Films Marvel #2 : Incredible Hulk et Iron Man
All-in sur une paire:
Incredible Hulk & Iron Man
Retrouvez les autres articles du dossier Marvel Films par Bolchegeek
C’est en 2006 que Marvel Films lance les hostilités. Les super-héros (notamment les leurs) ont plus ou moins le vent en poupe, avec les sagas Spidey et X-Men, mais aussi des destinées plus douteuses comme Daredevil, Punisher ou les FF.
La boîte décide de jouer très gros en sortant coup sur coup leurs deux premiers films auto-produits, sur lesquels ils ont misé 300 millions de dollars. De gros budgets qui les placent à hauteur des productions du même genre mais sans leur laisser la possibilité de se planter, n’ayant pas le cashflow de la Warner, Sony ou la Fox. Autant dire que de la réussite de ce coup de poker dépendra la suite.
En avril 2008 sort Iron Man, et Incredible Hulk le mois suivant.
On trouve dès le départ les éléments de ce qui sera leur stratégie de production (consciente ou non, plus ou moins poussée par la nécessité).
Tout d’abord des réalisateurs inattendus mais dont le choix a tout de même un sens. Ici, pas de James Cameron ou de David Fincher, mais des réals plus humbles, plus abordables financièrement et sans doute plus contrôlables. Après tout, Sam Raimi n’était que 13ème sur la liste des gens pressentis sur Spiderman et il a cartonné. Un parti pris que l’on retrouve également dans le choix des têtes d’affiche, où Marvel ne sortira pas le gros chèque pour avoir des Johnny Depp ou Brad Pitt ultra-bankables.
Ensuite, on trouve directement les bases d’un univers partagé, qui deviendra le véritable coup de génie du studio. La suite des événements dépendant du succès de ces deux films, cela se limite pour l’instant à du teasing et à des clins d’œil. Mais Marvel prépare déjà le long terme.
Iron Man : Tony truand
Pour son premier bébé, le studio dégaine un personnage encore jamais utilisé, connu mais pas aussi porteur que certains de ses collègues. On colle à la réalisation Jon Favreau, acteur et réalisateur d’envergure assez faible, plus abonné aux comédies qu’aux blockbusters pétés de thunes. Un choix à l’économie, certes, mais pas complètement idiot et qui se révélera même extrêmement payant.
En effet, le film, s’il ne brille pas forcément par ses scènes d’actions finalement assez molles et peu ambitieuses par rapport aux productions du moment, joue la carte de l’humour et de l’intrigue.
Le véritable héros, c’est Tony Stark. Toute l’écriture est dévouée à ce type charismatique, génial, ambigu, plein d’esprit et excentrique, mais aussi à ses états d’âmes en tant que cynique capitaliste marchand d’armes. On nous sort la prise de conscience et la rédemption. C’est une chose que l’on retrouvera dans les autres films Marvel : une tentative louable d’amener une vision un peu plus progressiste de leurs personnages en les questionnant, en réfléchissant sur ce qu’ils sont, plutôt qu’en les adaptant bêtement.
Parce qu’à l’origine, à sa création en 63, Iron Man n’a pas ce recul. C’est un milliardaire et c’est tout à son honneur. Il vend des armes. Quel est le problème ? Il pète la gueule au péril jaune (japonais), rouge (soviétiques) ou les deux (chinois et vietnamiens). Et oui, c’est la Guerre Froide. Le capitalisme c’est bien et les IOUÉSSAY compte bien l’expliquer au monde à coup de rockets.
Cette dimension est intégrée à l’adaptation pour mieux être discutée. L’intelligence du film réside aussi à ne pas trop faire la morale, à égratigner l’idéal américain sans perdre le côté « insupportable petit connard mégalo mais génial » de Stark. Un archétype de personnage assez en vogue, comme le prouvent les personnages de Dr House ou de Sherlock Holmes, autant dans la série britannique que dans les films de Guy Ritchie. Tiens d’ailleurs : qui joue le détective dans ces derniers ?
Robert. Putain de Downey. Junior.
Maintenant, tout le monde le connaît. On ne voit que lui même. Et là, on peut dire que Marvel a eu le nez creux. Parce que quand ils l’embauchent, ça n’était pas le cas. Bobby, c’est un acteur dont le talent a toujours été reconnu, notamment depuis son interprétation de Chaplin qui lui ouvrira pas mal de portes. Des portes qui vont vite se refermer du fait de problèmes d’alcool, de drogues et une réputation de mec ingérable. S’ensuivra une traversée du désert très en-dessous de la carrière qui lui était promise. On le revoit par moment cabotiner à l’infini dans des films comme A Scanner Darkly, Zodiac ou Gothika.
