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Petit guide de lecture hyborien (nouvelles de Robert E. Howard – Partie 2)

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Et c’est reparti pour le second volet de ce guide destiné à faire découvrir les nouvelles de Conan écrites par le révéré Robert E. Howard. Les meilleurs textes ayant déjà été développés dans l’article précédent, certains pourraient croire que cette seconde partie est finalement bien superfétatoire. Que nenni, il n’est pas dans mes habitudes d’écrire des pages pour rien. Comme vous avez pu le lire dans mon intro, l’œuvre de l’écrivain texan n’est pas simple à cerner et ne s’épuise certainement pas dans une distinction binaire (les trucs cool/les trucs pas cool). En réalité, si les histoires décrites ici sont toutes susceptibles de faire l’objet de critiques plus ou moins marquées, elles contiennent aussi de très bonnes choses. Seule la dernière catégorie se caractérise par des nouvelles que l’on peut (voire que l’on doit) ne pas lire, même en étant un fan de Conan. Ce second article est à mon sens aussi important que le premier, car il permet d’orienter ceux qui ont lu les œuvres les plus classiques vers de nouvelles aventures souvent moins connues.

 

Les bonnes trouvailles du bazar kothien

article Conan

Les textes qui suivent ne sont clairement pas exempt de défauts et/ou ne sont pas aussi aboutis que les récits des deux précédentes catégories. Cependant, ils sont d’une qualité indéniable et l’on sent qu’ils ne relèvent pas d’une logique strictement commerciale. Les personnages secondaires ainsi que les intrigues sont relativement travaillés et parviennent ainsi à constituer une toile de fond plutôt crédible. Cette catégorie est destinée à ceux qui, ayant lu les meilleures aventures de Conan, cherchent à poursuivre leur exploration sans tomber dans le « Howard vendeur » (qui a aussi parfois ses qualités ceci dit !). Ces nouvelles sont de « vraies » bonnes pioches pas toujours citées dans les tops ( surtout La Citadelle Écarlate et Le Maraudeur Noir).

Le Phénix sur l’Épée : Il s’agit de la première nouvelle de Howard dans laquelle apparaît Conan. A ce moment, l’écrivain n’a encore qu’une idée vague de ce qu’il appellera un peu plus tard « L’Age Hyborien ». (Voir La Tour de l’Éléphant). Assez logiquement, Le Phénix sur l’Épée n’est donc pas le meilleur texte de l’auteur texan. Ceci dit, ce récit dans lequel Conan est déjà roi d’Aquilonie n’en reste pas moins bon pour un début. (C’est même l’un des textes préférés de Narfi…). L’intrigue est simple mais efficace : le souverain est la cible d’un terrible complot qui rassemble certains de ses anciens partisans mais aussi un sorcier maléfique. Conan devra utiliser toute sa force de barbare pour se débarrasser des traîtres et de créatures plus sombres encore…

La fille du Géant du Gel : Un récit court mais intéressant. On y suit Conan qui, à la fin d’une sanglante bataille dans le nord glacé, se lance – sans le savoir – à la suite de la fille d’Ymir, le géant du gel. Cette nouvelle, qui ne fut pas acceptée par Weird Tales, montre les ambitions poétiques de Howard, sa fascination pour la mythologie scandinave ou encore son désir de ne pas faire évoluer Conan dans des récits d’action trop classiques… Les contraintes financières devaient malheureusement en décider autrement.

