L’Auberge Sanglante : vite, planquons les cadavres
En ce début de XIX ème siècle, le petit village de Peyrebeille fut marqué par une affaire criminelle des plus sordides : durant vingt-trois années, un couple aurait assassiné plus d’une cinquantaine de voyageurs venus quérir le gîte dans l’Auberge Rouge. Ces cupides tenanciers d’une auberge ardéchoise semblaient trouver ça très commode de massacrer les gens et de planquer les cadavres sous la grange en leur faisant les poches. Cette histoire fut même porté plusieurs fois à l’écran (notamment avec Fernandel !) tant elle paraissait idéale pour un film policier ! Eh oui, en France aussi nous avons nos Jack l’éventreur nationaux.
Et c’est avec cette thématique toute particulière que L’Auberge Sanglante vous propose d’incarner ces criminels et de parvenir le plus rapidement à vos fins.
L’Auberge Sanglante est un jeu créé par Nicolas Robert qui nous plonge dans un univers glauque et morbide, idéal pour les soirées Halloween entre amis ! Les illustrations de toute beauté révèlent un gros travail d’esthétisme et colle extrêmement bien au support et au thème. Qu’on se le dise, c’est beau. Et vous allez voir aussi que… c’est très fun. Ce jeu de chacun pour soi (qui peut aussi se jouer en solo d’ailleurs, c’est à noter) saura ravir les amoureux du genre et s’adresse avant tout à des joueurs. Ce n’est pas un jeu que l’on sortira à l’apéro. Et pour vous en rendre compte je vais ici vous expliquer les règles et vous donner un aperçu de la bête !
Laissez tomber votre morale, on est là pour se faire de la thune en plantant des rupins : Bienvenu en enfer !
Des mécaniques de jeu complexes mais un jeu simple
Allez, accrochez vous je vais essayer d’être didactique sa mère en sachant que bien évidemment, c’est en jouant avec le matériel en main que l’on comprendra plus facilement (pour ceux qui ne cherchent qu’un avis subjectif je vous invite à passer l’explication des règles ci-dessous et directement aller à la partie suivante).
Petit tour de règle :
Entrons dans le vif du sujet : la nuit tombe, et les premier clients entrent à l’auberge. Le premier joueur va donc piocher autant de clients qu’il y aura de chambres (chaque joueur disposant de sa chambre, plus des chambres dites « blanches » que l’on pourra s’octroyer plus tard) et les installera dans chacune d’elle comme bon lui semble.
En tout premier lieu, chaque joueur disposera dans sa main de départ de deux paysans : les petites mains de votre cerveau criminel.
Viendront ensuite les actions.
Chaque joueur dispose de deux actions que l’on jouera en deux phases : d’abord chacun joue sa première action et à la fin du tour de table, on joue la deuxième.
Il y a différents types d’actions (c’est la que ça se corse, alors toi là- bas, dans le fond, suis un peu bordel !) :
Tout d’abord, le tenancier que vous êtes peut « recruter du personnel » et ainsi gonfler sa main. Il peut faire cela en piochant deux paysans OU en « corrompant un client » pour en faire un comparse et ainsi le sortir de la chambre où il se trouve et le mettre dans sa main. Pour cela il doit payer le prix que ce client coûte comme entouré ci-contre en DÉFAUSSANT ce nombre de carte.
Ce prix sera le même pour : corrompre le client, tuer le client, enterrer le client une fois qu’on l’a tué, ou enfin « construire la dépendance ». En effet, le joueur peut « construire une dépendance » et ainsi poser une de ses cartes en main en jouant son effet => la carte restera sur la table et après avoir fait son effet, c’est dans ces « dépendances » que le joueur pourra enterrer les fameux cadavres !
Surtout que pour se faire des pépettes, on va en buter du pékin ! Un prince fortuné dans l’auberge ? On défausse le nombre de cartes indiqué et BIM à la morgue ! Puis on enterre, et à nous la thune ! Mais attention, on ne doit pas laisser trainer les cadavres, au risques de les perdre si un flic rôde encore dans l’auberge à la fin de la nuitée !
Il est donc indispensable de ne pas zigouiller à tout va pour se retrouver avec des corps pleins le couloir…
EXEMPLE :
Thierry ici présent, est un gentil bouilleur de cru de son état venu passé une nuitée agréable dans l’Auberge Rouge. Bientôt, à grands renforts de coup de pioche dans la tronche, il rejoindra le monde des vers et des cadavres pourrissants.
Je peux donc au choix :
1/ le laisser vivre sa vie et repartir tranquille à la fin des deux tours
ou,
2/ le corrompre et le prendre en main. Je dois défausser deux cartes, comme indiqué ce qui me coutera aussi un tour d’action.
3/ Mais comme je suis un grand sadique sanguinaire et cupide, je peux aussi le tuer. Je devrais défausser deux cartes de ma main. Et pour l’enterrer de même. Donc 4 cartes défaussés pour le crime parfait, 2 tours perdus mais 18 piécettes gagnées ma gueule !
4/Si je décide de « construire la dépendance » je gagnerai l’effet (ici le fait qu’une de mes cartes en main ne me coute pas d’argent) et cela me permettra de glisser un nombre de cadavres sous cette carte égal au nombre indiqué, ici encore une fois => 2.
Le dilemme est donc entier et c’est ce qui fera tout le sel du jeu !
