Déportivo, dix ans parmi eux
Beaucoup disent que le rock français est mort, ou pire – et pour paraphraser le plus célèbre des Cafards british à lunettes, qu’il est « comme un bon vin anglais : il n’existe pas » – mais pourtant… mais pourtant.
Certains gaulois, comme Déportivo, résistent et proposent souvent un rock à la française à vous foutre les frissons et la rage au ventre. A l’occasion des 10 ans de leur premier album, il fallait bien que le Cri se fende d’un témoignage d’amour !
Déportivo, le rock à la française, entre fracas et caresse
Quand les mots et la musique résonnent en cœur, que la foule vrombit avec ceux qui se démènent sur scène, alors vous êtes face à un de ces groupes. Déportivo comme une bande de potes, une tape amicale, un réconfort. Mais aussi comme un grand coup d’pied dans le quotidien, un « on s’en branle » communicatif. Le genre de groupe qui marque votre vie et laisse ses notes sur vos souvenirs. Déportivo est un grand groupe français qui s’est construit, de la fureur adolescente et je m’enfoutiste au rock mûr et assumé.
Et si vous en doutez encore, je vais essayer de vous expliquer.
Le premier coup de guitare, le « Parmi eux » de 2004
Déportivo au départ comme pour beaucoup de groupes de zic, c’est trois copains de lycée de Bois D’Arcy, Jérôme (Chanteur/Guitariste), Julien (Batteur/Kazoo) et Richard (Bassiste) qui ont pris les instruments pour une seule bonne raison : partager (la musique reste encore le meilleur moyen de partager quelque chose avec ses congénères).
Chez les Déportivo, on peut retrouver la fougue de Nirvana, des mots à la Noir Désir, des guitares à la Louise Attaque ou encore de Miossec (ils ont d’ailleurs eu un bon succès en reprenant Les bières s’ouvrent manuellement du-dit Miossec)… bref leurs influences fleurent bon le rock que l’on aime et cela se ressent bien évidemment dans leur propre son.
A l’époque, les groupes comme LUKE ou KYO (…) martèlent les « charts » et sont tour à tour proclamés « relève de Noir Désir ». Ce leitmotiv agaçant (et complètement déplacé proclamé par des journalistes en manque de repères musicaux) revient à outrance dés qu’une guitare électrique crache des notes sur des textes en français. Les trois potes signent chez Barclay (un label de nez creux français) et sortent donc leur première galette que beaucoup ont déjà entendue.
Sûr que pour le coup leur succès a été immédiat. Leur premier album déboule comme un pote trop bourré dans un salon plein de choses fragiles : tout en fracas. Enregistrement en one-shot dans les conditions du live, cet album reste un must have du rock français tant il est rempli de pépites sonores qui raviront les sceptiques du grunge français.
Ce qu’il restera de cet album est encore célébré par la fan base du groupe : cet état d’urgence adolescent, ces coups de riffs ravageurs et ces paroles qui font mouche. Album de la naïveté et de la puissance, il est le point de départ d’une aventure musicale qui rassemblera beaucoup de blasés de la torpeur musicale hexagonale.
2007, le Déportivo déroule
Suit un deuxième album après une tournée très costaude qui a vu le Dépor renverser les festoches de France allégrement et sans vergogne. Intitulé sobrement Déportivo, il reste dans la lignée du premier bien qu’un peu assagi, plus léger… plus réfléchi tout simplement. Pour le coup, ils ont même réussi à s’attacher les services de Gordon Raphael le producteur des Strokes siouplait m’sieur dame on déconne plus trop.
Encore ancré dans ce sentiment d’urgence, l’album évolue petit à petit vers des sonorités pop-rock et propose même quelques textes en anglais. Ce qui, à mon humble avis, est une erreur. Le français leur convient bien mieux.
2011, l’année du renouveau
Lassés des Majors, le trio prend un pari très risqué. Ils tentent l’indépendance et vont enregistrer l’album qui marquera un bon changement dans le traitement de leur son et de l’ossature même de leur groupe. Les guitares restent présentes, mais les claviers font leur apparition. Deux nouveaux larrons les accompagnent en tournée, et modèlent une musicalité inattendue de la part du Dépor’.
Diantre, que je déteste l’utilisation de claviers dans le rock… Seuls les Doors savaient le faire bordel ! J’ai donc eu très peur de ce qu’allait donner cette nouvelle expérience Déportivienne surtout durant cette période où la mode était à la pop dégueulasse et sur-abondante. Si à la première écoute je fus franchement dérouté (voir même agacé par certains titres à mon goût trop « faciles » par rapport aux autres : N’ai-Je, Nos baisers pour ne pas les citer), certaines chansons ont su trouver une oreille toute attentive et sont devenues à force d’écoute, le genre de chansons que l’on se repasse en boucle.
Notamment cette montée en puissance que je trouve absolument incroyable tout du long de la chanson Intrépide, véritable épopée en elle-même :
Encore une fois le Déportivo apporte une fraîcheur et prouve que d’année en année, ils tentent, explorent, et travaillent un son qu’ils se sont approprié.
Les mecs sont là. Et ils comptent bien y rester.
2013, la confirmation et l’indépendance
Et puis… et puis le dernier né, Domino. Et l’indépendance totale, la fuite en Bretagne, et le fuck off aux majors. la création de leur propre label Titanic Records. Le retour aux vinyles, le Do it yourself mon gars, la classe quoi. Entre tests foireux et morceaux de bravoure il a rencontré un bon accueil critique et public. Domino, ou l’art de proposer des morceaux forgés avec l’expérience, et d’autres en cobayes comme ce « En ville » ou ce « Imbécile » qui jouent sur les terres de Sébastien Tellier avec une touche de rock en plus.
Jérôme en vieillissant, affine une plume déjà bien affûtée et nous livre de vraies paroles pleines de poésie.
Et puis, Toutes les choses.
En bref
Bref, voilà Déportivo. Et si vous voulez comprendre ce qu’est ce groupe, allez les voir en live.
Le Dépor’ part sur les routes de France à la fin du mois avec le line-up du premier album : les trois potos, réunis pour une tournée événement pour les dix ans du premier bébé des larrons.
Paraît même qu’ils seront à Limoges, à la Fourmi le jour de la Saint-Valentin
Et à la Maroquinerie de Paris le 13 mars
Et ça va être beau putain !
Petit bonus : Louise Attaque en duo avec le Dépor’, ou quand Souchon prend une autre dimension
Merci pour ce très chouette article, mes pensées se retrouvent complètement en tes mots. Déportivo a été mon premier concert, il y a plus de dix ans maintenant, et « Parmi Eux » est une putain de Madeleine de Proust qui se mange sans fin depuis :)