Tash-Kalar : l’arène des légendes
Au détour d’un rayon d’une petite boutique, dissimulé parmi d’autres jeux de sociétés, d’une couleur beige-marron rappelant les sables brûlants d’un antique Colisée vivait Tash-Kalar, une arène millénaire où des combats épiques règlent la vie politique d’un monde dirigé par de puissants mages-tacticiens. Sur le couvercle un puissant golem est en train de charger un centaure à terre et terrifié sous les yeux ravis d’une foule sans pitié et d’un sorcier incantant son prochain sort. Sur les côtés, on observe des magiciennes, des barbares, des minotaures et des naïades, tous prêts à se jeter dans la mêlée afin de prouver une bonne fois pour toutes la puissance de leur nation. De loin une boîte marron clair parmi d’autres, de près un univers mythologique complet où intelligence et violence vont de paire pour arracher une victoire désespérée dans l’arène. Comme quoi, des fois, ça a du bon de se fier à une couverture et à son instinct, bienvenue dans l’arène des légendes, bienvenue dans Tash-Kalar.
Avé César ceux qui vont réfléchir te saluent
Tash-Kalar fait parti de ces jeux où les règles sont très longues à lire (à cause de plein de spécificités) et finalement hyper simples à mettre en place, aussi pour des raisons de confort de lecture je vais donc vous épargner une explication exhaustive des dites-règles. Ce que vous devez savoir c’est que Tash-Kalar est un jeu qui aime le mélange, jeu de plateau stratégique comme les échecs ou le jeu de go et jeu de cartes à collectionner comme Magic : l’Assemblée ou Yu-Gi-Oh! Il combine tout ceci avec brio mélant ainsi avec aisance hasard de la pioche et tactiques de placement de pions plusieurs coups en avance.
Comment ? Et bien à chaque tour, chaque joueur possède deux actions principales et la possibilité de jouer entre ces deux actions une carte ruse (avant ou après chaque action mais jamais en même temps, c’est important). Ces actions sont les suivantes : poser une pièce sur une case vide de l’arène ou utiliser les pièces précédemment posées pour invoquer une créature. Donc soit on pose deux pièces soit on invoque deux créatures soit un de chaque et voilà !!
Les cartes ruses servent quant à elles à rattraper une situation mal engagée, en effet, vous ne pouvez jouer ces cartes que lorsque votre adversaire possède plus de pièces sur le plateau que vous, vous comprenez maintenant pourquoi vous ne pouvez pas les utiliser pendant vos actions, puisque celles-ci interfèrent sur le nombre total de pièces dans l’arène.
Les créatures ont, bien sûr, chacune un effet spécifique : se déplacer ou déplacer, sauter, détruire, donner des actions supplémentaires etc… Cet effet ne dure qu’au moment de l’invocation, ensuite votre créature devient une pièce parmi d’autres. Puis à la fin de votre tour, vous piochez des cartes afin d’avoir 3 cartes de créatures, 2 cartes de créatures légendaires et 1 carte ruse.
Explication d’une carte de créature : en haut à gauche, vous avez la valeur de la créature (commune ou héroïque) puis son nom. Les pièces dans le quadrillage représente la formation que vous devez avoir pour pouvoir invoquer la créature. Le carré blanc montre l’endroit où va apparaître la créature au moment de son invocation et enfin les flèches ou les cases légèrement colorées représentent les zones d’effet de la créature. Le texte explique ensuite l’effet de la créature.
Mais dans quel but ? Le but du jeu est simple : remporter 6 points en réalisant des objectifs précis dictés par les seigneurs de l’arène. Figures à faire avec ses pièces, invoquer trois créatures dans le même tour, contrôler un certain point de l’arène, autant d’objectifs à accomplir rapportant de 1 à 3 points selon leur difficulté et que vous devrez réussir avant votre adversaire (qui se bat pour les mêmes objectifs). Ainsi contrairement à la plupart des jeux qui opposent les joueurs, le but n’est pas la destruction pure et simple de l’adversaire, ici, le combat n’est qu’un moyen pour parvenir à une fin et non une fin en soit et c’est suffisamment original pour être souligné.
Du pain, des jeux et des dragons
Quatre factions se battent pour régner sur l’arène, l’École Impériale du Sud (en rouge), l’École Impériale du Nord (en bleu), l’École des Hautes-Terres (en jaune) et l’École Sylvestre (en vert). Les deux écoles impériales sont en fait deux jeux de cartes identiques, et sont chaudement recommandées pour apprendre à jouer, de plus le côté tactique est d’autant plus important puisque vous ne pourrez plus compter juste sur la chance et la spécificité de vos cartes pour l’emporter puisque votre adversaire possède les mêmes. Les batailles entre ces deux écoles sont donc très tendues et rappellent les échecs où votre intelligence et votre capacité d’anticipation seront vos meilleures alliées. Les deux autres en revanche viennent apporter leur lot de variété, l’école des hautes-terres dans son style cimmérien vous fera comprendre tout de suite que vous n’êtes pas là pour coller des gommettes et que votre hache à deux mains s’occupera pour vous de la partie diplomatique de la bataille. A l’exact opposé l’école sylvestre menée par des elfes et autres dryades utilisera ses charmes et sa magie pour convertir les pièces ennemies à votre cause, les trahisons et les coups bas foisonnent avec cette école, attendez vous à beaucoup de rage de la part de vos adversaires !
