Chappie, Pinocchio vu par N.Blomkamp
Quand District 9, premier film de Neil Blomkamp est sorti, il a fait l’effet d’un coup de poing. Il est arrivé dans une science-fiction qui ne savait plus trop quoi faire d’elle-même, se sacrifiant en massacrant ses propres licences les plus prestigieuses (oui c’est de toi que je parle Alien vs Predator) ou en se perdant dans trop de démesure sans vraiment réfléchir (le reboot de Star Trek, les Chroniques de Riddick…) et a donné un formidable coup de pied dans la fourmilière. Enfin nous pouvions revoir un film de science-fiction qui nous questionne, qui s’engage autant visuellement que dans son propos avec une fraicheur et un réalisme cru qui nous scotche au fond de notre fauteuil et, pour ma part, il est devenu immédiatement un chef d’œuvre incontournable et le meilleur film de science-fiction des années 2000.
Autant dire que notre réal sud africain était attendu lorsque son deuxième film Elysium a pointé le bout de son nez. Tellement attendu qu’il en a déçu beaucoup (même si pour ma part je ne comprends pas trop pourquoi, les ingrédients qui ont fait le succès de District 9 sont bien présents, le réalisme et l’immersion totale sont toujours là, c’est toujours aussi engagé, les acteurs sont incroyables, les effets spéciaux toujours sans concession… L’histoire est juste un poil plus légère ce qui n’est pas très dur quand on compare avec la gravité du premier). L’heure de vérité a donc sonné, voilà son troisième long métrage, Chappie consécration de l’œuvre ? Ou bien Neil Blomkamp nous fait une Ridley Scott ? (sortir un ou deux chefs d’œuvre pour ne faire plus que de la merde après)
Réponse !
Chappie Chapeau
Alors Chappie qu’est-ce que c’est ? C’est l’histoire d’un mec, Deon, qui a inventé les robots policiers appelé Scout mais en mec idéaliste qu’il est, il veut aller plus loin. Il veut inventer Baymax.. euh non, il veut inventer l’intelligence artificielle ultime, une machine qui aurait des émotions et qui dépasserait les limites de la programmation.
C’est aussi l’histoire d’un autre mec, un collègue de Deon, Vincent qui a inventé un gros robot blindé façon les méchants robots de Robocop ou les Metal Gear, le Moose, mais dont personne ne veut (parce qu’il est moche et qu’il fait peur, ce qui n’est pas très vendeur surtout pour la police, les Scouts c’est mieux, ils ont des oreilles de lapin.)
Et c’est enfin l’histoire de Ninja et Yo-landa deux gangsters à la petite semaine qui doivent trouver 20 millions de dollars en un minimum de temps sinon c’est la mort.
Alors que Deon vient de mettre au point son IA ultime, Ninja et Yo-landa décident de l’enlever pour qu’il désactive les robots flics afin de réussir un énorme braquage. Je ne vais pas vous spoiler, la meilleure façon de savoir ce qu’il se passe reste encore de voir le film, mais en gros Deon va réussir à convaincre les deux gangsters de le laisser tester son nouveau programme et c’est ainsi que naît Chappie, le héros du film.
Le ton du film est plutôt léger, c’est très amusant de voir Chappie grandir à toute vitesse avec ses deux parents adoptifs entre Yo-landa qui est une mère poule adorable et Ninja qui veut transformer le plus vite possible Chappie en un robot de combat gangsta pour faire son braquage. « L’enfant » imitant geste par geste ses « parents » il roule les mécaniques (littéralement!) il est malpoli, et porte des colliers bling-bling tout en lisant des histoires pour s’endormir le soir. Le contraste est hilarant. Mais cela reste un film de Neil Blomkamp, quand je dis que c’est léger, je veux dire c’est plus léger que District 9 et Elysium mais vous verrez tout de même des robots tirer sur des gens sans sommation, des combats de chien, de la drogue et des gens qui jettent des cocktails Molotovs sur d’autres gens et j’en passe…
Chappie Chappie Gris
On retrouve ainsi toutes les thématiques chères à Blomkamp, cette vision d’une criminalité ultra violente mais ordinaire, un ancrage de son histoire dans notre réalité bien réelle, l’affrontement entre les humains et les corporations déshumanisées et déshumanisantes représentées ici par les robots policiers qui sont bien évidemment produits par une société privée mais avec un aspect comédie qui est très original et plutôt bienvenu.
Je fais partie des rares personnes sur Terre à considérer qu’un District9 2 serait inutile et du coup ça me plait de voir ce réalisateur capable de se renouveler sans pour autant se travestir et sa capacité à créer des blockbusters personnels où les punks et les rejetés sont les héros simplement parce qu’ils refusent de se soumettre à la normalité. Ça fait du bien de voir l’évolution de ces personnages hauts en couleurs qui sont à la fois des ordures finies et les seuls qui capables de faire ce qui est juste au bon moment.
