Conan, le jeu de plateau : la hache dans la tronche
C’est après un très léger Kickstarter proprement réussi avec près de… quelques !!!!! MILLIONS D’BOULES !!!!!, que Monolith Edition était fin paré pour nous sortir le jeu de plateau le plus attendu de la décennie. Grosse hype, grosse communauté, grosse pression après l’immense réussite de la campagne de financement participatif qui rassembla… 16 000 contributeurs gravement ambiancés par les promesses d’un jeu ultime dans l’univers d’Howard. Figurez-vous que les trolls ont pu poser leurs mains velues et sales sur ce petit bijou visuel et ont trifouillé ses entrailles lors de parties endiablées.
Alors, qu’en est t-il du bousin ? Eh bien lisez, nom de nom, lisez !
Coucou, tu veux voir Belith ?
Quand on a entendu parler d’un jeu sur Conan en préparation, nous étions tout émoustillés, d’autant que nous nous échinions à composer une bien jolie semaine barbare pour nos ouailles. Quand nous entendîmes que ce jeu de plateau serait « fidèle » à l’univers, nous frémissions déjà. Quand nous lûmes que Patrice Louinet, ce grand maître Howardien et traducteur officiel des Conan était de la partie, nous ne répondions déjà plus de rien. Alors les quelques images du proto nous parvinrent, et là… nous salivions. Et puis, vint un trailer, PAR CROM !
#Enjaillement #Promesses
Voilà t-y pas qu’on nous vendait un jeu qui s’annonçait comme LE jeu de plateau dans l’univers de notre bon vieux Conan, avec ses personnages emblématiques, ses lieux, ses ennemis, ses monstres… Le tout réalisé avec minutie et dans un enchaînement de scénarios cohérents et validés par les plus grands connaisseurs, fans et experts de Howard. C’était trop beau pour être vrai… Ce genre de choses n’arrive pas ? Il y a forcément un couac quelque part.
Enfin, vint ce jour à marquer d’une pierre blanche, où nous pûmes enfin tester la bestiole (Vous aussi vous trouvez qu’il y a trop de passé simple dans cette partie ?).
Une sombre histoire de règles… Et puis Conan charge
En cette première approche, nous avons eu de la chance. Un gentil maître du jeu nous a guidés dans nos pérégrinations barbares et nous a expliqué les règles de ce jeu qui emprunte beaucoup aux jeux de rôles.
Voilà le principal défaut de Conan : son livret de règles diablement mal fichu (arg même). Certes, Conan suit une mécanique simple et une prise en main rapide. Mais quid de tous les petits détails ? De tous les petits faits de jeux non expliqués ? Du matériel non présenté ? Bref Conan semble donc taillé dans le marbre de la réussite, mais c’était sans compter le gros croche-patte livresque, que dis-je, le tacle dans la surface, la manchette à la gorge ! EN REVANCHE, bien conscient de cette faiblesse qui peut vous pourrir un jeu, Monolith est d’ores et déjà en train de réimprimer les règles, et de les proposer sur le net gratuitement/ou en envoi recommandé dans une version plus cohérente et exhaustive.
Ouf.
Une fois passé outre l’angoisse des règles, on installe le plateau de jeu (à double face, pour garantir moult scénarios et varier la carte de jeu… D’autant qu’un autre plateau à double face est aussi disponible, quatre plateaux quoi, vous avez compris) et la partie peut donc enfin commencer. On joue de 2 à 5 joueurs, avec à chaque fois, un joueur qui commande les forces du mal (pictes, pirates, démons…) qui joue à son tour défini et les autres joueurs qui s’incarnent dans les héros emblématiques (Conan, évidemment, Bélith, Shevatas et Hadrathus) qui eux, jouent tous en même temps au tour des héros.
Le personnage de Conan a cette faculté inouïe de se jeter dans la mêlée en hurlant comme un veau et en massacrant à coups de hache, de bouclier, de mâchoires, ses pauvres ennemis qui se dressent sur son chemin. Roleplay quoi. Tandis que les autres font preuve de plus de subtilité et de pragmatisme : une bonne dague dans le dos est toujours efficace. Plusieurs actions sont disponibles au tour des joueurs héros, se déplacer, combattre, déclencher une capacité, crocheter un coffre ou encore interagir avec l’environnement… et la plupart des actions nécessitent des jets de dés. Il faudra donc composer aussi, avec le Grand Hasard.