Vous avez donc compris, on défausse des clients/ou des paysans pour faire des actions. Et là vous allez me dire, mais du coup, on a très souvent une main vide ? ET BIEN NON PETIT ! Mais on va voir ça dans les règles avancées parce que ça va te faire mal à la tête, déjà que je sens que le doliprane n’est pas loin.
Règles avancées :
A la défausse, il faudra faire attention aux signes des cartes au nombre de quatre : la truelle, le flingue, le cercueil et la liasse. Et là c’est très simple : si vous défaussez des clients « liasses » pour corrompre, vous les récupérez en main à la suite de votre action. Pour l’action de tuer, les personnages « flingues » remontent dans votre main. Pareil pour enterrer et les personnage « cercueil », et les « truelles » pour construire les dépendances (mais attention car à la fin du tour de jeu, on devra payer 1 franc par carte en main… eh oui c’est la crise et faut payer tout ce personnel que l’on aura recruté/corrompu.)
Et donc, inévitablement, une fois nos clients corrompus, nos paysans en mains, des cadavres en pagaille et des dépendances construites il faudra faire attention aux forces de l’ordre qui vont mener leur enquête dans votre établissement de haut standing !
Ces clients comme les autres ont UNE particularité comme effleuré tout à l’heure : si un membre des force de l’ordre est sur le plateau de jeu à la fin des deux tours, tous les cadavres non enterrés sont confisqués et les joueurs perdront dix pièces pour chacun de leurs cadavres. Eh oui ça pique. Autant vous dire que les policiers disparaissent souvent dans des circonstances étranges ou sont corrompus très vite et deviennent vos hommes de mains, qui assassinent joyeusement et remontent dans votre main (le symbole du flingue). Bonne ambiance garantie ! La partie se termine quand la pile de clients aura été deux fois vidée. On compte alors son pognon, et gagne celui qui en a le plus !
Je tue, j’enterre et je ravage dans la bonne humeur
Après un premier tour de jeu, on se rend très vite compte du potentiel du bouzin. L’Auberge Sanglante transpire de cette ambiance glauque, autant par les illustrations assez caractéristiques que par l’effet que produit le challenge sur les joueurs. Le jeu transgresse clairement la morale et c’est en ce sens qu’il est intéressant et jouissif. On se bidonne à faire des actions atroces, à choisir ses petites victimes et à monter son meurtre. Car un meurtre prend du temps et de l’organisation, comme en vrai. On recrute des comparses, on prévoit ou l’on va l’enterrer, comment on va le tuer… tout en évitant les soupçons des policiers. Bref on se prend très clairement au jeu, et l’interaction avec les autres joueurs devient réellement loufoque : c’est à celui qui tuera le plus gros poisson. On se bat pour avoir les meilleurs victimes dans une grande course délirante au pognon.
Tout en restant assez simple dans le fonctionnement, L’Auberge Sanglante est vraiment délicat à maitriser, ce qui accentue le côté roleplay du jeu : on ne fait pas un meurtre comme on va acheter ses courses. Il faut maitriser son coup, et assurer ses arrières. La complexité du gameplay se trouve alors en adéquation parfaite avec la difficulté du meurtre parfait. Le jeu de Pearl Game s’adresse avant tout à des joueurs qui ont l’habitude de jouer, pas aux néophytes qui chercheront un jeu simple et une partie rapide et qui, là, pour le coup, seront perdus dans la mécanique de jeu.
MAIS dites-vous bien que si vous êtes un de ces néophytes intéressés, l’Auberge Sanglante reste à la portée de n’importe quel joueur motivé : le livret de règles étant assez bien foutu et didactique.
L’Auberge Sanglante n’est pas à mettre entre toutes les mains : Faire du biff en tuant des gens et en les pillant une fois enterrés dans la grange ne pourra pas forcément plaire aux petiots et gens insensibles à l’humour noir. D’autant que la mécanique de jeu peut paraître très confuse et rude aux premiers abords, mais il n’en est rien une fois que l’on a les cartes en main. Pour notre part, nous avons tout de suite accroché et nous nous sommes battus pour s’accaparer les victimes les plus fortunés !
Le jeu donne lieu à des échanges surréalistes et drolissimes (exemple : « Roh l’épicier ! il en a de la thune ! Faut que je trouve le moyen de le buter »…). Bref, on peut le dire, Pearl Game signe ici une grosse réussite. Pour un prix assez modique (25e) on a affaire à un matériel de qualité avec des illustrations au style bien particulier, un jeu fun et hors normes (ou l’on peut aussi jouer en solo) où l’on brasse sa liasse comme un gangster du XIXème siècle : les trolls adorent, recommandent, et y rejouent.
Ce que les autres trolls en ont pensé :
Osgy : L’Auberge Sanglante fait effectivement partie de ces jeux au mécanisme évident une fois qu’il est intégré. La partie devient vite fluide, et bientôt il ne sera plus question que d’essayer de transformer son auberge en usine du crime ! On se met rapidement en quête du combo de complices parfait, de l’extension bien placée, pour ne laisser aucune chance aux pauvres clients. Cela promet une bonne rejouabilité, tant l’envie d’essayer l’effet de tel complice particulièrement puissant se fait forte, de même que la fièvre du high score ! Bien que moins sensible aux dessins, je ne peux nier une identité graphique forte, et même s’il est évident que le côté amoral du jeu pourra en faire fuir certains, on est face à un solide jeu « simple mais riche » qui devrait ressortir régulièrement lors des soirées.