Joe, duo d’acteurs solaires
David Gordon Green est un réalisateur qui a le don.
Le don de faire d’un côté des comédies romantiques qui ne valent pas tripette (Votre majesté avec Nathalie Portman, Délire express avec James franco…), et de l’autre des films indé dont la justesse et le propos décoifferaient le plus sceptique d’entre nous. Mais Green a surtout le don de raconter l’Amérique. Oh, pas la belle Amérique auréolée de piété, avec ses bons sentiments et sa réussite dans le travail style petite maison dans la prairie. Plutôt l’Amérique sale, crasseuse, celle des laissés pour compte, des miséreux sans plus d’espoir que d’argent dans leurs poches, des ratés, des voyous tatoués et bagarreurs, des putes, des pitbulls sanguinaires et des poivrots… du Texas en somme. Et c’est avec l’aide de Larry Brown que ce jeune réalisateur de quarante ans à peine fait naître Joe devant l’œil de sa caméra, et d’une fort belle manière.
Joe est adapté du roman éponyme de l’écrivain du Mississippi et l’on ressent l’ombre du réalisme sale du bonhomme transposée sur la pellicule de Green. On se retrouve donc dans une petite ville du Texas profond, où Joe (incarné par Nicolas Cage), un entrepreneur dans le bûcheronnage illégal qui survit en se noyant dans le whisky, va faire la rencontre de Gary, un gamin d’une quinzaine d’années qui porte à bout de bras sa famille et subit son alcoolique de père, déserteur démissionnaire cruel et violent. En prenant petit à petit le rôle d’un père de substitution, Joe va tout faire pour aider ce jeune garçon à survivre dans le chaos humain du Texas frappé par la crise et par la misère. Pour sûr, le Sud des USA ne doit pas être un endroit béni des Dieux.
Chacun cherche sa rédemption et Joe va la trouver avec ce gamin qui porte en lui ce coeur vaillant qui lui manque.
Que dire de ce Joe ? La forme reste classique, le fond aussi, le thème même reste classique. Mais là ou Joe frappe fort c’est dans sa justesse. Tant l’image que la performance des acteurs, tout sonne juste et nous dépeint une Amérique moribonde et écorchée vive. Nicolas Cage semble renaître de ses navets infâmes dans lequel il s’était abîmé et il épaule à merveille une étoile montante des films indé, Tye Sheridan, dix-sept ans au compteur, une gueule, une vraie, une éblouissante naïveté dans le regard.
Déjà vu dans Mud de Jeff Nicholls dans un rôle quasi similaire, ce Tye Sheridan promet à Hollywood une entrée fracassante.
Joe est un bon film noir, de ceux que l’on aime avoir en DVD et re-re-regarder les soirs d’hiver.
Je le conseille tant pour son esthétique, que pour le propos et la performance des acteurs.
Très bel article, ça me rappelle le goût du jus de pétoule.
Amicalement,