Robert Downey irait-il mieux ? En tout cas, sa carrière n’est pas au top et sa fiche de paie devait être relativement abordable. Un choix très inspiré de la part de Marvel puisque l’interprétation de Tony Stark est clairement une des raisons – si ce n’est LA raison – principales du succès du film. Junior is back. Il bouffe l’écran avec son énergie, son charme et son jeu qui flirte en permanence avec le cabotinage sans jamais tomber de la corde. Non seulement il porte le film mais le rôle lui permettra de faire exploser sa carrière, son compte en banque et sa cote. Marvel Films s’est dégoté tout seul une superstar bankable qu’on verra partout par la suite au point que son salaire écrasera celui de tous les Avengers réunis.
Iron Man est vraiment LA réussite de Marvel. Presque 600 millions de recettes, l’ancrage du personnage dans la culture mondiale, la naissance d’une franchise à succès et d’un comédien majeur pour les prochaines années.
Il est amusant de voir que Favreau, jusque là cantonné à des comédies de qualité mais sans grande envergure, sera ainsi catapulté réal’ de gros machins plein de frics sur ce simple succès (cf. l’assez mauvais Cowboys vs Aliens). Son nouveau statut sera d’ailleurs source de conflits avec la Marvel, le réalisateur auréolé de ce succès réclamant légitimement une meilleure paie et se créant de grosses ambitions dans le projet Marvel. Mais nous y reviendrons.
Incredible Hulk : Edward aux Mains de Bagnoles
Deuxième cartouche du fusil à canon scié, en juin 2008 sort Incredible Hulk, soit cinq ans après une tentative d’exploitation du personnage par Universal.
Le personnage repart donc quant à lui avec un passif, ce film qui – c’est le moins qu’on puisse dire – n’a pas vraiment convaincu. Personnellement, j’aime beaucoup le premier Hulk mais il est vrai qu’il a de quoi dérouter : un scénario tarabiscoté, sorti de nulle part et extrêmement psychanalytique ; des choix qui le font plus ressembler à un Ang Lee qu’à un Hulk ; une gestion très mesurée de l’action ; des fans incompris ; etc. Je pense personnellement qu’il a beaucoup de qualité dont Jennifer Connelly, ce qui me suffit en soi.
Universal n’a pas souhaité renouveler l’expérience – on les comprend – et Marvel récupère certes le Géant Vert mais pas complètement vierge. Leur film a d’ailleurs une position assez étrange vis-à-vis de son prédécesseur encore présent dans la mémoire des spectateurs. La production fait le choix d’une sorte de fausse-suite-reboot. On retrouve Bruce Banner au point où il en était à la fin du premier film, c’est-à-dire en cavale au pays des Picaros, et on passe sa genèse en résumé flashback, là où tout le précédent tournait autour de ça. Mais les événements tels qu’ils sont dépeints ne collent pas exactement au premier film, donnant une impression de ne pas forcer le spectateur à se retaper toute l’introduction tout en s’accordant des libertés qu’une suite n’aurait pas eu. Il n’agit d’ailleurs pas d’un Hulk 2 : Le Retour de la Vengeance des Origines mais d’un Incredible Hulk (du nom de la BD, qui signifie qu’il est incroyable et non pas qu’il n’est pas crédible).
A la réalisation, on ne prend pas trop de risque en embauchant Louis Leterrier, yes man français formé aux États-Unis et à l’écurie Besson. Le bonhomme n’est pas tellement plus qu’un artisan qui sait gérer un gros budget et l’action après avoir officié sur la série des Transporteurs. Mais c’est aussi un mec un peu geek sur les bords et passionné, ça devrait faire l’affaire. Étrangement, alors qu’on aurait pu attendre de lui qu’il fasse sir yes sir en remuant la queue, c’est sur ce film que Marvel aura le plus de problèmes. Problèmes qu’on peut toutefois plus imputer à l’implication de son acteur que de son réal’.
En effet, pour reprendre le rôle de Bruce Banner (d’abord joué par Éric Bana, acteur australien avec le vent en poupe à ce moment-là et plus ou moins recalé depuis), on est allé chercher Edward Norton. Le garçon est un acteur réputé mais qui se tient généralement loin des blockbusters pour leur préférer le cinéma indé. Le choix annonce un personnage habité et torturé, interprété par un acteur qui n’est pas juste là pour encaisser son chèque. Mais Norton n’évite pas mes grosses productions pour rien. Exigeant et passablement indiscipliné, il exige carrément d’être partie prenante du scénario et va, aux côtés de Leterrier avec qui il s’entendra particulièrement bien (Norton dira même de lui qu’il est un des meilleurs réals avec qui il ait pu travailler, ce qui n’est pas anodin venant de quelqu’un qui a tourné avec Fincher et Spike Lee). De là à penser que l’acteur s’est mis dans la poche mieux que le studio le petit yes man frenchie ? Peut-être. Toujours est-il qu’ils vont tous deux essayer d’infléchir un maximum le film dans la direction qu’ils veulent. Norton est un fan de la série télévisée et privilégie la psychologie et l’errance fugitive du personnage, plutôt que le spectaculaire.
