Films Marvel #7 : Les Gardiens de la Galaxie
LES GARDIENS DE LA GALAXIE
Firefly au pays de Star Wars
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Le 13 août est sorti la nouvelle production Marvel Films, en la personne des Gardiens de la Galaxie, et il ne s’agit pas d’une suite ou d’un crossover mais bien d’une toute nouvelle franchise. Pire : on ne nous présente pas un superhéros tout neuf pour boire des coups avec Tony Stark mais un univers entier de science-fiction pour tenir la dragée haute à toutes les tentatives de relancer une bonne vieille saga soap-opera.
Un voleur, une tueuse, deux truands et un psychopathe pour sauver la galaxie.
C’est à peu près tout ce que vous avez besoin de savoir sur le pitch. Je vous laisse découvrir les détails et autres mac guffins à la vision du film.
Puisqu’il vient de sortir, je suivrais la tradition du dossier Marvel Films en vous expliquant d’où il sort, qui l’a pondu et pourquoi, mais je me fendrais aussi d’une petite critiquette pour ceux qui se demandent s’ils veulent débourser le scandaleux prix des tickets de cinoche en France pour aller voir ce blockbuster.
Big Fucking Gunn
« La plupart des blockbusters sont soit une interminable débauche d’explosions et de scènes d’action avec des personnages bidons ou alors ils sont si sombres que c’est juste un écran de protection pour cacher le fait qu’il n’y a aucune émotion derrière. Je déteste ça. Je n’ai rien contre les films populaires ni les films chers, mais je ne veux pas faire quelque chose qui soit malhonnête ».
James Gunn n’était en effet pas un de ces types qu’on voyait derrière la caméra un machin à 170 millions d’unités galactiques. Scénariste de formation plus versé dans la comédie et le genre horrifique, le bonhomme a par la suite réalisé des PG-Porn (concept humoristique de films pornos… sans sexe), puis deux long-métrages, dont le plus renommé est Super, film indé de super-héros (ou plutôt de taré qui se prend pour un super-héros) d’un genre trashouille, dingue et iconoclaste. Alors certes, il a fait un truc avec un mec en costume mais il ne s’attendait pas à ce que sa folie irrévérenscieuse l’amène à être contacté par Marvel. De son propre aveu, sachant qu’il acceptait de travailler sous l’égide de Disney, il a produit un scénario auto-censuré en dosant les quelques pillules qu’il espérait pouvoir faire passer. Mais Kevin Feige, Mr Marvel Films, le recontacte immédiatement : ça ne va pas, ça n’est pas assez James Gunn, s’ils l’embauchent c’est pour avoir son côté fou et différent.
Et voilà comment on injecte un bon shoot de délire dans une toute nouvelle franchise SF…
Dans une galaxie très, très perchée
Parce que soyons clair, si Les Gardiens de la Galaxie sont bien dans l’univers partagé Marvel, il n’est pas tant un nouveau-né pour la famille Avengers qu’une volonté de se payer une franchise SF majeure, chose que Disney avait totalement raté avec John Carter (non pas parce que le film était mauvais mais parce qu’il a été très mal vendu) et qui, soyons honnête, n’existe plus vraiment dans le paysage cinématographique, à part les gros bousins vaguement inspirés de Star Trek (dont le responsable déteste tellement l’œuvre originale qu’il est depuis parti réaliser Star Wars pour… Disney).
Alors oui, on trouve ici des éléments du Marvel Cinematic Universe qu’on remarquera si on a vraiment torché toutes les séquences post-générique. Et oui, si l’on suit un peu l’évolution des projets, on sait que beaucoup d’éléments (les Joyaux d’Infini, Thanos, les races extra-terrestres humanoïdes d’Asgard ou de Navarre,…) sont amenés à se recouper entre cette part cosmique et la partie terrienne. Mais on est loin, très loin de la Terre.
Plein de planètes, des empires stellaires, des centaines de races civilisées, des maquillages, des prothèses, des bases construites dans des crânes d’entités cosmiques, des flottes piou-piou laser et des technologies de « je te génocide ton monde en appuyant sur un bouton »,… Tout est là pour poser les bases d’une nouvelle Guerre des Étoiles, où notre planète bleue sauvée trois fois par semaine par des super-collants n’est qu’une bille dont tout le monde se fout. Les Gardiens veulent être un de ces univers riches et autonomes du bon vieux soap-opera à papa. Si l’on en croit les retours critiques et financiers, le pari est – enfin – réussi (désolé Riddick). Le plus étonnant étant qu’il aura fallu la piocher dans des comics de super-héros et se faire porter par leur succès. Car, si à l’international on connait surtout sauveteurs à pseudonymes, la dimension cosmique est une vieille tradition de l’univers Marvel (même les X-Men ont leurs aventures spatiales) et a même connu un regain d’intérêt ces dernières années, avec des séries comme… les Gardiens de la Galaxie (bien que le film en fasse une adaptation très libre).