La Citadelle Écarlate : La meilleure nouvelle de Conan « roi d’Aquilonie » (et que j’apprécie personnellement tout particulièrement). Trahi par un de ses alliés lors d’une bataille, le souverain se retrouve prisonnier dans les cachots de la forteresse d’un sorcier maléfique, Tsotha-lanthi. C’est peut-être dans ce texte que Howard décrit Conan dans la situation la plus désespérée qui soit, à la merci de créatures innommables. Surtout, il est rare (exceptionnel?) de voir le barbare paniquer, or c’est bien ce qui se produit au début du troisième chapitre… Et cela participe à l’incarnation d’un Conan, au moins un instant, plus humain. Pour s’échapper, le héros devra surmonter sa peur et vaincre les horreurs lovecraftiennes qui remontent des abysses. À une première moitié caractérisée par sa dimension horrifique succède une deuxième partie faisant étalage de tout le talent de Howard pour faire vivre des batailles épiques. La Citadelle Écarlate est globalement une lecture haletante, à la croisée entre plusieurs influences bien utilisées.
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Le Maraudeur noir : Où vous partirez à la recherche d’un fabuleux trésor en compagnie de tout ce que les mers hyboriennes comptent de gredins à foie jaune et autres gorets
. Problème : le magot est caché en territoire picte et il faudra bien un Conan déguisé en pirate, plus joueur et mortel que jamais, prêt à exécuter ses alliés d’un jour pour espérer en toucher ne serait-ce que la première pièce… Le plus célèbre des barbares en profitera même pour vous exposer le problème cimmérien de la chèvre, du loup et du chou ; pas sur que cela vous soit d’une grande aide ceci dit. Prenant place dans le même univers qu’Au-delà de la rivière Noire, cette longue nouvelle est un cran en-dessous mais regorge de bonnes choses. L’intrigue, bien que parfois maladroitement menée, est  relativement consistante et souvent amusante. Trois camps différents cherchent à obtenir les richesses dissimulées à l’intérieur des terres mais aucun n’a les moyens, seul, pour y parvenir et repartir sain et sauf. Chacun cherche ainsi à la fois à utiliser l’autre et à s’en débarrasser dès que possible. Une partie barbare de poker menteur qui ne peut que se finir dans le sang…

Les plaisirs faciles du lotus de Khitai

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Disons le tout de suite : nous attaquons la partie des aventures de Conan qui n’a rien d’inoubliable. MAIS (eh oui, je ne vais pas vous lâcher de si tôt) cela ne veut pas pour autant dire que vous ne devez pas les lire. Certes, ces textes ne vous marqueront sans doute pas, mais ils demeurent de bons divertissements. Comme le disait grosso merdo Lovecraft, Howard a tellement de talent que même ses textes rapidement expédiés recèlent souvent un petit quelque chose  – une ambiance particulière, un monstre, des scènes d’action savoureuses – qui vous inciteront à tourner la page. J’ai en tous les cas relu toutes ces nouvelles avec un réel plaisir, notamment Xuthal qui rappelle évidemment  Les Clous rouges.

Le Dieu dans le Sarcophage : Fort sympathique, ce court texte prend la forme assez incongrue d’une espèce d’enquête policière à huit clos. (Howard avait de multiples sources d’inspiration, et sans doute quelques-unes parmi la littérature policière). Conan se retrouve dans une riche demeure, tout près du cadavre encore chaud du propriétaire, un certain Kallian Publico. Il est alors immédiatement accusé d’avoir tué ce brave gredin et va devoir démontrer par A+B à ses accusateurs qu’il ne peut en aucun cas être à l’origine du crime dont on le charge. Le Dieu dans le Sarcophage ne mérite pas qu’on allume un cierge, mais l’intrigue est amusante et évite de faire intervenir des jeunes filles inutiles et autres clichés. Amen.

Chimères de fer dans la clarté lunaire : Nouvelle « alimentaire » de Howard, écrite aux alentours de novembre 1932 (une période d’incertitudes pour l’écrivain), elle ne fait clairement pas l’unanimité parmi les fans de l’artiste. Elle a pourtant selon moi de réelles qualités, dont le cadre dans laquelle elle se déroule. Conan, arrachant Olivia – fille du roi d’Ophir – des griffes d’un seigneur hyrkanien, s’enfuit à l’aide d’une barque et parvient à accoster sur une étrange île boisée. L’arrivée dans ce lieu, ainsi que sa découverte, font l’objet de descriptions poétiques et évocatrices. Parvenus dans des ruines anciennes et oubliées, les deux rescapés y découvrent de noires statues anormalement expressives. De refuge, l’insularité devient bientôt synonyme de vase clos menaçant et étouffant où rodent les ombres… La fin, de peu d’intérêt, n’empêche pas de profiter du talent (incroyable !) de Howard pour créer des atmosphères prenantes en quelques pages (et ce, malgré, encore une fois, un personnage féminin particulièrement agaçant et daté.)