Attendez, arrêtez tout !! Quatre factions dans un jeu de duel ?? Qu’est-ce à dire que ceci ? Et bien, tout simplement que nous pouvons aussi jouer à quatre joueurs dans deux autres variantes du jeu principal, le duel en deux contre deux qui suit plus ou moins les règles de base mais en ajoutant une partie coopérative entre les joueurs et le mode que les plus bourrins d’entre nous attendaient avec impatience, le bon gros match à mort en équipe ou non où on s’embête plus avec des objectifs et où chaque pièce détruite rapporte des points. Le premier à 10 ou 12 points (selon le nombre de joueurs) a gagné, voilà c’est aussi simple. Enfin ajoutez à ceci, une version simplifiée des règles pour apprendre à jouer tranquillement et qui varie quand même pas mal la façon de jouer et vous obtenez un jeu où chaque partie sera extrêmement différente de la précédente.
Mais les véritables stars du jeu sont les légendes, oui invoquer un chevaucheur de loup barbare ou un chevalier-griffon c’est impressionnant, mais ça envoie vachement moins du pâté qu’invoquer un Titan ou un Dragon de feu. D’autant que les effets ne sont clairement pas les mêmes, voyez plutôt : l’Élémentaire de Temps nous fait jouer un tour supplémentaire MÊME si la fin de partie a été enclenchée. Le Dragon de feu, vous choisissez une direction indiquée sur la carte et vous détruisez tout dans cette direction et dans les deux directions adjacentes (imaginez un souffle en cône qui détruit tout sur son passage !) Bref largement de quoi remettre les pendules à l’heure d’un adversaire qui aurait pris un peu trop d’avance (ou d’enfoncer définitivement un adversaire malchanceux).
Évidemment invoquer ce genre de créature a un prix, déjà les formations c’est à dire la façon dont vos pièces doivent être disposées pour invoquer la créature sont très grandes et très complexes mais en plus elles exigent qu’au sein de ces formations il existe des pièces héroïques (venant donc des cartes les plus rares de vos decks/factions). Autant vous le dire tout de suite, faire une formation légendaire prend à peu près autant de temps et rencontre autant de difficulté que de faire une formation pour remplir un objectif, aussi il n’est pas rare que personne ne parvienne à en invoquer une au cours d’une partie (cela peut même dans certains cas être déconseillé !)Et en plus le deck des légendes est commun à tous les joueurs, donc vous avez autant de chance que votre adversaire de faire sortir soudainement un Ange de la Mort de votre main! De quoi rajouter encore plus de piquant à des parties qui déjà étaient très variées, à réserver cependant aux joueurs qui ont déjà fait quelques parties au préalable.
Le jeu des Tchèques
Permettez moi de vous retenir encore un petit peu avant de passer au verdict car je souhaitais vous parler du créateur du jeu Vlaada Chvàtil car son implication dans ce jeu (bien que ce ne soit pas son coup d’essai il a également travaillé sur Mage Knights, Dungeon Lords et Galaxy Truckers) est tout simplement spectaculaire. Il ne s’est pas contenté de créer un jeu, il a créé un univers: ce ne sont pas des pièces que l’on pose mais des fragments de kalarite, une pierre magique, on ne joue pas des cartes, on invoque l’essence psycho-magique des créatures dans les pierres. Le titre du deuxième paragraphe est une citation de l’Empereur Trago qui a mis en place pour satisfaire son peuple les matchs à mort à la place des duels ancestraux.
Prenez attention aux illustrations des plateaux des objectifs et des scores du match à mort, alors que l’un représente les seigneurs de l’arène riches et vautrés donnant des objectifs pour se distraire, les autres représentent le peuple de chaque nation venu en masse défendre ses couleurs. Lire le livret de règle n’est pas seulement un bon tutoriel, mais c’est une plongée dans un univers mythique qui n’est pas sans rappeler Conan le Barbare ou les douze travaux d’Hercules, pour finir par des conseils de jeu donnés par le créateur lui même ! Un grand travail en profondeur qui s’avère payant pour ma part !
Tash-Kalar a été pour nous une véritable surprise, un jeu aussi profond dans son système de jeu que dans sa recherche d’une identité qui lui est propre. Peut-être que cette impression particulière vient du fait que je suis nouveau dans le monde du jeu de plateau, mais il me semble que peu de jeux bénéficient d’autant de temps au développement de leur univers, à titre d’exemple Mascarade dont je vous ai déjà parlé (ici) bénéficie de superbes illustrations mais l’histoire des personnages n’est jamais mentionnée, la mascarade n’existe pas dans un univers particulier.
Tash-Kalar est donc un jeu complet bénéficiant de variantes, d’une forte rejouabilité (un peu comme les échecs), d’illustrations franchement réussies qui respirent la dimension épique des combats auxquels vos créatures vont participer et bien sûr d’un système de jeu aux petits oignons. Encore sceptique ? Alors allez faire un tour sur tash-kalar.com et prenez un avant goût des batailles qui vous attendent tout en regardant, un sourire vissé sur les lèvres, avec quelle sincérité l’auteur du jeu vous invite à entrer dans cet univers magique.
Vous trouverez l’arène des légendes dans une échelle de prix oscillant entre 20 et 40 euros donc en vous débrouillant un peu vous le dénicherez à un prix où ne pas craquer pour cette petite perle est un acte criminel. Tiens, je remarque que je ne vous ai pas parlé de la durée d’une partie… Elle oscille entre 30 minutes pour les joueurs confirmés et 1h pour les débutants. Allez, cette fois, je vous laisse, j’entends des impériaux du sud qui la ramènent un peu trop….
Déjà, rien que la partie simplifiée est vraiment très drôle !! Je ne me prononcerai pas sur la partie complète, n’en ayant jamais fait, mais il me semble tout de même qu’une bonne tactique repose sur deux mots : Think Different !!! De mémoire, mais je peux me tromper, le rédacteur de l’article en a fait les frais quand nous avons joué ensemble. Beginner’s luck ? A voir…