Ray Donovan, une affaire de famille
L’anti-héros est tendance dans le monde des séries, on nous ressort ça un peu n’importe comment à longueur d’année, à croire qu’on aime bien les salauds, les vrais, ceux qui cognent avant de parler. La chaîne américaine Showtime est pas la dernière dans le domaine, vu qu’on lui doit un certain Dexter… Mais suite à la fin (pas terrible) de sa série star, il fallait trouver d’autres icônes et renouveler tout ça. C’est dans ce contexte qu’arrive Ray Donovan, à première vue l’archétype du bad boy en costard qui règle les problèmes à coups de boule.
Daddy’s home !
La série commence de manière assez classique et attendue : nous faisons la connaissance de Ray, père de famille taciturne qui travaille dans l’ombre des célébrités, faisant « disparaitre » les problèmes des stars d’Hollywood pour garder leur image toute propre quand lui a les mains très très sales. Le premier épisode nous présente cet univers des stars qui déconnent, des agents qui paniquent et de Ray qui fait le ménage avec son équipe. Mais le spectateur qui pense avoir mis les pieds dans une version dark et violente d’Entourage se fait feinter comme un bleu, parce que le cœur de l’histoire, le vrai, nous est passé sous le nez. Tout ça ne représente que le contexte de la série.
Le vrai basculement est le moment où le père de Ray, Mickey, interprété par un Jon Voight hallucinant, va vouloir reprendre sa place de chef de famille après 20 ans de prison. C’est par ce retour du père prodigue qu’on va entrer petit à petit dans les embrouilles de la famille Donovan, tous les secrets du passé et du présent vont se télescoper avec ce face-à-face permanent entre le père et le fils qu’une haine profonde sépare. Mais Mickey pourra compter sur ses autres fils pour être plus coulants, les frères de Ray vont accueillir l’ancien criminel et ne comprennent pas vraiment la haine viscérale qu’éprouve le héros de la série, et nous non plus.
Parce que Ray Donovan joue énormément sur les secrets et les zones d’ombre pour livrer son histoire au compte-goutte, on apprendra que par petites touches ce qui s’est vraiment passé 20 ans plus tôt. On va découvrir l’histoire de la famille, de l’enfance des garçons jusqu’aux trahisons les plus récentes, au fur et à mesure que la première saison défile. Mais dès le début on ressentira cette haine profonde du fils pour son père et on se demandera ce que ce dernier veut vraiment, parce que même s’il ne connait pas toute l’histoire, le spectateur voit bien que Mickey prépare quelque chose.
Portraits de famille
La série n’essaye pas de happer son public dans un tourbillon de cliffhangers mais elle prend son temps, dilue ses révélations au milieu d’histoires secondaires et de petits indices. Tout passe par les personnages et les acteurs, c’est par ce biais qu’on est scotché à l’écran, on aura rarement vu casting aussi impressionnant. Liev Schreiber incarne un héros monolithique qui reste impassible face à toutes les emmerdes qui tournent autour de sa tête, à l’image d’un Idris Elba dans Luther on a un personnage d’apparence calme mais on sent une rage enfouie profondément, et toute cette violence domptée ne demande qu’à s’échapper. Et à côté de ce bloc de chair impénétrable, ce sont tous les personnages secondaires qui vont donner le change, à commencer par Bunchy et Terry, les deux frères de Ray qui vont le définir et le comprendre.
Bunchy est le cadet, un bagarreur un peu neuneu mais fragilisé par un traumatisme de son enfance qui le place en position de protégé de ses frères. Quant à Terry, l’ainé boxeur parkinsonien, c’est tout l’inverse. Sous ses airs de fragilité il cache une personnalité affirmée et un esprit combatif insoupçonné, joué à la perfection par Eddie Marsan. J’ai vraiment adoré la dynamique du trio de frangins qui s’aident sans se poser de question et qui feraient n’importe quoi les uns pour les autres, on sent qu’ils ont toute une vie en commun derrière eux et qu’ils en ont bavé ensemble. C’est cet équilibre que va venir perturber l’arrivée de Mickey, ce père catastrophique qui n’est qu’une petite frappe mesquine et sournoise. Il se prend pour un caïd d’Hollywood qui se révèle tour à tour dangereux, pathétique, attendrissant, on ne sait jamais vraiment sur quel pied danser.
Mais Ray lui, il sait, et il va passer son temps à essayer d’éloigner son père de tout ce qu’il a construit, à commencer par sa femme et ses enfants. Nous ne savons pas vraiment pourquoi, Ray est implacable mais il garde ses secrets de sa femme et de ses frères autant que des téléspectateurs. On sent qu’avec le retour de son père, c’est tout un passé pas très glorieux qui menace de lui sauter à la gueule et ça c’est hors de question.
Hollywood Vs Boston
La série parvient à mélanger deux univers opposés, Ray s’est fait une situation dans le Hollywood des stars dont il connait les arcanes, il évolue en costard hors de prix et vit dans les quartiers riches. En face, le reste de la famille est resté dans une ambiance de petites frappes de Boston, Terry tient une salle de sport de quartier où le cadet roupille la plupart du temps. La différence entre les deux univers est visuellement marquée et symbolise l’opposition entre Ray et Mickey, mais elle permet au script de varier les situations. Ray Donovan jongle constamment entre les situations à gérer pour son boulot et les urgences familiales. Il n’a pas une seconde à lui, c’est son caractère secret qui va beaucoup compliquer les choses avec sa femme qui ne reconnait plus son mari et commence à péter un câble.
Oui, bon, je parle beaucoup des mecs de la série mais que les féministes rangent leurs fourches, on a des rôles intéressants de l’autre côté aussi même si la série tourne surtout autour des frères Donovan. La femme de Ray notamment est un personnage vraiment équilibré et bien joué même si on a frôlé le piège de la femme hystérique insupportable façon Breaking bad à un moment. La relation Ray-Abby est touchante et crédible, parfois explosive, parfois tendre, mais le personnage se laisse rarement marcher sur les pieds et reste entier. Même chose pour Lena, l’employée énigmatique de Ray qui semble être son pendant féminin, peu loquace et taciturne mais qui se laisse pas faire.
Mais le personnage qui incarne peut-être le plus l’univers de Ray Donovan à lui seul est sans doute Avi. L’homme à tout faire de Ray est tour à tour bienveillant, subtil, violent ou froid, il est à l’image de la série : énigmatique. C’est peut-être l’idée principale à garder de la création d’Ann Bidermann et Showtime, c’est une histoire de famille qui se découvre petit à petit par ses énigmes et ses personnages nombreux, complexes et bien écrits. Tout le contraire de Beaking Bad quoi (TROLL GRATUIT !!!!!!!!!).
Ray Donovan est vraiment à découvrir, dans la lignée des Sopranos elle montre un univers criminel et familial crédible, elle prend son temps pour se mettre en place et accrocher le téléspectateur. C’est pour moi une des meilleures séries de ces dernières années, vous pouvez la retrouver légalement en VOD ou sous ce format physique bizarre que les personnes âgées appellent DVD.