé, et puis je vous ai pas dit comment il terminait), Yakuza 6 : The Song of Life constitue l’une des expériences vidéoludiques… que dis-je, l’une des expériences culturelles et émotionnelles les plus marquantes qu’il m’ait jamais été donnée de vivre. Chapeau bas.

Petrocore

Tout comme Narfi, Petrocore est issu de la sous-espèce des Trolls du Périgord (d'où son nom). Il se nourrit de tout ce qui passe à sa portée du moment que ça a été cuit dans de la graisse d'oie, voire de canard. Parce qu'il aime le gras, Petrocore est surtout versé dans la musique métal brutale et toutes sortes de produits faisant preuve d'un bourrinisme sans failles ou d'un humour pas fin.

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