Mark schultz bassin homme noirXuthal la Crépusculaire :  Tout comme Chimères de fer dans la clarté lunaire, Xuthal la Crépusculaire a été écrite pour être vendue rapidement. Comme toujours, cela est attesté par la présence de plusieurs donzelles quasiment à poil tout au long du récit. Et là encore, le travail de Howard sur le cadre du récit parvient à hisser le texte au rang de très bon divertissement. Conan, égaré en plein désert avec une jeune fille, affamé et assoiffé, arrive aux portes d’une cité perdue au milieu des étendues sablonneuses, la fameuse Xuthal. A première vue, celle-ci, toute entière bâtie avec ce qui semble être du jade, est vide. En réalité, elle est habitée par une ancienne civilisation dont les membres, peu nombreux, passent le plus clair de leur temps inanimés sous l’emprise d’une drogue…

Le Bassin de l’Homme noir : Un texte dans la lignée des deux précédents, écrit à la même période (fin 1932). Le début est réellement bon : Conan, alors pirate, se hisse sur un bateau de boucaniers naviguant au large de Zingara (l’Espagne si vous voulez) et se fait petit à petit une place au sein de l’équipage. Zaporavo, le capitaine, poursuit un but mystérieux et se lance vers une destination obscure. Arrivé sur un rivage inconnu, il s’enfonce dans les terres. Sur cette île, on découvre une étrange cité à la description toute lovecraftienne, un château dépassant l’entendement humain plutôt captivant. L’ambiance est prenante, mais l’intrigue et les personnages ne sont pas bien folichons. On sent que Howard a écrit son texte rapidement, se satisfaisant d’une atmosphère divertissante et de scènes d’action bien menées. Quoi qu’il en soit, encore une fois, n’hésitez pas à lire ce genre de courts textes sans prétention de temps à autres ! 

La maison aux Trois Bandits : Une nouvelle qui me laisse totalement perplexe. C’est bien simple, je ne sais vraiment pas quoi en penser, même après m’être renseigné ici ou là. D’après ce que j’ai pu lire, certains voient dans ce texte une volonté de Howard d’accentuer la facette plus « légère » et comique de Conan. Ainsi, on apprend au début que le féroce barbare s’est fait emprisonner après s’être cogné la tête sur un mur le lendemain d’une soirée de beuverie. C’est drôle oui… Mais… Minute papillon, y a rien qui vous choque ? Pendant plus de 1500 pages Conan massacre tout ce qui passe à sa portée, boit des coups dès qu’il le peut sans être gêné plus que ça (sisi j’vous jure) et là on apprend qu’il se fait choper comme un bleu le lendemain d’une cuite, à cause de sa gueule de bois ! Je ne vais pas m’étendre sur la question ; reste que selon moi, on a là une réelle curiosité. Étourderie ? Volonté de dévoiler (ou créer) un nouvel aspect de Conan abandonné par la suite ? Je vous laisse juge. 
Quoi qu’il en soit, malgré des éléments qui me font tiquer (Conan retrouve la liberté en tuant un garde qui entre seul dans sa cellule, alors que le barbare n’est pas attaché…. Howard nous a habitué à mieux !), La Maison aux Trois Bandits est une nouvelle étonnante et amusante. Ce texte est notamment fait pour ceux qui veulent voir leur héros sauter dans une fosse à purin et s’en réjouir abondamment. À bon entendeur…

 

Les grigris ternis des chameliers stygiens

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Envoutés par les maléfices de Set, deux types de pourceaux critiquent les aventures de Conan : ceux qui ont lu les nombreuses réécritures catastrophiques de l’œuvre d’Howard (coucou Lyon Sprague de Camp) et ceux qui ont entamé les nouvelles de ce dernier par « le mauvais bout » et en sont restés là. La production d’Howard est sans conteste marquée par une réelle inégalité qui s’explique principalement par le fait que l’écrivain a souvent été contraint d’écrire pour des raisons financières. Cette catégorie regroupe les nouvelles qui ont le plus pâti de ce contexte. N’ayons pas peur des mots, ce sont des textes mauvais/médiocres/merdiques dont l’existence même dessert la postérité de Howard. Les raisons qui justifient de telles appellations sont nombreuses. Des personnages caricaturaux, des clichés sexistes voire racistes, des intrigues qui ne tiennent pas debout ou encore des passages verbeux, avec des circonvolutions stylistiques creuses sont à déplorer. Certaines histoires pourraient à la limite parvenir à divertir leur Homme, d’autres cumulent toutes les tares = caca.