Au final, le duo sera expulsé du montage final que Marvel Films considère trop long et chiant, et dont ils couperont beaucoup de scènes impliquant Banner, ses démons et son entourage (pléthores de petites scènes coupées que vous pourrez trouver sur le DVD mais qui n’ont pas de sens en-dehors d’un director’s cut non caviardé qui n’existe pas). Ils signeront même une lettre ouverte vindicative (comme les panneaux) envers le studio qui n’apprécie guère cette mauvaise publicité et mettra fin à l’implication des deux frondeurs sur la suite, avec des mots assez durs envers Norton et un divorce consommé avec Leterrier qui se voyait bien participer à l’élaboration d’Avengers.
Il s’agit là pratiquement du seul « raté » dans le plan à long terme de Marvel Films, obligé de changer d’acteur pour un de ses héros et ne donnant aucune suite à ce premier jet (à part l’implication de Banner dans Avengers). Le succès tout relatif du film, avec ses 260 millions de recettes du film pour 150 de budget, n’y est pas pour rien.
Pourquoi une réussite aussi faible par rapport à Iron Man ? Sans doute le film ne dispose pas de la touche qui a propulsé Stark/Downey Jr. au rang de personnage incontournable. Le résultat est pourtant loin d’être honteux. Plus proche de l’esprit de la BD que son prédécesseur, le film ne se prive pas pour autant d’un Bruce Banner complexe et traqué, de scènes d’action réellement bourrines à base de voitures-gants-de-boxe-dans-ta-grosse-gueule et de moments de grâce, comme les séquences dans les favelas ou la relation contrariée avec Betty (qui n’est plus jouée par Jennifer Connelly, sans doute pire défaut du film).
Dallas, ton univers partagé
Visuel bien cool du très doué Cary Nord pour la BD « Ultimate Human »
Eh bien, même si les deux films fonctionnent très indépendamment (choix de la sécurité), Marvel a eu la bonne idée de placer quelques éléments amenant leur véritable coup de poker, la création du Marvel Cinematic Universe, sur lequel je reviendrais dans les prochains articles.
En effet, c’est dans Iron Man qu’on commencera à voir apparaître le SHIELD, organisation supranationale qui sert de ciment à cet univers, incarnée par l’omniprésent Agent Coulson (Clark Gregg). Il s’agit plus pour l’instant d’un running gag, clin d’œil pour les fans dont le seul intérêt narratif est de « gérer » la situation Iron Man.
Dans Hulk, on entendra parler du projet super-soldat, sensé être lié à celui qui aboutira à l’accident originel du mastodonte, annonçant ainsi Captain America.
Ces easters-eggs pouvaient rester des easters-eggs mais ils annonçaient à ceux qui les voyaient une intention claire : « Si on en a l’occasion, on pourra le faire ».
Mais cette déclaration d’intention se retrouve plus affirmée dans les devenues immanquables séquences post-génériques. Dans celles d’Iron Man, on découvre carrément Nick Fury, big boss du SHIELD, évoquant à Tony le projet Avengers. Les couilles sont d’ores et déjà posées sur la table : par la bouche du borgne, c’est Marvel Films qui annonce son projet. Nick Fury, ce n’est pas seulement un clin d’œil (hahaha c’est drôle ! si si!) mais déjà du sérieux, puisqu’on le trouve campé par Samuel L. Jackson. Le choix est presque une blagounette, puisque le personnage, traditionnellement blanc et grisonnant façon Clint Eastwood, est dessiné dans la BD Ultimates (remise au goût du jour des Avengers dans un cadre plus moderne) sous les traits de… Samuel himself. Mais c’est surtout une annonce forte : « On déconne pas avec notre univers. On a Jackson. Champomy d’abord. »
Dans Hulk, c’est Tony Stark lui-même qui viendra en toucher deux mots au Général Ross, signant ainsi la première d’une longue série de guest inter-films des personnages Marvel. Il est à noter que le Général Ross va totalement disparaître de la circulation, montrant à quel point la franchise Hulk ne sera pas exploitée en elle-même et le focus mis sur d’autres projets plus porteurs.
Le feu vert (comme les billets dont il dépendait) est donné pour la suite de ce plan machiavélique, qui aura bien évidemment des suites maintenant que le pied est mis dans la porte.
On en reparle bien sûr dimanche prochain !
Séquence post-générique :
INTÉRIEUR NUIT
TRAVELLING SUR LE REFLET D’UN ÉCRAN DANS DES LUNETTES (j’ai dépensé sans compter)
C’est une interview sur laquelle Bolchegeek est tombé dans les méandres de Youtube. Ils sont deux, ils sont blonds, ils sont baraqués, ils s’appellent Chris. Et ils ont l’air de bien rigoler. Celui aux cheveux l’Oréal essaie de se souvenir du nom du méchant dans le deuxième film Fantastic Four. Son collègue n’arrive pas à prononcer correctement « Galactus ». Alors celui qui le vaut bien rigole encore et le vanne : « T’es sûr que tu as tourné dans ces films ? » Apparemment, il préférerait oublier.
LA SUITE PAR ICI, AVEC CAPTAIN AMERICA ET THOR >>>