Une SF de fantasy dont les myriades de créatures bizarres en prothèses, les empires noirs, les républiques et les hors-la-loi légendaires rappellent en effet l’œuvre culte d’un certain Lucas. Mais une SF au parti pris de la marginalité, de l’humour et des héros déglingués, au détriment du mysticisme et des quêtes spirituelles, qui rappelle aussi très fortement la série Firefly de Whedon, avec ses cowboys de l’espace, et dont l’esprit original et franc-tireur sacrifié sur l’autel de l’audience par la Fox trouve ici une amusante revanche d’outre-tombe. Pas étonnant que Whedon, dont la revanche perso a été prise par Avengers, ait crié sur tous les toits qu’il voulait Gunn, rien que Gunn (qui le lui rend bien en interview… normal pour deux potes de Nathan Fillion ?).
Space opera de voyous
« Ce n’est pas une satire, plutôt une réaction » a déclaré James Gunn.
Parce qu’il n’y a pas que les anti-héros du film qui sont des mauvais garçons : le film tout entier en est un. Qu’on ne s’y trompe pas, GotG n’est pas un anti-blockbuster ou un film indé expérimental qui déconstruit de tout partout avec une fougue post-moderne à faire pleurer le pire des hipsters. Non : c’est un gros budget de divertissement pur sucre, avec de l’action, des explosions, des batailles spatiales, des punchlines et des beaux sentiments sur fond de violon. Mais c’est aussi un blockbuster qui a bu un petit coup de transgression servi en dose copain par James Gunn (qui a entièrement refusé le scénario préparé par Marvel pour apporter sa propre vision, au point de faire passer le post-générique le plus débile à ce jour).
Déjà, bien sûr, il y a les héros et le propos qui vient avec eux, source principale du charme du film. Ici, ce sont des marginaux, des gens peu fréquentables et pas forcément très altruistes. Un soin tout particulier a été apporté à l’équipe haute en couleur qui intègre instantanément le panthéon de l’imaginaire collectif (au moins Rocket le raton laveur fou de la gâchette et Groot l’homme-arbre qui ne dit que « Je s’appelle Groot », doublé par Vin Diesel y compris en français).
Star-Lord : escroc à la petite semaine, tombeur à deux sous et parfait crétin, n’a pas oublié pour autant d’avoir un vrai fond touchant… si, si, je vous jure !
Anti-héros, c’est un terme à la mode pour tous les personnages qui des fois grillent un feu rouge, mais là ils ne sont pas seulement des bandits au grand cœur à la Han Solo : ce sont des vrais bras-cassés. En effet, s’ils bénéficient de certains avantages, ils sont parfaitement irresponsables, voir complètement débiles. J’irais jusqu’à dire que le seul type à peu près réfléchi du film est Ronan, le sombre bad guy, mais pourra-t-il vaincre le culot, le bourrinage et les plans les plus foireux jamais mis en place ?
Film voyou aussi parce qu’il s’évertue à désamorcer systématiquement tous les ingrédients obligatoires du grand blockbuster d’été. Une vanne vient retourner un moment rose bonbon, un pétage de câble vient piétiner les violons et un gag termine la tentative un peu maladroite d’émotion sincère de personnages peu à l’aise avec ces choses-là. Et ce n’est pas juste un film qui n’assume pas ses sentiments ou son premier degré (on le voit avec l’histoire de Star-Lord) mais qui aime dynamiter certains clichés pour les rendre supportables ou rafraîchissants. C’est en grande partie ce qui fait la saveur du film et son humour.
Un humour omniprésent, filou, grandiose et épique, qui appuie toutes les relations entre ces types barrés mais attendrissant et se nourrit de leurs contradictions comme de leurs synergies.
https://youtu.be/B16Bo47KS2g
Faux film Marvel-saga et vrai soap opera, blockbuster voyou et comédie à dimension épique, Les Gardiens de la Galaxie a la richesse et le cachet des sagas de SF à l’ancienne tout en s’amusant à maltraiter systématiquement tout ce qui sent le renfermé dans les productions de cette envergure. Bien que tout n’y soit pas toujours autant fouillé, il est suffisamment ingénieux visuellement et narrativement (notamment l’utilisation géniale de la musique, totalement intégrée au scénario) pour se poser comme la seule vraie réussite récente d’un genre que les studios n’arrivaient plus vraiment à produire. Si c’est ce type de délires que vous cherchez, lâchez-vous, c’est un film qui ne peut pas faire de mal. Si tout ça vous survole à plusieurs années-lumières, habituez-vous parce qu’il y en aura d’autres et vos amis vont mystérieusement se mettre à répéter « Je s’appelle Groot ».
Un très bonne surprise que ce film. Il prouve en effet qu’on peut faire parfois du bon avec des comics et des méga-studios derrière.