Le colosse noir : Poussée par Mitra, Yasmela, la princesse de Khoraja demande l’aide de Conan alors capitaine mercenaire afin de vaincre un terrible sorcier, Natohk, qui menace son royaume tout autant que sa personne. La mise en place est longue, laborieuse voire maladroite et n’apporte pas franchement l’intensité recherchée. Le personnage de Yasmela est en outre particulièrement insipide et multiplie les clichés sexistes. Tout n’est cependant pas à jeter ; la bataille finale fait l’objet de descriptions épiques comme Howard sait si  bien les faire, mais, dans le même genre, on préférera largement La Citadelle Écarlate

Le Diable d’airain : Si toi aussi tu cherches à te faire du biffe rapidement, applique la méthode Howard. Prends un de tes textes, mélange-le avec une autre histoire que tu n’as pas trop mal vendue et envoie le résultat à ton éditeur. Si ce dernier est suffisamment zouave pour accepter ta nouvelle et ses lecteurs assez nigauds pour la lire, alors bravo, tu viens de te faire du pognon rapidement ! Le Diable d’airain est tout simplement une reprise de Chimères de fer mâtinée d’éléments de Xuthal. Malheureusement, je trouve que le résultat n’est à la hauteur ni de l’une ni de l’autre !

Les Dents de Gwahlur : Difficile de trouver un quelconque intérêt à ce texte pour un lecteur lambda. La nouvelle cumule tous les défauts de l’écrivain : une longue mise en place de l’intrigue beaucoup trop artificielle, cette dernière étant par ailleurs trop touffue pour la longueur du texte, des rebondissements trop rapides et tirés par les cheveux, un personnage féminin chiant à mourir… Franchement, je me suis tellement ennuyé que j’ai même la flemme d’écrire un petit mot sur le sujet. Allez hop, au suivant !

Les mangeurs d’homme de Zamboula : Les premières pages étaient prometteuses, nous transportant dans une cité à la frontière entre Turan et la Stygie (le sud quoi !), un endroit en proie à la furie d’anthropophages qui bouffent les voyageurs avec la complicité de quelques locaux assez peu scrupuleux. Évidemment, Conan est la victime de ce petit trafic nocturne. « Comme de par hasard », il se trouve que les cannibales sont tous Noirs et sont bientôt comparés explicitement à des singes. Eh oui, Howard était bien un texan des années 30… Ce texte montre clairement les préjugés racistes de l’auteur. C’est un aspect désolant du bonhomme, mais qui concerne un grand nombre d’artistes de l’époque (coucou Hergé !). Quoi qu’il en soit, à partir de ce moment, la nouvelle part en sucette, ne proposant qu’une suite de scènes d’action débiles ainsi que de propos  graveleux. L’objectif principal de Howard semblait être d’obtenir les honneurs de la couverture de Weird Tales, ce qu’il parvint à faire. Cela nous permet de réaliser à quel point les contraintes commerciales ont pu être pesantes pour le texan : les critères auxquels une nouvelle devait se plier pour bien se vendre étaient de toute évidence souvent aux antipodes de ceux qui faisaient un bon texte.

La vallée des femmes perdues : L’élément déclencheur de cette nouvelle suffit à l’enraciner profondément dans cette catégorie. Conan, devenu roi d’une tribu barbare de Kush, se rend chez un de ses confrères qui détient une jeune et belle ophirienne et se dit que décidément, un homme blanc ne peut pas laisser une femme blanche entre les mains d’un homme noir. Faut-il vraiment en dire plus ?

Graour

Errant dans les mondes vidéoludiques depuis mon plus jeune âge, j'y ai développé quelques troubles psychiques. Mais rien de grave, rassurez-vous. D'ailleurs, pour me remettre les idées en place, je lis du Lovecraft, fais des soirées Alien et imite Gollum à mes heures perdues. Tout va bien.

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