Mais vous voulez savoir ce qui fait vraiment tout le plaisir de visionner ce film ? C’est sa bande sonore. Et attention je ne parle pas juste de la musique mais bien de la bande sonore dans son intégralité : que ce soit les effets, la musique ou les voix des acteurs (nous sommes de retour en Afrique du Sud à Johannesburg !) tout est absolument sublime. Entendre les accents des acteurs : australien pour Hugh Jackman (Vincent), sud-africain pour Ninja et Sharlto Copley alias Chappie (en robot !), la voix suraigüe de Yo-landa, l’accent américain posé de Sigourney Weaver, offre un véritable tour du monde auditif où les « r » roulent, raclent, sont à moitié avalés et où les « a » chantent et changent d’une personne et d’une phrase à l’autre. Si un film doit être vu en version originale c’est bien celui-là !!
Et la musique… vous lisez quelqu’un qui pourtant n’aime pas dire du bien du travail d’Hans Zimmer (je trouve sa capacité à ne jamais se renouveler d’un film à l’autre extrêmement horripilante) mais là je dois m’incliner, puissante et touchante basculant de l’orchestre épique à des mélodies en 8-bit sans que ça ne choque personne, rappelant par là le travail qu’avait effectué les Daft Punk sur la BO de Tron Legacy c’est du bonheur à écouter ! Et c’est sublimé par quelque chose d’autre !
Hans Zimmer en 8bit ça donne ça !
Pour certains d’entre vous, les noms Ninja et Yo-landa évoquent déjà quelque chose, ce sont en effet les noms de scènes des deux rappeurs du groupe sud-africain Die Antwoord qui incarnent leurs propres personnages dans le film! Mais Neil étant très fan du groupe, il a décidé de leur faire un magnifique hommage en incluant leurs pistes à la bande originale du film. En ressort des morceaux cradingues et puissants, des raps possédés de punk sous ecstasy qui trouvent le moyen de faire encore plus exploser les basses que les basses d’Hans Zimmer !
Allez cadeau, je vous offre une vidéo en plus, histoire de vous faire une idée de ce que donne ce groupe halluciné quand ils ne jouent pas dans un film!
https://www.youtube.com/watch?v=opl1tgtrKcc
Chappie s’intègre parfaitement à la filmographie de Neil Blomkamp, si vous avez aimé jusque là vous ne serez pas déçu. Alors non, il ne met pas les pieds dans le plat comme l’a fait District 9. Oui, il y a quelques incohérences (pour une société de sécurité, leur sécurité justement est étrangement incompétente) et la fin paraitra à certain ampoulée. Mais je préfère retenir de ce film une expérience viscérale, drôle et touchante où la brutalité n’exclut pas la finesse et où la puissance sonore de la bande originale n’empêche pas nos oreilles de danser au rythme de la diversité. En bref, allez voir « indestructible robot gangsta number one » et faites lui un gros câlin !
PS : Neil Blomkamp s’attaque à Alien 5 et j’ai vraiment hâte de voir comment il va transposer son cinéma à la licence. Mais il n’a pas intérêt à se louper !
En effet les scènes de l’éveil de Chappie sont vraiment réussies, elles nous attendrissent mais en même temps elles sont suffisamment subtiles pour nous montrer qu’il n’y a pas que Chappie qui acquière une conscience mais les gens qui l’entourent également. Cet apprentissage particulièrement brutal a pourtant une finalité très poétique, au cœur du chaos le plus absolu, ce qui va ressortir sera de la générosité et de l’amour. Une leçon claire martelée par Blomkamp qui nous explique une nouvelle fois que la haine est inculquée et non innée y compris dans une intelligence artificielle. C’est beau, c’est gentil et ça fait vraiment du bien dans ce monde où la haine est de plus en plus à la mode.
Merci de me soutenir dans cette terrible épreuve qui est d’expliquer au monde que l’histoire de district 9 est belle et bien finie et qu’elle n’appelle pas de suite malgré la promesse de l’alien. Ça aussi ça fait du bien ^^
« des rares personnes sur Terre à considérer qu’un District9 2 ». Pas si sûr ;)
Le plus sympa dans ce film était vraiment la phase d’apprentissage de Chappie, peut-être parce que c’est cette dimension de l’éveil de la conscience qui m’intéresse le plus…
Ah ! Si seulement !!! Je regrette de pas y avoir pensé à celle-là, elle aurait fait un magnifique titre de paragraphe !
Bon, le mec, y s’appelle Deon. Il a un phare… Ah non, ça marche pas…