Chaque action consomme de l’endurance que les héros récupèrent à chaque tour selon deux possibilités : soit ils récupèrent beaucoup d’endurance et sautent un tour, soit ils récupèrent peu d’endurance et peuvent faire plusieurs actions. Il s’agit donc là aussi de prévoir et de planifier ses actions pour éviter de décéder à cause de fatigue intense. CAR VOILA, l’endurance non utilisée est cumulée, et servira aussi à déclencher les parades et les défenses quand un joueur subira un assaut. Diantre !
Chaque personnage a ses facultés et compétences propres, changeant ainsi drastiquement la manière de jouer. D’autant que d’un scénario à l’autre, les personnages « évoluent » et disposent donc de sorts différents… On notera donc une forte volonté des créateurs de diversifier les mécaniques de leur jeu. Mécaniques qui revêtent à nouveau une nouvelle dimension quant à celui qui jouera l’Overlord, le vilain, le bad guy qui s’opposera à nos glorieux héros !
Trois p’tit tours, et l’Overlord pleura
Quelle merveilleuse idée que l’Overlord. Un joueur se charge de gérer les forces du mal, et d’empêcher Conan et sa bande de tueurs de masse de mettre le boxon dans les plans du Mal. Pour cela, il dispose d’une frise où il peut activer ses différentes unités en dépensant des gemmes dont il récupère un certain nombre à chaque tour. En ce sens, on se retrouve à gérer ses bonhommes et à établir une stratégie sur le long terme.
Bon, avouons-le, nos premiers instants dans ce rôle de seigneur du mal furent délicats (qui a dit que l’on était nuls ? HEIN ? QUI ?). Car voilà, la piétaille de l’Overlord est là pour gentiment mourir et ralentir les héros. Clairement, on envoie nos hommes à la mort main dans la main et sourire aux lèvres en essayant de faire le plus de dégâts possibles. C’est beau comme une semonce armée du Kamarad Commissaire aux grandes heures du Stalinisme. Et nos pauvres Overlord s’échinaient à tenter de tuer Conan –les naïfs-… chose quasi-inconcevable après coup.
L’Overlord doit donc bâtir sa stratégie sur le long terme et prévoir, analyser, et désorganiser les héros adverses du mieux qu’il le peut. D’autant qu’il peut semer le trouble lors du tour des héros, qui, comme ils jouent tous en même temps, évoluent dans un grand bordel ou à contrario une grande discipline qui peut mettre à mal la stratégie du mal. Comme le dirait très justement ce baveux de Graour : c’est aussi ici un aspect totalement fondamental du jeu, notamment parce que les joueurs peuvent se coordonner beaucoup plus étroitement à cette phase de jeu que si c’était du tour par tour en alternant des actions et donc in fine élaborer des stratégies communes plus sophistiquées pour faire tomber le pauvre Overlord.
Alors il est vrai que certaines unités disponibles peuvent rivaliser face aux personnages, mais la plupart ne serviront qu’à faire barrage de leurs maigres corps face à la hargne Conannienne, oui, j’ai déposé un brevet pour cet adjectif qui parle de lui-même. Les héros quant à eux doivent réussir le scénario et les différents objectifs de celui-ci. N’oubliez pas, il y a quatre plateaux, et donc moult scénarios.
Pour nous c’est ici l’énorme bon point de Conan : le gameplay, l’ambiance, la cohérence et surtout la fidélité avec l’univers Howardien (l’humour est aussi subtil que présent). Pour peu qu’on se branche la bande son de l’épicness, et alors le voyage en Hyperborée est garanti.
A 100 euros la boîte, Conan se devait de répondre aux promesses. Il se devait aussi de garantir la dose de fun nécessaire à un bon jeu sur l’univers du barbare emblématique. Il se devait en outre de proposer une rejouabilité costaude, un gameplay asymétrique et innovant, ainsi qu’une grande qualité : de l’âme. Force est de constater que les objectifs sont remplis. Conan est beau, fun, stratégique, roleplay, brutal, fin, intelligent, varié, et garanti de nombreuses parties pour ceux qui débourseront la somme pour ce précieux sésame (d’autant que des scénarii seront disponibles gratuitement sur le ternet mondial).
Attention tout de même, le gros défaut des règles mal expliquées aurait pu tout ruiner et laisser un goût très amer derrière le palais, ce qui nous empêche de lui mettre notre Coup de Cœur !